Le cyclisme n’est pas un sport où l’on marque des points - sauf sur piste - où le public d’ailleurs a bien du mal (il s’y perd souvent !) à suivre l’évolution de la course du même nom. Mais voilà que revient au premier plan un règlement de l’UCI où les points sont le nerf de la guerre, celle que vont se faire les équipes pour attirer les coureurs les mieux pourvus afin de constituer leur effectif pour l’accès au World Tour *. Une situation regrettable née de la disparition de nombreuses équipes et des nombreuses fusions qui en découlent et qui va induire des effets pervers, comme cela avait déjà été le cas il y a quelques saisons à la création du Pro Tour. Ce système contesté servait à établir un classement annuel des formations sur lequel on s’appuyait pour la sélection au Tour de France.. Il est à l’origine d’un violent conflit entre l’organisateur ASO et l’instance dirigeante du vélo.
Avec le World Tour, nouvelle appellation du circuit qui regroupe les meilleures équipes (1ère division), la menace est de retour et Geoffroy Lequatre s’en est déjà ouvert sur le site de L’Equipe. Transfuge de RadioShak, il a trouvé place chez Bretagne-Schuller à défaut d’avoir pu intégrer une formation plus cotée. Par manque de points et parce qu’en raison des regroupements les places sont de plus en plus chères. Un constat qui met en évidence cette nouvelle situation susceptible de modifier l’esprit de la compétition.
Car comment va-t-on aborder les courses désormais ? Pour marquer des points ou pour gagner ? Il est incontestable que les « petits » coureurs, ainsi que les équipiers qui se dévouent pour leurs leaders à longueur de saison sans jamais rien gagner, vont être sérieusement pénalisés et handicapés, à moins qu’un artifice ne permette de leur restituer une partie du fruit de leur travail. Sinon bonjour les dégâts et, pour beaucoup, adieu la carrière !
Comment ? Tout est dans la question. En inventant une formule qui permette d’estimer leur part de travail dans l’éventuelle victoire de leur leader ? Mais sur quels critères ? Et quel coefficient appliquer pour que ceux qui ne passent jamais la ligne en vainqueur mais oeuvrent pour les autres y trouvent leur compte ? On voit les techniciens du vélo se triturer les méninges pour trouver unesolutiond’ici la reprise sinon le visage du cyclisme et de la compétition pourrait bien en être modifié.
Car désormais les équipiers, les principales victimes de ce système de course aux points, vont vouloir mieux défendre leurs propres chances pour assurer leur avenir, ce qui pourrait bien favoriser un individualisme forcené et créer un vélo à deux vitesses ou à deux visages, comme l’a laissé entendre Geoffroy Lequatre. Et imaginez les échappées à venir : on ne va plus forcément rouler en fonction de la victoire mais pour marquer des points, quoi qu’il arrive au final ! Ce qui pourrait encourager un coureur se sachant d’ores et déjà battu à collaborer avec un sprinter. Le monde à l’envers., en quelque sorte, qui va créer des situations tactiques insolites et ne manquera pas d’embrouiller un peu plus les commentateurs !
Avec le retour de ces fameux points, on peut redouter une nouvelle polémique dont le sport cycliste n’a pas besoin à l’heure où les oreillettes continuent à opposer les « pour » et les « contre » malgré leur interdiction décrétée par le comité directeur de l’UCI dès janvier 2012 (un moratoire déposé par les managers et directeurs sportifs a fait repousser la décision d’un an). Une décision qui nous fait dire qu’avec l’UCI c’est plus je pédale moins fort, moins j’avance plus vite !
Bertrand Duboux
* Seules les 18 premières équipes sont inscrites au World Tour qui donne accès à toutes les grandes épreuves du calendrier international. Le classement se fait par l’addition des points des 15 meilleurs coureurs de chaque équipe. Les 15 premières équipes marquent des points.