La politique du N’importe Quoi

Publié le 04 novembre 2011 par H16

Il devient franchement difficile de suivre ce qui se passe au plan international, surtout depuis que les décisions de nos dirigeants sont passés au mode Aléatoire Total. Reprenons rapidement…

Au départ, nous avons donc un pays qui a accumulé de la dette pendant des dizaines et des dizaines d’années.

Son peuple, vivant dans l’illusion d’une grandeur passée entretenue à grands renforts de réceptions grandioses régulières, pendant ces nombreuses années, aura continué à voter, mécaniquement, pour l’un des deux grands partis en place, feignant de croire dans une alternance en carton.

Bercé par les douceurs que la sociale-démocratie permet en obérant franchement l’avenir des générations futures, le peuple et les élites de ce pays auront, sans vraiment y réfléchir, fait perdurer des modèles impossibles à tenir sur le long terme en reportant à plus tard le moment de payer l’addition.

Avec la crise, la cavalerie, qui consistait à financer des dettes par de nouvelles souscriptions d’emprunts gigantesques, se sera accélérée. Et en quelques mois, on est arrivé au point où toutes les issues sont bouchées, la faillite inéluctable et les dirigeants sur le point d’être balayés par l’ire d’une populace chauffée à blanc par leur irresponsabilité.

Pour ceux qui ne suivent pas, je tiens à préciser ici que je ne parle pas spécialement de la Grèce, mais aussi de l’Italie et de la France. Et pour le moment, on a droit à une répétition en modèle réduit de ce qui va se passer pour les deux derniers pays en suivant ce qui se passe pour la Grèce.

Certes, nous n’aurons pas droit à la version française ou italienne de l’interprétation grecque de Tu Veux ou Tu Veux Pas De Mon Gros Référendum, mais à ce genre de détails cosmétiques près, les grandes étapes seront les mêmes.

Ici, il faut avouer que la politique globale européenne et grecque en particulier devient un peu difficile à lire. Manifestement, la cocotte minute Merkozy a suffisamment cuit Papandréou au point de l’attendrir et lui faire renoncer à son projet, ce qui revient au final à lui faire quitter le gouvernement, d’une façon ou d’une autre. On peut maintenant lancer toutes les suppositions qu’on voudra sur la façon dont le peuple va prendre ce qui s’apparente, vu de loin, à un gros bon moquage de visage en cinémascope et son THX.

Mais à la limite, s’il n’y avait que les péripéties papandréoutiennes, on pourrait encore s’en accommoder : une petite centaine de milliards par ici, un petit trillion là, un petit tuyau de ici à là, un gros robinet ici, des vannes ici, là et là, un champignon magique et des tortues qu’il faut tuer par en-dessous une fois de temps en temps, et tout va bien.

Cette description vous fait penser à quelque chose en particulier, non ?

Mais oui, c’est – bien sûr – à Super Mario, le nouveau boss de la BCE !

Nouveau boss qui va ajouter son gentil petit grain de sel à une situation déjà passablement compliquée. Rappelez-vous ce que j’en disais il y a quelques mois lorsque Draghi était pressenti pour grignoter le fromage alléchant de la présidence de la BCE : nous avons à faire, ici, à un ex de Goldman Sachs, cette merveilleuse banque d’affaires qui aida, justement, la Grèce à intégrer la Zone Euro en lui concoctant une petite bidouille comptable de derrière les fagots les plus subtils que leurs avocats d’affaires payés sur commission purent trouver à l’époque.

Eh bien notre ami Mario n’aura pas traîné pour faire absolument n’importe quoi puisqu’il vient de décider d’une baisse du taux directeur. C’est vraiment très très finaud, cette idée-là, puisqu’avec une inflation qui n’arrête pas d’augmenter en zone euro actuellement, le nouveau taux de 1.25% accroît les poussées inflationnistes et rend l’argent encore plus facile à emprunter.

Et, qu’on se le dise, pour nos cancrelats de la finance, il n’y a qu’un seul bon moyen de résoudre un problème d’emprunts difficiles à rembourser : il faut faire de nouveaux emprunts, bien grassouillets, avec de l’argent non pas gratuit mais qu’on vous paye pour prendre. Eh oui : à 1.25% et une inflation à 3%, emprunter devient une opération rentable !

Dès lors, il n’est pas étonnant que l’annonce de cette baisse ait été immédiatement suivie d’une hausse fulgurante des marchés boursiers ; lorsque Draghi a dit « On baisse le taux directeur », tous les acteurs ont entendu un « Niagara d’argent gratuit, les gars ! ».

Quant aux plus avisés, ils continuent, de leur côté, à se séparer des dettes italiennes, ce qui, mécaniquement, fait monter les coûts des assurances (CDS) sur un défaut de l’Italie, et grimper les taux d’emprunts pour le reste. Ce n’est pas réellement inquiétant, mais suffisamment tout de même pour que Berlusconi repousse son prochain album de chansonnettes. Cependant, maintenant que la BCE est au main d’un Italien, on peut être sûr que le pays trouvera toujours au moins un acquéreur à ses bons. Et puis, ce n’est pas comme si tout ce pognon n’était pas gratuit, hein, les gars !

Pendant ce temps en France, Nicolas Sarkozy biberonne, le premier ministre se chamaille un peu avec l’ex-garde des sceaux, et le parti socialiste nous offre un gentil vaudeville avec un peu d’entourloupes mafieuses, de petits coups bas, et de détournement massif d’argent public. Une routine pour les gens qui entendent nous gouverner : finalement, ils appliquent à leur niveau l’exemple donné par leurs pairs au niveau national, qu’ils soient socialistes de droite ou de gauche…

Cette époque est merveilleuse ; elle aura permis à des gens intellectuellement douteux de faire n’importe quoi, n’importe comment, et en toute impunité. Je ne suis pas sûr que ce sera encore possible longtemps. Mais en tout cas, si cela s’arrête, une chose est sûre : ce ne sera pas parce qu’on sera tombé à court de n’importe quoi ou de n’importe qui, mais plutôt à court d’argent.