Gustave Courbet "La rencontre" ou "Bonjour Monsieur Courbet"
Marcher au pas de l’oie façon Kremlin ou à la berlinoise ne fut jamais mon affaire. Et qu’ici ou là, au détour d’un commentaire, on me somme de choisir mon camp pour le transformer en forteresse inexpugnable ne m’incitera que davantage à batifoler sur les chemins de traverse.
Ce sont ces chemins-là qu’il faut rêveusement arpenter quand on veut s’extraire de toutes les tyrannies, celle que le groupe finit toujours par exercer, comme d’ailleurs - et ce n’est pas le moindre paradoxe pour le démocrate sincère qui se revendique ici –la loi de la majorité.
A quoi servirait-il de penser là à haute voix si ce n’était que pour restituer le charivari tapageur des uns ou la langue de bois des autres ? Pour être la caisse de résonance de ce que je ne cesse de dénoncer, la servitude des médias, la fin de l’art, l’aliénation au spectacle, la domination du politique ?
On ne sort pas plus du « système » qu’on ne se libère du monde, à commencer par sa propre parole qui, fût-elle solitaire, sera toujours un lien, même virtuel, avec la société. L’ermite est sourd, muet, aveugle. Mais la grégarité de la troupe des petits soldats est pire encore : on s’y fait la courte échelle pour attraper la cheville de celui qui précède pour le jeter à terre.
Donc, décidément, c’est non. Je ne serai jamais de ceux-ci ou de ceux-là mais, comme il faut bien être quelque part, je continuerai encore à flâner, à dire les menaces, les odeurs, les doutes, les espoirs, les erreurs quand, souvent, j’aimerais dire, à l’instar de Baudelaire, « les nuages, les merveilleux nuages »… Et aux invectives, aux coups de fouets, aux hurlements des petits chefs, il faudrait qu’on réponde à ceux-ci qu’on peut bien se passer d’eux et de leurs bâillons, de même qu’on n’a nul besoin d’un chef plus grand, d’un guide, d’un grand timonier ou d’un dieu vivant. Le « voyage au bout de la nuit » est un bel art de vivre. L’ironie et la solitude pour survivre aux décombres ! Être homme c’est déjà beaucoup et, hélas, pour certains beaucoup trop pour le temps d’une vie.
A cette liberté grande que je revendique il ne faut rien de plus, rien de moins, que l’exigence d’une morale personnelle. Une morale qui, s’il faut l’inscrire dans une géographie politique, me situe sans ambiguïté aucune, à gauche : Refus de l’injustice et de l’humiliation. Croyance au progrès mais sans illusion. Ça s’appelle l’espoir, ce n’est pas grand-chose mais, pour moi, la gauche c’est ça…
Ce presque rien. On dit qu’Hollande ne serait pas grand-chose ? Ça me va. Marre des grands hommes. Ni libertaire de droite, ni anar de gauche, je voudrais de la discrétion en politique, des acteurs plutôt que des tribuns et de la modestie dans l'action. Pas de quoi rêver, hein! Justement. Trop de rêves en politiques deviennent des cauchemars! Des idées mais sans rêves!
Alors je continuerai à mettre dos à dos et le Figaro et Charlie Hebdo. Ou Libé. Journaux de castes et de haine. Je continuerai à rire de ce que je pleure de ne pouvoir transformer et enfin, rassurez-vous, je n’aurai jamais ni le désir ni le pouvoir de hanter vos nuits. Que chacun s’efforce de marcher avec sa petite lumière et ça ne sera déjà pas si mal !