Plusieurs fois ministre dans
des gouvernements de droite, ancien président de l'UDF et considéré, des années durant, comme l'héritier de la famille politique du centre droit, François Bayrou voulait se recentrer. Ce pari-là,
il l'a réussi. Moins de cinq ans après le lancement du MoDem, 57 % des Français estiment que le centre qu'incarne son leader ne penche "ni vers le centre gauche ni vers le centre droit", selon
une enquête Ipsos pour Le Point (*). Ils sont 15 % à le situer plutôt "au centre droit", et à peine plus (16 %) à le situer "au centre gauche". Le contrat est donc rempli. Mais la stratégie
politique, elle, laisse plus de place au doute...
À quelques mois de sa troisième élection présidentielle, Bayrou jure qu'il vise le second tour. Mais promet qu'il ne jouera pas la carte de l'indépendance et "fera un choix" s'il n'arrive pas
jusque-là. Or, pour l'heure, les sondages ne sont pas tous flatteurs. En témoigne le dernier baromètre des intentions de vote Ipsos
pour Le Monde, qui relègue Bayrou - loin derrière les trois premiers prétendants, Hollande, Sarkozy et Le Pen - à 5,5 % d'intentions de vote, alors qu'il grappillait quelques points chez les
sympathisants socialistes la semaine dernière, dans le baromètre de popularité Ipsos-Le Point. Oui mais voilà, François Hollande le modéré piétine de toute évidence son espace vital. Pour le
patron du MoDem, qui croit savoir que cette élection se jouera à "quatre candidats", et dont le dernier livre, 2012, État d'urgence, a été un succès en librairie, l'addition est sévère...
Des troupes plus à gauche
Résultat : les pronostics continuent d'aller bon train sur le candidat auquel il pourrait bien apporter son soutien entre les deux tours. Hollande ou Sarkozy ? Pour les uns, il est clair que son
choix se portera sur le président sortant. Pour les autres, comme Hervé Morin, "voter
Bayrou au premier tour, c'est voter Hollande au second".
Le choix risque, quoi qu'il en soit, d'être cornélien. Ne serait-ce qu'auprès de ses troupes. Car on le pressentait lors des journées d'été du MoDem : un léger décalage se creuse entre
les sympathisants du parti, qui sont près d'un tiers (27 %) à situer leur candidat au centre gauche, et ses cadres, qui, eux, sont forcément confrontés à une certaine réalité politique. À leur
grand raout de la fin de l'été, ils avaient bien dû s'accommoder de la présence de soutiens politiques
exclusivement issus du centre droit, dont Pierre Méhaignerie ou Bernard Bosson, alors même que l'on ressentait une vive défiance des militants à l'égard du pouvoir en place. Seuls 9 % des
sympathisants du MoDem situent François Bayrou au centre droit. Ils sont donc, finalement, à peine plus nombreux que la moyenne à le placer à l'extrême centre de l'échiquier politique (61
%)...
Bayrou Premier ministre ?
L'indépendance tant revendiquée du patron du MoDem a donc un prix. Et ce, même dans la perspective d'être le "faiseur de roi" en 2012. À la question : "Si Bayrou n'est pas élu en 2012,
souhaiteriez-vous qu'il devienne le Premier ministre de François Hollande, Nicolas Sarkozy ou aucun des deux ?", 73 % des personnes interrogées répondent "aucun des deux". Ils ne sont que 13 % à
souhaiter que l'ex-ministre de l'Éducation nationale prenne la tête du gouvernement sous la présidence du candidat socialiste, et 6 % à le rêver en Premier ministre si Nicolas Sarkozy est réélu.
Si le résultat peut paraître flatteur - son indépendance est louée, dira-t-on -, il n'augure pas d'un retour rapide du Béarnais aux affaires.
Quant aux sympathisants du MoDem, ils accordent toujours une préférence notable au centre gauche, puisque 27 % d'entre eux verraient bien leur candidat en Premier ministre de François Hollande,
tandis que 20 % l'imaginent à la place de François Fillon en cas de second quinquennat sarkozyste. Sauf que pour le président sortant, il ne s'agirait sans doute pas d'un très bon calcul :
seulement 13 % des sympathisants UMP aimeraient avoir Bayrou comme Premier ministre s'il est réélu. Pour François Hollande, en revanche, la question mériterait peut-être d'être posée, puisque 19
% des sympathisants socialistes souhaiteraient que François Bayrou devienne le Premier ministre d'un Hollande président. Voilà un bon point pour Bayrou, qui ne cesse de dire publiquement tout le
respect qu'il voue à l'autre François, le socialiste. Encore faudrait-il, pour négocier quoi que ce soit, que le patron du MoDem remonte dans les sondages...
Source : Le Point