Dimanche 27 novembre à Genève serontdispersées les archives littéraires et familiales de Julien Green.Un peu plus de 200 lots constituent cette vente : une cinquantaine demanuscrits autographes (toutes les grandes œuvres de Green maisaussi quelques textes de Robert de Saint-Jean), des milliers delettres, documents, articles, des photographies, l'épée del'académicien et même ses bagages... Son fils adoptif Eric Jourdan,ou Jean-Eric Green ainsi qu'il signe son texte en ouverture du beaucatalogue, explique sa décision de vendre, et surtout de vendre enSuisse, d'où aucune demande de passeport pouvantaboutir à des interdictions de sortie du territoire, comme en France, n'estnécessaire :
« Quand mon père ne fut plus là,il me fut clair qu'il me serait impossible de garder sa fondation.Cependant je voulais respecter sa volonté et ses désirs selon unelettre codicille qui me fut remise. Le temps passait. J'ai comprisqu'il ne fallait pas laisser une œuvre sous un sarcophage, siprécieux fût-il, car il faut qu'elle reste vive. Je n'oubliais pasnon plus qu’il refusait les endroits officiels et considérait quebeaucoup d'universités sont des temples à la merci des mandibulesd'insectes chercheurs déjà desséchés. [...] Mettre les manuscritsface à d'autres yeux et à la portée d'autres mains, ce serait leurdonner une nouvelle existence et les faire vivre comme l'auraitdésiré leur auteur. C'est ce que je fais à présent. »
Julien Green, un siècle d'écriture,vente par l'étude Pierre Bergé & Associés,dimanche 27 novembre à 14h à Genève
Au lot 172 figurent 19 lettres d'AndréGide (14 autographes signées + 5 lettres signées), soit environ 30pages in-8 ou in-4, envoyées entre 1927 et 1949. Extraits ducatalogue :
Vers 1927 : « ...Nous organisons, àquelques amis, une représentation privée du très beau filmsoviétique, interdit par la censure : Les derniers jours de S.Pétersbourg... demain jeudi – Vieux Colombier... », etc. 1929 : « … Je voudrais bien savoir,avant de quitter Paris, ce que devient votre projet de scénario… si quelque point vous embarrasse, pourrions-nous opportunément enparler ensemble et avec Marc Allégret… Je me souviens de vousavoir dit que je vous ferais parvenir le scénario de n'importe quelfilm, qui vous permette de voir comment il s'agit d’exposercinématographiquement le sujet… » « … Julien Green sort d' ici àl'instant m'a dit ce matin G. Gallimard… En vain j’ai cherché àvous rattraper dans la rue… » « … Aussi désireux de cetterencontre que vous pouvez l'être vous-même… Marc A.[llégret]…doit me rejoindre… Il vient de tourner, chez les Fabre-Luce, unfilm ‘électoral’ qui l’a complètement occupé… », etc.1932 : « … N'était-ce pas à vousque je parlais récemment de Thomas Traherne… vous recommandant, depréférence à ses Poetical Works… son volume de proses Centuriesof Meditations… », etc.1934 : « … Comment vous dire ma joie? Votre Visionnaire dépasse, et de beaucoup, mon espérance. Monattente était exigeante… J'ai beaucoup tardé à le lire…J'attendais l'heure : qui, pour moi, lorsqu'il s’agit d'une œuvrelittéraire, n'est jamais… l'heure où les critiques en parlent…Mais, Stoisy Sternheim me harcelant, j'ai fini par ouvrir LeVisionnaire… Cher ami, j'aime immodérément votre livre… »,etc.1935 : De Fez, il écrit : « … J’aibeaucoup parlé de vous… avec Jef Last qui m’accompagne et qu'ilfaudra que vous ne tardiez pas à connaître… Ils ont mis à ladisposition de Jef Last et de moi une très vaste et agréablechambre au second étage de leur maison arabe… Quelle ville !... ».Gide était l'hôte de « Si Haddou », nom arabe de son ami GuyDelon.1938 : « … Je ne sais dans quellesdispositions vous êtes aujourd'hui. Mais le souvenir de mon derniercoup de téléphone me met mal à l’aise. Oubliez-le je vous prie :l'idée qu' il peut salir notre amitié m'est intolérable… »,etc.1946 : De juillet 1940 à septembre1945, Green séjourna aux Etats-Unis ; à Baltimore, il écrivit unseul ouvrage en langue anglaise, des souvenirs sur la France :Memories of Happy Days, pour lequel il obtint le Prix Harper.Cette missive de Gide est entièrement consacrée à ce livre quevient de lui prêter son ami Jef Last : « … Je n'ai pas encore lutout le livre ; assez stupidement, l'ouvrant au hasard, j'ai commencé ma lecture auchap. VIII ; puis ai poussé jusqu'à la fin, d'un trait… je n'aijamais plus envie de vous revoir que lorsque je viens de vousquitter… Simplicité, honnêteté profonde, naturel – cesqualités exquises (et aujourd'hui si rares !) que nous goûtons sifort… je les retrouve en vous, et m’y repose… Et, en plus… ah! tout ce que vous dites de la création d’Adrienne Mesurat. ‘Theauthor creates characters, and the characters create the plot’…Quel merveilleux portrait vous tracez de Cocteau ! – Et tout ce quevous dites de notre extraordinaire soirée au Lido, après lamémorable soirée chez Prunier… ce que nous avons dit… et,surtout, ce que nous n’avons pas su nous dire… ».
