Bon, je crois que c’est clair : c’est la grosse panique en Grèce, et l’oeil agité de spasmes d’un Sarkozy ou d’une Merkel n’est pas là pour nous rassurer. Cependant, avant de céder complètement à l’hystérie, ayons la présence d’esprit de regarder ce qui se passe dans notre pays pour constater, avec un soulagement évident, qu’au moins ici la situation est gérée avec maestria.
Au moins, En France, on n’est pas chez les Grecs.
Tout d’abord, on est toujours AAA. C’est important, le triple-A, pour pouvoir emprunter à des taux réduits. Eh bien grâce à la gestion avisée d’une longue série de politiciens fins comme des gorets, nous avons réussi à ne pas éveiller les soupçons pendant plusieurs dizaines d’années.
Certes, aujourd’hui, le petit élastique, là, (celui qui empêcherait les fuites) entre les taux des bons français et les bons allemands, a subi des tensions accidentelles comme on dit pudiquement, avec maintenant un écart de 125 points de base. Il n’est pas étonnant que tout ceci entraîne, en petits chuintements discrets dans le fond, des rumeurs de dégradation, mais regardons le bon côté des choses : de toute façon, les méchants financiers apatrides du turbolibéralisme capitaliste peuvent bien dégrader tout ce qu’ils veulent, le marché a déjà tenu compte de tout ça.
Relax, donc : il n’y a aucune raison de s’affoler. La maison France est bien gérée, comme en témoigne le récent rapport de la Cour des Comptes et notamment celui qui vient tout juste de sortir : plus on est proche du pouvoir, moins on aura de souci à se faire pour son avenir ; il en va ici des « conseillers » en communication comme des autres : à partir du moment où on connaît les bonnes personnes au bon moment, la loi, d’habitude si contraignante, devient nettement plus souple et conciliante et la République sait alors, spontanément, se montrer bonne fille et oublier, par exemple, les procédures de passation de marchés publics.
Les élites étant déjà, de facto, protégées et ayant habilement constitué le nécessaire bas de laine destiné à leur épargner des jours difficiles lorsque tout va s’effondrer, on peut donc se détendre en pensant qu’au moins, elles seront dans un état d’esprit frais et dispos lorsque la situation s’empirera un grand coup.
Et c’est important d’avoir des politiciens au top, bien nourris, le visage glabre, le jarret pétillant, le costume Cerruti, le regard ferme et tourné vers l’avenir, lorsque la tempête se déchaîne et que les gros nuages noirs déversent sur le peuple des fleuves de misères acides.
Sans les petites largesses qu’ils se sont octroyés dernièrement, sans les salaires et émoluments moelleux que le moutontribuable leur accorde dans sa grande mansuétude, on aurait droit à des petits êtres chétifs, stressés, apeurés et craintifs là où seules la volonté et une fermeté dans l’action chevillée au corps pourraient nous sauver…
Sans ces coussins d’argent gratuit, sans ces facilités de caisse généreuses, sans ces soirées putes & champagne à gogo, soyez en sûrs, nos élites n’en seraient pas et commenceraient à faire n’importe quoi.
Par exemple, ils proposeraient un budget de la Sécurité Sociale à faire hurler de rire un moine de la Chartreuse. Budget qui serait, en toute bonne logique, recalé par le Sénat car même si les vapeurs éthyliques y sabotent régulièrement les débats dans de douces torpeurs, là, ce serait vraiment trop gros. Mais qui serait ensuite accepté par des députés poussés à la misère, l’indigence et la déroute intellectuelle par le stress et l’insécurité financière…
Soit, on admettra aussi le jeu purement politico-politicien dans ce ping-pong procédural entre les deux chambres, mais il faut avouer que le budget proposé, en déficit de plus de 13 milliards d’euros, semble une assez mauvaise idée dans cette période un tantinet agitée. Surtout qu’en première analyse un peu grossière, certains tendraient à émettre l’hypothèse certes hardie mais étayée que tout ce foutu bordel serait éventuellement dû à un endettement trop fort des états. Oui, je sais, que ne faut-il pas lire, hein, mes petits amis ! Mais bref, ajouter ainsi inopinément un gros déficit sur une dette déjà passablement rebondie, c’est gentiment frivole, ne trouvez-vous pas ?
Qu’on se rassure cependant : les efforts à faire ne sont pas insurmontables puisqu’il ne s’agit pas, vous l’aurez compris, d’équilibrer le budget de l’état, ni même celui de la Sécu à proprement parler.
Nos élites l’ont déjà compris : il s’agit avant tout de dégager un peu de mou en Cognant Sur Les Riches, antienne simple, formatrice et annonciatrice d’un avenir radieux pour l’investissement et le développement en France.
Et si l’on ajoute que ce message-là est parfaitement en phase avec l’opinion publique du moment, si l’on comprend que les électeurs, comme un seul homme ou à peu près, veauteront sans hésiter pour encore plus de sécurité grâce à l’Etat (bisous), encore plus d’action intelligente grâce à nos élites (bisous), encore plus de réforme du capitalisme à coup de tatanes dans la mâchoire (bisous), si l’on comprend que nos fines équipes de clowns à roulette vont trottiner, main dans la main, avec les longues brochettes de citoyens éco-conscients vers des lendemains qui chantent le socialisme et les tickets de rationnement, on ne peut en arriver qu’à une seule conclusion :
Ce pays est foutu.