[AVANT-PREMIERE]
Emily Browning, la Baby Doll de Snyder (Sucker Punch) incarne à nouveau, chez Julia Leigh, romancière convertie à la réalisation, une poupée. Froide, mécanique, dont le corps est nu, tripoté, malmené, baladé, par de vieux hommes pervers, dans l'intimité d’une chambre baroque. Ambiance. Belle au bois dormant, certes, mais sans prince charmant, sans conte de fée issu du monde merveilleux de Disney. A la place, des rendez-vous sous somnifères, des visites régulières chez l’ami, ex-toxico et malade ; un cauchemar sous verre, plus épuré que jamais (peu de dialogues, longs plans fixes, pas de musique), à la morbidité tout aussi dérangeante que ridicule. Prétention et virtuosité convoquées à chaque plan. Vide et symbolisme, tout à la fois. Quelque part entre les fantasmes malsains d’une bourgeoisie décadente à la Kubrick (Eyes Wide Shut) et une atmosphère clinique et âpre que l’on peut retrouver chez Campion, autre réalisatrice australienne (et par ailleurs fan du film), Sleeping Beauty est une proposition atypique, mais bancale.
Julia Leigh, en Cronenberg féminin, crée le malaise, parce qu’elle rapproche érotisme et nécrophilie, sexe et mort, corps et objet malléable. C’est clair : elle connaît ses classiques sur le bout des doigts, sait amener la nausée l’air de rien, à la force de l’évocation, comptant sur l’imaginaire voyeuriste et dégoûtant tapi dans l’œil du spectateur. Son film n’est pas aimable, provoque l’inconfort parce qu’il convoque l’image sans jamais l’affronter : prostitution, pratiques répugnantes, métaphore filée + étreinte avec le cadavre. Formellement, c’est glacial, immobile, … et d’une tristesse à pleurer. La cinéaste sombre rapidement dans un systématisme lassant, s’amuse à prolonger inutilement certaines scènes (comme celle du monologue de l’un des vieillards, difficilement compréhensible), finit même par se regarder filmer. Sleeping Beauty tient alors (et surtout) de l’exercice de style, ou comment décliner à l’infini l’idée d’une sexualité en berne, tâchée, souillée, des chairs comme des natures mortes, là, laissées à l’abandon, dégueulasses. Beurk ?
Sortie cinéma : le 16 novembre 2011.