Le Frascati est un
café parisien célèbre du temps des merveilleuses et incroyables et aussi d'une certaine jeunesse dorée issue sans doute de la nouvelle bourgeoisie mise à l'honneur avec la Révolution puis durant
le Directoire et l'Empire. Il est difficile de faire la part entre les véritables incroyables et merveilleuses et ceux qui prennent pour modèle cette modernité sans en avoir la noblesse. Si le
café Frascati est sans aucun doute assez somptueux par sa grandeur, sa décoration néo-antique, la beauté des jeunes personnes qui viennent y savourer de délicats glaces, punchs et limonades, il
n'en reste pas moins aussi une maison de jeu dans laquelle de nouvelles fortunes souvent mal acquises en des temps troublés viennent y parader leur argent. Il se situe à l'angle du boulevard
Montmartre et de la rue de Richelieu. C'est d'abord un hôtel particulier édifié en 1784 selon Georges Cain (Les Pierres de Paris, Paris Ernest Flammarion, 1910?) par « le riche
traitant Crozat ». En 1789 il est démoli pour devenir « l'hôtel Lecoulteux de Nolay » ; « la belle terrasse seule est respectée ». En 1789, le cafetier italien
Garchi l'achète. Il y fonde le café Frascati : « Ce subtil limonadier conquit Paris par l'excellence de ses glaces parfumées et la somptuosité de ses pyrotechnies. » « Chaque
soir, la foule se pressait pour admirer les feux d'artifice, secouant sur Paris leurs gerbes de diamants, d'émeraudes et de rubis. En sortant de l'Opéra de la rue Richelieu (sur l'actuel
emplacement du square Louvois) il était de bon ton de venir faire flamber des punchs ou écorcher des glaces chez Garchi. On promenait des
belles dans les allées « illuminées a giorno » qui
s'étendaient jusqu'au passage des Panoramas, et il n'en coûtait que " trois livres d'entrée " ». Dans Les Anglais en France après la paix d'Amiens [1802]: Impressions de voyage de Sir
John Carr (1772-1832), traduit par Albert Babeau, on y lit à partir de la page 180
: « [...] Frascati, où se réunit d'ordinaire, à dix heures, après la sortie de l'Opéra, le monde élégant de Paris. On n'y paye pas de prix d'entrée, mais tout étrange que cela puisse
paraître, aucune personne mal élevée ne s'y introduit, sans doute par suite du respect que la bonne société inspire à la mauvaise. […] Un escalier mène à un beau vestibule, et de là à une salle
entourée de glaces et décorée de festons de fleurs artificielles. A l'extrémité s'élève une belle statue de la Vénus de Médicis. Auprès de cette statue s'ouvre une arcade donnant accès à une
suite de six magnifiques pièces superbement dorées, garnies également de glaces et de lustres de cristal taillé en diamants, qui brillaient comme autant de petites cascades étincelantes. Chaque
chambre était comme un foyer de lumière ; l'on y prenait des glaces ou du café. On communiquait d'une pièce à l'autre par des arcades ou des portes à deux battants ornées de glaces. Le jardin,
petit, mais disposé avec art, se compose de trois allées bordées d'orangers, d'acacias et de vases de roses ; à l'extrémité s'élèvent une tour dressée sur un rocher, des temples et des ponts
rustiques ; de chaque côté, de petits berceaux en labyrinthe. Une terrasse s'étend le long du boulevard, dont elle commande l'aspect ; elle est bordée de beaux vases de fleurs et se termine à
chaque extrémité par des sortes d'avenues décorées de miroirs. Là, dans le cours d'une heure, l'étranger, partagé entre la surprise et l'admiration, peut voir près de trois mille femmes les plus
belles et les plus distinguées de Paris, dont les joues ne sont plus désormais défigurées sous les ravages du rouge, et qui, par l'harmonie et la grâce de leur extérieur, le porteraient à croire
que les plus aimables figures de la Grèce, dans son époque la plus brillante, revivent et se meuvent devant ses yeux. »
Il semble que le High-life tailor rachète le bâtiment ou celui construit à sa place (voir l'article
intitulé Le high-life). Ce grand magasin de mode, comme il s'en fabrique beaucoup dans la
seconde moitié du XIXe siècle, s'installe alors à
l'intérieur.
Photographies : « Frascati », « Dessiné d'après un Croquis pris sur
le Lieu, et Gravé par P. L. Debucourt. » Il s'agit de Philibert Louis Debucourt (1755-1832), artiste dont les gravures marquent la production de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe.
Il s'est fait notamment une spécialité des images de mode à l'époque des incroyables et merveilleuses. L'estampe représente le café Frascati en 1807. Cette gravure est peut-être d'époque. Le
papier vergé est épais.
© Article LM