Un film plein de souffle , celui du vent -cela se passe dans le Nord , vers Boulogne , entre dunes et plat pays- et aussi celui des respirations des deux héros : lui , le SDF et elle, la jeune fille en noir ...
Premières images : un homme marche , frappe à une porte qui s'entr'ouvre sur un sandwich qu'on lui tend , puis se referme. Lui , le SDF a fait son campement dans les dunes , il a le beau visage d'un possédé par la grâce... Souvent , face au soleil ou devant un paysage qui l'émeut , il s'agenouille , croise les mains , une au-dessus de l'autre, comme pour recevoir une hostie et il médite un certain temps. .. Et il marche inlassablement ... Il rencontre la fille en noir , elle est en pleurs , ils se disent ce qu'il faut faire puisqu'il "n'y a que ça à faire"... Il se met à l'affut avec son fusil , attend que le beau -père de la fille en noir sorte de la grange, et il le tue... la fille va retrouver le sourire... Un jour c'est une mère qui l'appelle car sa fille va mal , elle semble sans vie sur son lit ; il la délivre de son mal .. Il a un pouvoir , il accomplit des miracles ; j'ai pensé aux films de Dreyer - Bruno Dumont en Dreyer des temps modernes -... Le dernier miracle est magnifique ; mais Il n'attend pas que cela se sache , il part sur la route , son barda sur le dos et avec le chien de celui qui a violé la fille en noir et qui l'a laissée pour morte...
Dans le film , aucun nom de personne ou d'animal , seule la ville de Boulogne est nommée ... Des paysages grandioses , des moments sublimes ( quand ils sont tous les deux agenouillés devant le soleil et un paysage-tableau rustique avec vaches ... aussi quand elle traverse sur un étroit passage en béton entre des bassins et qu'elle est au bord de perdre l'équilibre...)..Et toujours le vent et le souffle des respirations qui dit les émotions. La fille en noir dit à un moment qu'elle n'a pas de sentiments... lui aussi semble toujours inaccessible, et pourtant le rythme de leurs respirations et leurs visages disent tout ce qu'ils pensent.
Un film magnifique , peut-être le plus épuré , le plus beau de Bruno Dumont ; j'en suis sortie bouleversée à en pleurer....