Le XXe siècle aura vu l’humanité croitre à un rythme effréné. 1.5 milliards en 1900, puis 3 milliards en 1950, nous fêtons cette semaine la naissance du 7 milliardième habitant de la planète Terre [1] . Comment alors ne pas craindre pour notre survie ? Après tout, l’épuisement des ressources, la faim dans le monde et autres fléaux ne sont-ils pas seulement le reflet d’une humanité surpeuplée ? Cette question nage aujourd’hui entre deux eaux. Une sorte de néomalthusianisme à la fois taboue et régulièrement agitée sous notre nez comme la cause de la crise écologique.
Historiquement, la question de la surpopulation est très vielle, et a pu occupé les esprits depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. Nous avons tendance à penser que cette question est strictement moderne, car l’humanité n’avait jamais été confrontée à une population de plusieurs milliards. S’il est vrai qu’en Grèce antique, les chiffres de la démographie étaient plusieurs ordres de grandeur inférieurs, Platon et Aristote s’inquiétaient déjà, quelques 4 siècles avant J.C. Dans leurs ouvrages ils tentent de décrire la population optimale, compte tenu des ressources et de l’espace disponible, mais aussi de la stabilité politique de la société (Aristote pensait qu’au sein d’un pays trop peuplé, l’ordre devenait impossible à maintenir). Depuis cette époque et le monde actuelle, se sont succédées les théories prônant tantôt une forte natalité, tantôt un contrôle de la démographie.
Aujourd’hui, l’humanité exerce une pression grandissante sur son environnement. Les manifestations les plus spectaculaires sont sans doute le dérèglement climatique et la raréfaction des ressources, en particulier fossiles. Cette question de la surpopulation vient donc nous exploser à la figure au XXIe siècle. Qui n’a jamais entendu de scénario catastrophiste sur la croissance effrénée de la Chine ? Les chiffres ont de quoi faire peur. Si les chinois possédaient autant de voiture par habitant que les américains, il absorberaient la totalité de la production mondiale de pétrole ! Nous savons également que leurs émissions de CO2 dépassent maintenant celles des Etats-Unis, alors que leur population est quatre fois et demi plus importante. Il semble donc naturel aujourd’hui de se redemander « Sommes-nous trop sur la planète ? ».
Mais cette question est en réalité très mal posée. L’élément essentiel de cette problématique est avant tout « quel mode de vie souhaitons-nous généraliser à 9 milliards d’individus ? ». Comme l’avait déjà compris Platon à son époque, la notion de surpopulation dépend crucialement de sa consommation et des ressources disponibles. Ainsi, il est aisé de comprendre que la consommation d’un américain (ou d’un européen) n’est pas applicable à l’ensemble de la planète. Si tout le monde brûlait autant de pétrole qu’un américain, il faudrait multiplier la production mondiale par 5 ! Ceci semble fortement incompatible avec le constat que la production actuelle passe par son maximum absolu [2] . Il en va de même pour notre alimentation. Aujourd’hui 1 milliard de personnes souffrent de la faim. Cela veut-il dire que nous ne produisons pas assez ou qu’ils y a trop de bouche à nourrir ? En fait, 30% de la production alimentaire est perdue chaque année [3] . De plus, 70% des surfaces agricoles exploitées sont destinées à l’élevage [4] . Le défit de subvenir aux besoins alimentaires de 7 milliards est donc nettement plus facile si ceux-ci ont un régime moins carné qu’un européen moyen. Il en va de même pour les émissions de CO2, où les 7% des plus riches en émettent presque la moitié [5] .
La crise écologique n’est donc pas tant un problème de surpopulation que de répartition des ressources, et de choix de mode de vie. Il est évident qu’une population infinie est incompatible avec une planète finie, et donc la croissance démographique devra finir par s’arrêter. Mais nous ne sommes pas nécessairement arrivé aujourd’hui à une taille critique de la population. Par contre, nous avons certainement dépassé le seuil critique de consommation. Alors que le président de l’ONU Ban Ki-moon en appelle à plus de solidarité, nous devons accepter de baisser notre consommation, pour mieux répartir les richesses et diminuer notre impact sur l’environnement. Il est certainement incompatible de vouloir une société mondiale soutenable, égalitaire et consommatrice. Si nous sommes aujourd’hui trop focalisés sur le dernier point, à nous de réorienter l’avenir vers les deux premiers.
- Selon l’ONU et l’actu en patates
- cf. pic pétrolier
- cf. Ce quizz amusant et instructif
- cf. Rapport de la FAO, p.271
- cf. Libération