Adossé au flanc nord de l’abbatiale, le cloître de Moissac est un havre de paix recelant des merveilles : les chapiteaux. Ils sont 76, dont plus de 40 historiés, c'est-à-dire ornés de scènes de l’ancien et du nouveau testament.
A l’origine, ils étaient placés à hauteur de vue, sur des colonnes relativement courtes, et soutenaient des arcs en plein cintre. Au XIIIème siècle, on décida de rehausser l’ensemble en réemployant les chapiteaux qui furent posés sur de fines colonnettes, alternativement une et deux, et surmontés de ces élégantes voutes de briques en croisées d’ogive : le style gothique était alors à la mode. Il s’agit donc d’un cloître romano-gothique, mais pour la partie romane, il fut terminé en 1100.
En prenant pour principe que le cloître se parcourt toujours dans le même sens (inverse des aiguilles d’une montre), chaque chapiteau raconte une histoire qui commence généralement côté jardin et se poursuit sur les trois autres faces. Ainsi en est-il des Noces de Cana, de Daniel dans la fosse aux lions, de Saint Martin coupant son pallium en deux, la crucifixion de Saint Pierre la tête en bas, Saint Laurent sur son gril ….D'autres sculptures sont purement décoratives, rinceaux, guirlandes, fleurs, feuilles d'acanthe...
On admire l’harmonie dans la diversité, l'habileté naïve des sculpteurs romans venus souvent de Toulouse, la richesse des guirlandes, en particulier dans la partie supérieure plane, le tailloir. On retrouve plusieurs fois le thème de l’union entre l’Ancien et le Nouveau Testament, symbolisé par des colombes ou des queues d’animaux féroces ou fantastiques entrelacées. On regrette que la polychromie d’origine ait disparu au fil du temps.
Pas de puits au centre de ce jardin d’Eden : une fontaine était logée à l’angle nord-ouest, mais elle est tombée en ruine. Et un regret : beaucoup de ces sculptures n’ont plus de tête. Ces déprédations ne sont pas dues à la période révolutionnaire mais à l’époque où le monastère fut utilisé comme casernement de soldats de l’Empire de retour de la guerre d’Espagne. Ils s’amusèrent à décapiter la pluspart des personnages bibliques !
A noter aussi, sculptés aux flancs des quatre piliers d’angles : les belles images des grands saints, piliers de l'Eglise : Pierre et Paul, Jacques et Jean, Barthélémy et Matthieu, Philippe et André …ainsi que la plaque de dédicace des bâtiments claustraux par l'abbé normand Ansquitil (…permanence des patronymes !), troisième abbé depuis le rattachement de l’abbaye à l’ecclesia cluniacensis en 1054.
Certains prétendent que le cloître de Moissac est le plus beau du monde …Je ne suis pas loin de me rallier à cette opinion. Un des rares à avoir été conservé in situ en tous cas.