On joint : - 3 brouillons de lettres de Green àGide (deux manuscrits et un long tapuscrit ; Baltimore et Paris,années 40) d’argument littéraire. - un document imprimé intitulé «Moyens d’entraînement au travail » et « Moyens matériels, tousdouteux », extraits de son Journal (notes de l'année 1894)- une lettre autographe signée deCatherine Gide à Julien Green.
(Estimation : 6000-8000 €)
Quatre photographies seront aussi envente :
Lot 106GIDE AndréPetite photographie (env. 7 x 7,5 cm)sous verre (12 x 11 cm), tirage postérieur, mais ancien, d’une photo de jeunessepar Albert Démarest. Vers 1889/90. Annotée au dos par Julien Green « André Gideen 1891 – donné par Jean Denoël peu de temps après la mort de Gide » et, au-dessous, de la main d’Eric Green : « Collection J. G. ».
(Estimation 400-500 €)
Lot 107GIDE AndréBeau portrait mi-buste, de troisquarts, vers 1934. 18 x 12,5 cm. Annotée au dos par J. G. : « Gide - photo prise par StoisySternheim » (1883-1971). Tirage ancien.
(Estimation 400-500 €)
108GIDE AndréTrès grande photographie des années’30. magnifique portrait de face.33 x 24,5 cm. Tirage ancien, aucunemention de l’auteur du cliché.
(Estimation :500-600 €)
Et au lot numéro 116 touchant àFrançois Mauriac, parmi les six photographies proposées : Gide etMauriac (en « 1949… à l'hôtel du Roi René à Aix-en-Provence –photo Mme Mauriac)
Gide est encore au cœur de nombreuseslettres de la volumineuse correspondance mise en vente. Signalons :
- la correspondance avec sa sœur AnneGreen (« … I have been reading Gide’s diary which I shall use inone of my lectures on Journaux littéraires (the others being Barrèsand Renard) and feel depressed, in consequence although I can’tquite make me why ; I suppose that if I could, I would know what kindof person Gide really is, which I don’t (and who does ?)… »). «… It takes me, sometimes, several days to prepare a fifty minutetalk, as I have to re-read volumes after volumes of Barrès, Gide andBloy, to say nothing of Péguy, but is helps me too. There is nothinglike explaining a subject to others for making it clear in one’sown mind, and I don’t regret my effort… Yesterday I lectured onGide’s diary, that depressing book, and made a special point, therebeing two nuns in the audience, to read some very disagreeablepassages about Catholics in order to make his position quite clear,but there are other passage too, surprizingly numerous, where hetalks about religion with reverence… Already in my talk on Péguy Ispoke in a low voice of ‘l’ épouvantable scandale que représentela persécution des Juifs’… »)
- la correspondance avec Robert deSaint-Jean (« 1942. Green est à Baltimore ou à Camp Ritchiedans le Maryland, Saint Jean à New York ou à Chicago. « … Lalettre de Gide est des plus curieuses. Il me dit, sans commentaires,que Fernandez, Chardonne, Drieu, Jouhandeau et un cinquième dont ilne sait plus le nom, ont fait un voyage aux frais d’Adolf à Berlinet à Prague d’où ils sont revenus ‘charmés’. Il me demande…‘Robert de S. J. est-il près de vous ? Ah ! que… mais patience’…Ceci après une phrase où il me dit son ‘affection toujours,inaltérablement, vive et entière’. Ces points de suspensionm’agacent un peu… Le mot important est : patience, qui veut dire,selon moi, tenons bon, Hitler va perdre. Il me dit aussi… ‘L’unitéde ton de la presse ne doit pas vous tromper’. Et aussi ‘Leniveau intellectuel et surtout moral, est tombé bien bas’. C’estla lettre d’un homme découragé, fatigué… »)
- et encore les correspondance avecGeorges Duhamel (Après la lecture du Journal V : « …certainsportraits son admirables. Je trouve... celui de Gide irritant etterrible – terrible pour lui... »), Jean Paulhan (quisollicite un texte sur Gide « … pour l’hommage qui fera revivrela N.R.F., l’espace au moins d’un numéro… Notre hommage prendde plus en plus allure de témoignage. Pas du tout, ou peu, de‘grande critique’. Mais des ‘J’étais là, j’ai vu ceci...», Cocteau, Lacretelle, Montherlant (querelle sur l'opinion de Gidesur Montherlant évoquée dans le Journal de Green...), Morand, Guy Dupré...
JULIEN GREENUn siècle d’écritureManuscrits, lettres, photographies,souvenirsVente dimanche 27 nov. 2011 à 14h00Hôtel d’Angleterre17, Quai du Mont-Blanc, 1201 GenèveExpositions publiques : Vendredi 25 et samedi 26 novembre de 10heures à 19 heuresDimanche 27 novembre de 10 heures à 12heures Plus d'informations et catalogue en ligne sur le site Pierre Bergé & Associés.