Le marchand de sable est passé pour tous tes amis.
La grenouille dans la mare a cessé de sauter.
Quoi ? Non, tu ne peux pas aller faire pipi.
Tu peux, en revanche, t’endormir sans me faire chier.
Dors et fais pas chier, c’est la complainte du parent désespéré dont l’enfant ne veut pas dormir. A chaque double page un quatrain se terminant par la même supplique : « endors-toi ». Et si au début le père conclut sa demande par « je t’en prie » ou « couche-toi, mon chéri », très vite, le ton change. De « c’est quoi ce bordel » à « fous-moi la paix », la grossièreté va crescendo après un délicieux moment de renoncement : « Un bibi de lait ? OK, je m’en fous, j’en ai marre. De toute façon tu dors pas. Tu fais chier. » Évidemment, à la fin, c’est l’enfant qui gagne et les parents qui ne pourront pas, ce soir encore, « faire péter le DVD ».
Drôle d’album qui n’a sans doute pas fini de faire parler de lui. C’est sans doute l’une de ses seules qualités. Il est très facile d’être irrévérencieux, ce qui l’est beaucoup moins c’est de l’être avec un minimum de talent. J’avoue que certains passages m’ont fait rire tandis que d’autres m’ont paru affligeants (comme par exemple : « Ton doudou tu peux te le mettre où je pense. Fais pas chier ferme les yeux »). Et puis il faut bien reconnaître que ce « fais pas chier » affiché sur toutes les pages comme un slogan devient vite lassant.
Et les illustrations me direz-vous. Et bien elles ne relèvent pas le niveau. C’est franchement moche et les couleurs souvent très agressives et forts mal assorties font ressembler l’ensemble au délire psychédélique d’un junkie sous acide.
Un ouvrage à ne pas lire aux enfants et typique d’une certaine nouvelle génération de parents qui considèrent que l’on a plus à être esclaves de ses gosses. C’est une sorte de tabou qui saute enfin avec la mise en scène de cette rage parentale éclatant au grand jour. Le coté outrancier est évidemment à prendre au second degré, mais l’ensemble n’est pas suffisamment drôle pour être convaincant. Sur le même thème, Bénabar à fait beaucoup mieux avec son titre « La berceuse ». Cet avis fort mitigé n’engage évidemment que moi et je ne doute pas que d’autres lecteurs trouveront ce livre formidable, mais quand je lis sur la 4ème de couverture une citation de l’écrivain Jonathan Lethem qui le qualifie de « pur génie », je me dis qu’il ne faut pas non plus pousser le bouchon trop loin.
Bon, et puis faites-pas chier, lisez-le, c’est encore le meilleur moyen de se faire sa propre opinion !
Dors et fais pas chier, d’Adam Mansbach (illustrations Ricardo Cortés), édition Grasset, 2011. 32 pages. 10,00 euros. A ne pas lire aux enfants !