Les successions, de Mikaël Hirsch

Par Litterature_et_chocolat @HeleneChoco

 Sur fond d’histoire vraie, un roman étonnant.

Voilà en effet un livre qui offre des lectures différentes selon l’angle sous lequel on l’aborde: en pure fiction, il est parfois désarçonnant et déroutant; mais en tant qu’autobiographie, il est édifiant. Un livre découvert grâce aux Agents Littéraires et gagné lors d’un concours chez Sylire.

RÉSUMÉ :

Pascal Klein découvre que le tableau accroché dans la chambre d’enfant de son père est une œuvre de Chagall, qui a disparu durant la Seconde Guerre Mondiale. La recherche de ce tableau nous entraîne dans des univers aussi éloignés que l’art conceptuel et la quête spirituelle d’un homme, et des continents aussi distants que l’Europe et l’Asie.

MON AVIS : un témoignage incroyable sur la disparition des œuvres d’art durant la seconde guerre mondiale

Mikaël Hirsch nous livre un roman protéiforme. Partant d’un noyau central qu’est le tableau de Chagall qui a appartenu à sa famille avant d’être volé durant la dernière guerre, l’auteur promène successivement son lecteur dans des univers quelque peu discordants: l’art conceptuel, la vie de Ferdinand de Sastres, les pillages durant la seconde guerre mondiale, et les atermoiements métaphysiques d’un homme qui cherche désespérément à aimer son père. En vain attend-on, à l’issue du roman, le dénouement qui établira le lien entre ces histoires qui forment un puzzle hétéroclite et déconcertant.

En tant que roman purement fictif, Les Successions est intéressant mais laisse un sentiment d’inachevé : les sujets, hormis peut-être celui abordant Ferdinand de Sastres, sont survolés. On démarre sur les chapeaux de roue avec des réflexions osées et habiles sur l’art, on termine avec les considérations vagues et sans grand intérêt d’un homme qui se cherche et tergiverse.

Oui mais voilà… ce qui est raconté dans ce roman est en grande partie véridique, et cela change tout. Ce qui semblait être une histoire assez bancale (qui croirait qu’un tableau de Chagall ait été suspendu au-dessus du lit d’un enfant de 10 ans avant d’être subtilisé?), à la lumière de cette information, devient l’épopée étrange et fascinante d’un homme qui remonte dans son histoire familiale et fait le lien avec son présent, sa passion pour l’art, ses difficultés avec son père, l’empreinte qu’a laissée la seconde guerre mondiale sur sa famille. Ce roman vaut décidément le détour si on l’aborde sous l’angle autobiographique.

Reconnaissons par ailleurs à Mikaël Hirsch une érudition empreinte de simplicité et d’humilité, qui lui permet de faire passer des idées sans pontifier et avec une certaine pédagogie. L’auteur possède par ailleurs un style clair, académique et par conséquent agréable à lire qui se prête bien à la narration, un peu moins aux dialogues.

JE VOUS LE CONSEILLE SI…

… vous êtes intrigué par cette anecdote dont part l’auteur pour dérouler son intrigue : sa famille a véritablement possédé un tableau peint par Chagall, tableau qui a été volé et dont Mikaël Hirsch a retrouvé la trace, mais qu’il ne peut cependant pas récupérer.
… vous êtes curieux de savoir quels arguments les amateurs d’art conceptuel utilisent pour défendre l’exposition d’étrons dans les musées et galeries!

EXTRAITS :

Quelques considérations sur l’art m’ont… interpellée :

Pourquoi mettre à l’index les déjections, les fluides ou n’importe quoi d’autre? En vertu de quoi, de la bienséance, de la morale, de la culture? Que ma merde entre au musée avec tout le reste, façon Manzoni, et on aura enfin quelque chose de global, de significatif. A force de côtoyer l’Extrême-Orient, je finis par penser que la véritable beauté réside en chaque chose. C’est uniquement dans l’accumulation, dans l’exposition totale que peut naître le grandiose. Je rêve d’un musée universel, contre la sélection des œuvres. Ce musée serait à la taille du monde et le contiendrait tout entier. Le Mundaneum. Autant vous dire que mon point de vue est un tantinet avant-gardiste.