Le cas Dalpé-Millette va faire jaser très longtemps. Je vous rappelle qu’une équipe de conseillers chevronnés de Valeurs Mobilières Desjardins, s’est fait montrer la porte en catastrophe. On lui reproche d’avoir caché à leur employeur des activités « externes » voire, des transactions avec une firme de courtage des Bahamas qui appartenait à leur ancien employeur, la Banque Nationale. L’histoire nous dira, si ce cas était fondé ou pas. Pour les curieux qui se demandent comment des québécois pouvaient cacher des actifs au fisc avec la complicité de leur institution financière, je reproduis ici un texte rédigé en 2009.
Je suis convaincu qu’il existe encore des cas d’évasion fiscale « facilitée » par des professionnels québécois, mais je crois aussi que l’intolérance de Desjardins est un signal très fort aux comptables, avocats, notaires et banquiers créatifs! Les boîtes sérieuses ne peuvent plus tolérer ce qui a peut-être été à une certaine époque, « encourager ».
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UBS recrutait à Montréal
Les banquiers suisses ne recrutaient pas seulement leurs richissimes clients chez les américains, mais aussi on s’en doute chez nous, dans notre propre cour. Voici le témoignage de Simon, un conseiller plein exercice du centre-ville de Montréal. A l’emploi d’une des grandes banques canadiennes, il a dû contre son gré, administrer un compte de placement d’une cliente canadienne qui a blanchit son argent à l’aide d’un banquier Suisse.
Au début des années 2000, Simon gérait encore tous les actifs de la famille T. En 10 ans, l’actif grimpait tranquillement mais pas assez vite aux yeux de madame. Du 7 ou 8% NET annuel, c’était trop pépère à son goût. D’autant plus que son portefeuille de 5 millions, dégageait environ 250 000$ de gains imposables à chaque année. En 2001, madame menace de quitter la banque.
« C’est pas compliqué, elle m’a lancé un ultimatum. Ou bien je lui trouvais une façon de régler son problème fiscal ou bien elle déménageait son compte chez mon voisin du boulevard René-Lévesque. On était dans un contexte difficile, les technos venaient de planter et les comptes de cette valeur, on voulait les conserver. Mon directeur a donc fourni à madame T les coordonnées de monsieur S, un banquier suisse qui recrutait pour l’UBS.» L’Union des Banques Suisses, celle-là même qui a eu maille à partir avec le fisc américain et l’Agence du Revenu du Canada.
La grande virée de monsieur S
Simon a pu ainsi retenir pendant quelques années, la gestion quotidienne des comptes de type enregistré de la famille T, comme les REER, les REEE et CRI. Pour le reste, il a donné les grandes politiques de placements à sa cliente qui a fait sortir en douce, un joli magot. Voici la technique :«Lorsque monsieur S est au pays, il fait la grande tournée. Il est à Montréal pour une semaine ou deux et ramasse les enveloppes. C’est un habitué. Nommez-moi, n’importe laquelle des grandes banques à Montréal, il a fait affaire avec elle c’est certain! Monsieur S, c’est un grand fan de hockey. Alors, venir à Montréal, c’est une vraie partie de plaisir. Il a même son condo sur la rue Sherbrooke. Il demande seulement du comptant, alors les clients comme madame T, lui apporte ça par tranche de 50 000$ »
-Cash ? T’es sérieux. Les clients n’ont pas peur qu’il disparaisse dans la brume ?
« Ben, ils sont craintifs au début, c’est pour ça qu’ils n’apportent que 50 000$ à la fois. Comme c’est leur propre banque qui les a référés, ils savent qui aller voir si jamais un dépôt ne figurait pas sur l’état de compte à la fin du mois, ou s’il manquait ne serait-ce qu’un seul billet de 100$. Pas d’inquiétude, Monsieur S est d’une droiture et d’une honnêteté exemplaire. Je l’ai vu faire en personne, Il est très méticuleux et ne prend pas n’importe quel client. Il ne touche à rien qui a l’air de louche. Il fait même des vérifications de crédits s’il a des doutes sur des activités criminelles. L’argent du crime, il ne touche pas à ça. Il charge cher mais le compte est toujours bon. Une fois, j’ai eu connaissance d’une vive inquiétude. Il y a quelques années, le banquier a eu un gros accident d’auto entre Montréal et Québec. Il était sérieusement amoché et a dû être hospitalisé. Comme il ne répondait plus à son portable, des dizaines de clients inquiets ont appelés à la banque. Heureusement, il s’est rétabli rapidement. Leur argent n’avait pas disparu ! »
Surprise, l’argent reste ici!
