Seuls, Driss et Philippe sont jugés, étiquetés, postés d’office dans des catégories. L’un est un grand black de banlieue, qui ne pompe rien à l’art contemporain, ni à l’opéra ; le second est tétraplégique, suite à un accident de parapente. L’un touche les assedics, l’autre paye 40 000 euros pour une toile. Ils n’ont absolument rien en commun si ce n’est les préjugés qu’ils inspirent, et un entourage (amis, famille) qui les conditionne. L’un étouffe dans son quartier, l’autre dans une enveloppe corporelle immobile. Deux sortes de prisons. Ensemble, ils sont Intouchables. Enfin, ils peuvent s’extraire de leur contexte, montrer un autre visage, tirer le meilleur d’eux-mêmes, rire de tout, et à la gueule de tous. C’est en tout cas le beau message que veulent faire passer Toledano & Nakache, les nouveaux maîtres du genre comique. C’est drôle mais pas bête. Impertinent mais pas vulgaire. Avec un sens de la vanne bien sentie (merci Omar Sy) et une sensibilité toujours à fleur de peau (Cluzet, excellent), ils dépassent la lourdeur du pitch de base (qui plus est labellisé histoire vraie) pour offrir un vrai bon film qui réussit un challenge de taille : ne pas s’apitoyer, sans pour autant fermer les yeux sur les réalités.
Leur ligne de conduite est simple : ils choisissent de rire de tout. De l’handicap, du racisme, de la condescendance, des aristocrates (cul-pincés), des mecs de banlieue (incultes), de la moustache d'Hitler, d’une société qui écrase l’individu, qui le colle dans des cases, de la peur, du chagrin, des rêves impossibles. Voilà pourquoi, malgré une édulcoration volontaire des situations (positivisme oblige), le duo français a bon sur toute la ligne. Intouchables est un film lumineux, de l’anti dépresseur sur pellicule, qui rappelle tout autant la noirceur des êtres et de la vie (oui, les personnages sont parfois cons, chiants, agaçants) que la possibilité de s’affranchir de celle-ci, dans l’harmonie, l’amitié, le sourire partagé. Définitivement, Nakache et Toledano croient en l’humain, aux associations heureuses, à la beauté de s’unir et de se découvrir. Et c’est ce qu’ils ne cessent de démontrer, depuis leur tout premier film.