En 2011, l’UE est sur le point d’effectuer le grand bond en arrière dans le monde connu de l’antilibéral et de l’antidémocratique.
Par Sophie Quintin-Adali
Article publié en collaboration avec UnMondeLibre
Le dernier plan a été vendu comme le « triomphe de la politique sur les marchés ». Ajoutant sa voix au concert en faveur de toujours davantage d’intervention publique, l’influent philosophe constructiviste Jürgen Habermas professe que « L’UE ne peut s’affirmer contre la spéculation financière que si elle obtient les compétences politiques de guidage » (Le Monde, 25/10/2011). Eh bien, « guidage » dans le monde réel s’est toujours traduit par la centralisation de la prise de décision et moins de liberté. L’UE réelle envisage maintenant d’entrer dans la centralisation.
Le mécanisme de renflouement à effet de levier va accumuler plus de compétences pour faire face à la dette souveraine et pour faire la « police » derrière les gouvernements dépensiers. En d’autres termes, les technocrates seront habilités à passer les budgets en revue avant leur soumission aux parlements élus des pays de la zone. Comme certains observateurs le soulignent avec justesse, les parlements nationaux ne contrôleront plus les fonctions les plus essentielles du gouvernement : les décisions en matière de fiscalité et de dépenses publiques.
Combiné à un gouvernement économique centralisé sous le « guidage » du président non-élu de l’UE pour relancer les économies en stagnation, le plan de sauvetage jugé nécessaire pour enrayer la crise de la dette, retire aux États membres et à leurs citoyens un élément central de leur souveraineté (Point 26.4 de l’accord). La politique sans souveraineté peut-elle marcher ? Elle a échoué en Union soviétique.
Les tenants de la centralisation (l’intégration) pointent du doigt le mauvais travail des gouvernements des PIGS en matière de finances publiques comme la justification impérieuse d’une action centralisée. On choisit encore une fois le chemin de davantage de pouvoirs supranationaux, malgré les échecs patents du processus d’intégration « toujours plus étroite », afin de promouvoir une croissance soutenue. Au lendemain du sommet certains prédisaient que le mécanisme ne fera pas long feu . Pour le professeur Pascal Salin, tenant de l’école autrichienne d’économie, le FESF n’est pas la solution parce qu’il récompense la mauvaise gestion et le renforcement de l’intervention du gouvernement. Un tel système, soutient-il, ne fait que créer plus d’instabilité et doit être combattu.
Ironie de l’Histoire, l’UE a envoyé son envoyé spécial « ès-sauvetage » à Pékin pour demander (quémander?) à la Chine d’investir dans ses obligations « de stabilité » : une étape hautement symbolique. Jadis, la CEE se tenait fière, indépendante, libre et prospère face au le bloc communiste « non libre ». Aujourd’hui l’expérimentation social-démocrate en perdition a besoin d’aide des mandarins communistes chinois qui ont appris une chose ou deux du « monde libre ». L’investissement ne sera accordé que s’il est sage et profitable, et non au nom de toute notion floue de solidarité redistributive socialiste à l’échelle mondiale.
En 2011, l’UE est sur le point d’effectuer le grand bond en… arrière dans le monde connu de l’antilibéral et de l’antidémocratique. Si le soutien de la Chine se matérialisait, cela serait avec de nombreuses conditions et scellerait de facto l’entrée du Parti communiste dans le système émergent post-démocratique de la gouvernance européenne. L’ironie, mais jusqu’à quel point ?
Le président Mao doit joyeusement se retourner dans sa tombe. Un ancien camarade, le président Barroso, se tenait à l’apex de l’Euro-Léviathan et annonçait fièrement que « dans ces moments les plus difficiles [ou intéressants?], nous pouvons nous unir ». En effet. Mais l’unité sans la liberté économique est le certificat de décès d’une Union Européenne libre et démocratique. Mais qui sait? On nous avait annoncé que nos dirigeants avaient mis fin à la crise, que le monde avait été sauvé par cet accord de la dernière heure. Pourtant, l’intrigue de l’UE se complique avec la possibilité désormais donnée au peuple grec (par le premier Ministre grec) de faire entendre sa voix lors d’un référendum. Espérons que la mort lente de la démocratie européenne sera stoppée là où tout a commencé, à Athènes.
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