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Manhattan nocturne de Colin Harrison

Par Mango

Manhattan nocturne de Colin Harrison
Ne sommes-nous plus désormais qu’une société d’assassins et de  complices?
 C’est la question finale que nous lance Porter Wren, le  journaliste new yorkais, père de famille et époux modèle, narrateur de cette histoire peu reluisante où se mêlent comme d’habitude dans les romans noirs actuels, grandes fortunes et bas-fonds, pouvoir, haute finance, sexe, drogues, orgies et meurtres en direct et en vidéo sur fond de Manhattan nocturne, d’où l’on s’échappe au plus vite, au bon moment, vers d’autres cieux plus anonymes et où l’on reviendra quand les feux éphémères de l’actualité se seront apaisés. Le tout grâce à la passivité des foules blasées et impuissantes dans ces grandes mégapoles internationales où se réfugient les puissants du moment pour faire oublier leurs turpitudes et mieux resurgir quelques mois après leurs méfaits, plus forts et plus méprisants que jamais.
L’intrigue est celle d’un journaliste heureux dans son métier et dans sa vie familiale. Il est estimé par ses collègues, suivi par ses lecteurs. Il aime et admire sa femme, chirurgien réputé, il adore ses deux enfants, seulement voilà il tombe fou amoureux d’une femme fatale forcément dangereuse qui l’entraîne dans une poursuite de vidéos compromettantes  où l’on voit des meurtres récents de policiers et d’hommes d’affaires. Il met évidemment sa famille et son entourage en danger, il en est conscient mais sous l’emprise de la belle tentatrice dont le métier est de piéger les hommes de pouvoir, il perd véritablement la tête. En ce sens ce n’est pas vraiment un personnage très sympathique!
Heureusement l’essentiel du livre est ailleurs et si je l’ai beaucoup aimé, c’est parce que j’y ai trouvé des pages éblouissantes sur la ville la nuit, ses atmosphères, ses vagues à l’âme, les êtres solitaires qui  s’y regroupent, ses monstres et ses morts, l’angoisse emblématique des soirées vides et des petits matins blêmes, les excès et les manques et par-dessus tout cette célérité et cette frénésie de chaque instant.

«Où commence et où finit toute cette histoire?  Est-ce l’histoire de Simon? L’histoire d’un jeune garçon devenu un brillant réalisateur devenu un cadavre? L’histoire d’un homme d’affaires coréen traînant en justice un vieil avocat juif et son épouse? D’une chirurgienne qui prit la peine de déposer un smoking dans la voiture de son époux pour qu’il puisse assister à une réception? D’un pauvre truand de Ray Ridge qui, parce qu’il a un jour tiré sur un enfant de dix-huit mois, a fini poussé par la police dans un escalier, se cassant les deux bras et quelques dents? Ou bien est-ce l’histoire de la veuve de l’agent Fellows, qui, après avoir appris par la police qu’on venait d’appréhender l’assassin de son époux est allée sangloter dans sa cuisine? Ou encore l’histoire d’un milliardaire obèse et vieillissant qui a ouvert son cœur à une ravissante  femme un soir dans une chambre d’hôtel de New York et a fini un jour par le regretter?
Il ne s’agit que d’une seule et même histoire. »

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