Le "problème du bourdon" vous connaissez ? C'est un grand classique des problèmes de mathématiques accessible dès le collège.
Voici l'énoncé :
Deux trains roulent l'un vers l'autre sur deux rails parallèles, à la même vitesse. Un bourdon (ou une mouche, ou toute bestiole volante capable de rouler plus vite que des trains...) s'amuse à faire l'aller-retour entre les deux trains. Au début de l'expérience, les trains sont séparés d'une distance donnée. Le but est de calculer la distance parcourue par le bourdon jusqu'à ce les trains se croisent.
Ce qui est étonnant avec ce problème c'est que :
1. un non mathématicien va trouver un raisonnement très simple pour résoudre le problème en trois lignes ;
2. un mathématicien pense tout de suite à un sombre calcul de limite de série...
Et comme, je suis un peu mathématicien sur les bords, je vous propose la résolution compliquée avec une dose de bonne humeur et adaptée avec l'actualité du moment.
Sommaire
Définition du problème | Notations | Analyse du problème | Calcul des instants de rencontres | Calcul de la distance parcourue | Retour au problème initial | Application numérique | Conclusion | Pour aller plus loin
Définition du problème
Kid Flash et Jimmy Neutron partent ensemble du point O.
Ainsi, pendant que le valeureux Kid Flash fait sa promenade à travers l'Univers, l'impétueux Jimmy Neutron effectue des aller-retours entre son collègue et le point A.
L'objectif est de calculer la distance totale parcourue par Jimmy Neutron jusqu'à ce que Kid Flash atteigne son point d'arrivée.
Le problème obtenu est équivalent au problème original avec deux trains et un bourdon, mais les calculs sont plus simples.
Remarque : je sens venir les physiciens relativistes. OUI, je suppose que la mécanique Newtonienne reste valable pour des valeurs de
Passons maintenant aux choses sérieuses...
Notations
La droite (OA) est orientée positivement du point O vers le point A.
Soient ensuite,
-
: la position de Kid Flash à un instant t. Kiddy se déplaçant à la vitesse de O vers A, on a immédiatement . : le temps correspondant à la -ième rencontre des deux super-héros, et on pose et . , la distance restant à parcourir par Kid Flash à un instant pour atteindre A. On pose , la distance séparant les deux protagonistes de A au -ième point de rencontre. On a donc (1). : la distance totale parcourue par Jimmy au -ième point de rencontre. : la distance parcourue par Jimmy Neutron quand Kid Flash atteint son point d'arrivée.
Analyse du problème
Pendant que Jimmy va de O vers A puis revient chatouiller les narines de Kid Flash, ce dernier avance et continue son chemin. A chaque rencontre, Kid Flash se rapproche de son point d'arrivée alors que Jimmy effectue des allers-retours de plus en plus court. La distance parcourue par Jimmy Neutron à la
Détaillons un peu. Au premier point de rencontre, Mr Neutron a parcouru la distance
Au second point de rencontre, Jimmy parcourt la distance
En généralisant au rang
ce qu'on réécrit pour simplifier sous la forme
La distance
Or,
Calcul des instants de rencontres
Entre deux rencontres consécutives, c'est à dire entre les instants
Grâce à la relation (1) (cf section notations), on obtient après quelques lignes de calcul3 :
Posons nous un moment sur cette relation. C'est une relation de récurrence affine, ni géométrique, ni arithmétique. C'est en fait une relation de récurrence arithmético-géométrique du type
Ce type de relation se rencontre fréquemment dans la modélisation des flux (d'argent ou de population)4.
Pour obtenir le terme général d'une suite de ce type, on pose
avec, dans notre cas,
Maintenant qu'on a trouvé l'expression de nos temps de rencontres, il ne nous reste plus qu'à injecter tout ça dans la relation (2) pour conclure.
Calcul de la distance parcourue
Revenons un peu en arrière.
On a
Dans la relation (2), on a le terme
En injectant les relations (4) et (5) dans (2), on obtient, après quelques lignes de calcul6 :
Comme
Retour au problème initial
Afin de valider les résultats obtenus, je vous propose la solution simple. Le processus prend fin lorsque Kid Flash atteint le point A. Comme il voyage à la vitesse
Première remarque : on retrouve bien que
Pendant ce temps
Application numérique
Avec
1 année lumière soit environ 9500 milliard de km ; célérité de la lumière, soit environ 300 000 km/s ; 300.006 km/s.
31666666,6667 s = environ une année (normal...) 9500,19 milliard de km. -
(en secondes) (en km) (en km) (en km) 1 3,166 635 000 320 . 107 9 499 905 000 950 0,94 9 500 094 999 050
2 3,166 666 663 500 . 107 9 499 999 999 050 9 500 . 10-9 9 500 189 999 050
3 3,166 666 666 667 . 107 ~ 9 500 000 000 000 ~ 0 ~ 9 500 190 000 000
Conclusion
L'écart relatif de vitesse entre Kid Flash et Jimmy Neutron est tellement faible (0,02 %) qu'il suffit de trois rencontres très rapprochées du point A pour que le processus touche à sa fin (en arrondissant).
Jimmy Neutron aura uniquement parcouru quelques 190 millions de km en plus que Kid Flash.
Pour conclure, ce frimeur de Jimmy Neutron a beau aller plus vite que Kid Flash, il y a encore de la marge avant qu'il lui foute une raclée au 100 mètres haies.
Pour aller plus loin...
En vérité, Jimmy Neutron ne peut pas du tout se déplacer à la vitesse d'un neutrino ou d'un photon. Tout au mieux, à une vitesse moyenne de coureur d'ultrafond, on aura
Les rôles sont alors inversés : c'est Kid Flash qui va pouvoir narguer ce molasson de Neutron.
On considère que le processus prend lorsque la distance restant à parcourir par Jimmy devient inférieure à 1 mètre.
Question 1 : au bout de combien d'allers-retours de Kid Flash le processus prend-il fin ?
Question 2 : quelle est alors la distance qu'il a parcourue ?
Notes
- je laisse le soin aux lecteurs de le démontrer par récurrence, c'est trivial ↩
- c'est valable sous l'hypothèse que j'ai rappelé dans ma remarque au début de l'article. ↩
- idem, je laisse le soin aux lecteurs de le vérifier, c'est trivial... ↩
- voir cet article sur techno-science.net : suite arithmético-géométrique. ↩
- c'est trivial... ↩
- c'est... presque trivial... ↩