[Critique] TERRITOIRES d’Olivier Abbou

Par Celine_diane

Frontière américano-canadienne. Des douaniers arrêtent d’honnêtes citoyens américains, leur enfilent de force des combinaisons oranges, les enferment dans des cages, pour finir par les torturer. "Bienvenue aux Etats-Unis" dira l’un d’entre eux. Bienvenue surtout au cœur d’un film de genre politique, premier long-métrage du français Olivier Abbou, qui a choisi d’inscrire son survival dans un paysage désertique canadien, no man’s land hanté par deux psychopathes atypiques : des vétérans de guerre. Impossible de ne pas discerner le sous-texte: Abbou compte bien y dénoncer les conditions de détention dans les camps de prisonniers américains, allant jusqu’à faire subir le même sort et les mêmes tortures à ses personnages (l’appellation Delta, vrai nom d’un camp de prisonniers à Guantanamo, la musique à tue-tête, les déplacements pieds et poings liés, etc.). Le plan-séquence éprouvant, qui ouvre le film, annonce d’emblée la couleur : Territoires se situe lui aussi à la frontière des genres, entre film d’horreur au grain seventies (on pense à Délivrance, ou Massacre à la tronçonneuse) et pamphlet politique.
D’un côté, on y entrevoit pas mal de choses : la paranoïa post 11 septembre dans les dérives verbales racistes des bourreaux, ou les tendances bellicistes de traumatisés de guerre et/ou d’hommes de pouvoir. De l’autre, on a le droit à notre lot de séquences chocs, inhérentes au genre horrifique (l’arrachage de dents étant particulièrement pénible). Pourtant si cette hybridité demeure la force d’un long-métrage plutôt courageux, le scénario- lui- souffre d’étranges flottements et baisses de régime. Que vient donc faire ce détective endeuillé et has been dans tout cela ? Foutant en l’air, avec un protagoniste dont on a que faire, le dernier temps d’un film jusque là plutôt pas mal, le cinéaste loupe sa sortie et désamorce la charge émotionnelle qu’il avait pris tant de peine à installer, abandonnant son intéressant scindement en deux (gentils VS méchants) au profit d'une figure fantôme nullissime. Dommage.

Date de sortie cinéma : 8 juin 2011
Film disponible en DVD le : 3 janvier 2012