Depuis deux semaines, mon précédent billet sur Loris Gréaud est un des plus lus chaque jour : j’en déduis une certaine attente, mais, après la cohue mondaine du vernissage, j’ai voulu revoir l’exposition plus tranquillement (jusqu’au 27 Avril au Palais de Tokyo), et surtout il me fallait une certaine photo, qui fut finalement trop délicate à obtenir*, d’où ce délai.
Au delà du discours convenu que vous trouverez aisément ici ou là , cette exposition m’a semblé être avant tout une fantaisie romantique, pleine de reflets plus que de réflexion. On y manque une salle inaccessible où se déroule un film invisible (Fiction périmée), on y rencontre cette chimère lumineuse qui est et n’est pas le Palais de Tokyo (Distorsion de l’espace, ci-contre, au fond),
et on y perçoit des traces d’explosion au plafond (Feu d’artifice sous la terre, même photo, au plafond) et dans nos tympans avec projection non autorisée d’IKB (Spectacle d’une sculpture), avec des promesses d’explosion au propane (Tubes néons explosifs) ou à la poudre de canon (Forêt d’arbres). On y rêve d’habiter les étoiles (Dessin inter-galactique), on y erre dans une maison hantée aux murs de vent (Les Résidents 2), on y est rempli d’effroi devant un monstre/trophée globuleux et dégoulinant (?, ci-contre), on y cueille des herbes magiques pour devenir nyctalope (CFL). Et on s’enfonce dans une forêt profonde, noire et maléfique. La lune, soudain, se met à rougeoyer, terrifiant les promeneurs. Tout au fond, il faut se mettre aux aguets, tel un chasseur. L’attente est longue et frustrante car elle n’est pas toujours récompensée. On espère apercevoir une scène mystérieuse, hors de portée du mortel ordinaire : Dark Side* est son nom. Je n’y suis pas parvenu; aurais-je été puni, tel Actéon, si j’avais aperçu la déesse au bout de ma traque ? Si l’un de vous réussit cette photo, je la publierai volontiers, et donnerai asile à l’audacieux.Donc, une exposition extraordinairement créatrice, partant tous azimuts, pleine d’illusions immatérielles (ah, les bonbons au goût d’illusion, quel succès !) et de tensions inattendues, propice à toutes les projections et à tous les pathos. Un esprit des lumières pré-romantique et rationnel demandera “Where is the beef?”, un grognon pointilleux qualifiera de pirouette paresseuse la réutilisation à l’identique de l’exposition du Plateau. Le véritable esthète post-romantique, lui, ne viendra qu’avant 14h ou après 20h quand l’exposition est en mode arrêt : il échappera ainsi aux cris d’extase des groupies, et il pourra utiliser le squelette de Loris Gréaud pour y activer sa propre histoire, y construire sa propre expo, ce qui n’est pas vain.
Photos de l’auteur.