"L'art français de la guerre " , son premier livre, est considéré la révélation de la rentrée, et décroche la sélection pour le Goncourt d'abord, le prix finalement.
Alexis Jenni, sacré par le Goncourt, n'en revient toujours pas, lui qui a longtemps écrit pour son plaisir, entre deux cours donnés au lycée. Mais son premier roman a créé l'événement et propulsé au sommet cet "écrivain du dimanche" de 48 ans.
"Depuis la fin de mes études, il y a vingt ans, j'ai écrit plusieurs choses qui n'ont pas marché. Alors je me disais que je resterais toujours un écrivain du dimanche, comme il y a des peintres du dimanche", confie l'auteur de "L'art français de la guerre", personnage aux antipodes de la star médiatique couronnée l'an dernier, Michel Houellebecq
Découvrez Alexis Jenni, des tableaux noirs à "L'art français de la guerre" sur Culturebox ! Jenni décide il y a cinq ans de se lancer dans quelque chose qui lui plait, quitte à le garder dans un tiroir, agrégeant ses envies les plus contradictoires : récit d'aventure d'un côté, réflexion sur l'héritage des conflits coloniaux de l'autre.
Péché d'orgueil ou lassitude, le prof de SVT lyonnais l'envoie par la poste à un seul éditeur, Gallimard, aussitôt conquis. Dès le printemps, la rumeur enfle : ce livre fera date.
A rebours des premiers romans souvent nombrilistes, "L'art français de la guerre", fresque entre Indochine et Algérie, ne règle aucun compte personnel avec l'armée, à laquelle il a échappé en se faisant réformer.
Son moteur intime touche "à la question de la transmission", obsession de longue date pour ce père de trois enfants aux origines suisses-allemandes, qui en faisait déjà la trame de ses deux premières oeuvres, non éditées.
Cet agrégé de biologie a beau "ne pas croire aux racines, parce que nous ne sommes pas des arbres", il questionne son absence "de chromosomes français": "à Marignan, en 1515, mes ancêtres étaient en face !"
D'où la réflexion sur l'identité nationale qui hante ses 630 pages et dicte leur structure, mi-essai mi-épopée, entre scènes de combats poisseuses et tirades sur l'héritage des "vingt ans de guerres coloniales".
"C'est un roman naturaliste par sa méthode, musclé par son style, enlevé comme un chant, inspiré comme une méditation qui court sans jamais peser, atroce comme un procès verbal", s'émerveille Patrick Rambaud, l'un des jurés du Goncourt.
Lui qui s'avoue modeste, "un handicap un peu ridicule", dit-il, doit désormais composer avec cette notoriété soudaine et veut attendre six mois avant de montrer à Gallimard la suite de son travail.
S'il n'entend pas quitter ses élèves, "un garde-fou pour revenir à la réalité", il s'efforce de laisser sédimenter ses projets d'écriture, multipliant dans l'intervalle croquis et petites notes sur son blog dessiné, "Voyages pas très loin".
"Le blog m'a beaucoup libéré, il m'autorise les petites formes, en plus des +grandes choses+ sur lesquelles j'aime travailler. Et le dessin me fait un bien fou", confie cet amoureux de cinéma, de bande dessinée... et de botanique.
A l'heure de revenir au roman, il sait qu'il cherchera à "raconter le réel". "Les récits intimistes ou l'autofiction ne m'intéressent pas. Pas d'histoire d'amour évanescente, c'est ma seule certitude", sourit-il.