-Tu dis qu’il charge cher. C’est combien ça ?
« Ça dépend des montants en jeu, mais d’ordinaire c’est 3% pour chaque dépôt et 2% de frais annuel, incluant leur frais de courtage canadien. C’est vrai que ça fait cher, mais pas mal moins que les 250 000$ en impôt que payait la famille T pour ses comptes ouverts. »
- Minute, je ne comprends pas. Tu dis 2% incluant les frais de courtage canadien. Les 50 000$ en cash, ils s’envolaient pas pour la Suisse ?
« Es-tu fou ! Ça passe pas dans les avions ça, des centaines de milliers de dollars en cash ! Oublie les mallettes de James Bond. On n’a pas droit de dépasser 10 000$ canadien dans nos bagages, tu ne vas pas dans l’sud des fois? Tu devrais savoir ça. L’argent ne quitte jamais Montréal. C’est pour ça qu’on le référait. Ces enveloppes de cash, il venait les redéposer dans la journée dans nos succursales. Il avait des comptes partout. Au lieu que le client soit identifié clairement, c’était devenu un compte numéroté appartenant à la banque suisse. Pis tu sauras que la plupart des clients investissent dans ce qu’ils connaissent ; des fonds mutuels connus, du Bombardier, Barrick, RIM, Power, Hydro-Québec et beaucoup d’obligations du Canada, des provinces et des villes canadiennes. »
-T’est en train de me dire que l’argent reste ici et est même investi dans l’économie canadienne ?
« Ben, en bonne partie de ce que j’ai vu, c’est exact. Certains ont des comptes où monsieur S gère à sa discrétion, et c’est là que le compte devient surtout composé de valeurs américaines et européennes qu’il transige chez eux. Avec le taux de change qui joue au Yo-yo, le monde aime moins ça ! »
Simon n’a plus madame T comme cliente. Éternelle insatisfaite, en 2008 elle a fini par transférer ses économies ailleurs. Elle était toujours à la recherche d’un meilleur rendement et de moindre frais. Et Monsieur S, est-il toujours actif à Montréal ?
« Je ne le sais pas. De notre coté, on ne le réfère plus. La chasse aux terroristes a rendu la direction très nerveuse. Il faut dire que le CANAFE surveille davantage les transactions d’importance.»
La GRC s’en mêle ou s’emmêle?
Jean-Pierre Blackburn, le ministre du revenu national de l’époque a mentionné en 2009 qu’il souhaitait lui aussi interroger, les représentants d’UBS sur les canadiens qui camouflent des actifs en Suisse. J’imagine qu’il a eu aussi des franches discussions avec les patrons de nos grandes banques! Si une bonne partie de l’argent qui échappe au radar de l’ARC est déjà ici, inutile de traire des vaches alpines!
Comparé à la cavalerie Yankees, la police montée effraie moins, mais a le mérite de maintenir les projecteurs braqués sur les complices de l’évasion fiscale. Avec la réplique canadienne, il n’y a maintenant aucun doute. Les copains du G-20 vont tous prendre un ticket et faire la queue pour demander l’aumône aux Suisses… et à leurs amis. Pas de doute, c’est la canicule au paradis!
Toujours en 2009, le gouvernement Suisse a empoché 1,2 milliard en cédant sa participation en actions dans UBS. Coïncidence ; la vente de débarras a eu lieu quelques jours après l’entente historique entre l’IRS et USB qui prévoit le dévoilement de l’identité de 4 450 américains qui ont camouflé ensemble, plus de 10 milliards (chiffre qui semble conservateur). Avec une dette atteignant bientôt les 14 500 milliards, plus question de laisser tranquille les citoyens américains qui utilisent des paradis fiscaux. La dette canadienne n’est pas aussi monstrueuse c’est vrai mais, elle peut certainement diminuer si l’Agence du Revenu débusque quelques centaines de clients de monsieur S.