A Paris, un ancien proche, celui-même qui avait tenté de négocier la vente d'équipements de surveillance auprès du colonel Kadhafi pour le compte du ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy, commençait à se rebiffer. Samedi dernier, dans l'inquiétude de ces journées imprévues, Dominique de Villepin avait discrètement rendu visite à Nicolas Sarkozy et Claide Guéant.
Effervescence cannoise
Après une panique boursière un mardi de Toussaint, les places ont recouvré quelque calme. Les dirigeants européens, Sarkozy et Merkel en tête, avaient tenté de convaincre que le référendum populaire proposé par l'iconoclaste premier ministre grec serait finalement bien encadré. Le suspense a duré la journée, permettant d'attendre la clôture des marchés pour s'engueuler. Il n'était pas anodin que la convocation du premier ministre ministre ait été convenue pour la fin de la journée. On confia aussi que Sarkozy et Obama enregistreraient une interview télévisée d'un gros quart d'heure vendredi 4 novembre pour TF1 et France2.
Les sourires étaient tout de même coincés, mercredi en fin d'après-midi, parmi les participants au sommet du G20 qui débute ce jeudi. Un porte-parole grec expliqua que le référendum ne porterait que sur le plan de sauvetage et non sur la participation à l'euro ou à l'Europe.
Ailleurs à Paris, un autre homme se confiait publiquement. Ziad Takieddine, proche ami de Jean-François Copé et ancien fidèle des réseaux sarkozyens, semblait décidé à confier ce qu'il savait des filières de financement politique occulte depuis 1995. Voici une affaire « vieille de 17 ans » comme disait lui-même Nicolas Sarkozy la semaine dernière qui allait enfin livrer peut être tous ses secrets.
Après les confessions du frère d'un « suicidé » en marge de l'affaire Karachi le weekend dernier, Nicolas Sarkozy se serait bien passé de ce nouveau coup d'éclat. L'homme d'affaires Ziad Takieddine, ancien proche des réseaux du chef de l'Etat, a visiblement décidé de « passer à table ». Mis en examen pour recel d'abus de bien sociaux depuis l'été dernier, ce dernier a mal pris d'avoir été lâché en rase campagne devant les juges.
Commissions ou honoraires ?
Lundi 31 octobre puis mercredi 2 novembre, Takieddine était à nouveau interrogé par le juge Renaud van Ruymbeke. D'après le JDD, il aurait déjà avoué avoir reçu des « honoraires » sur le contrat de vente de sous-marins Agosta au Pakistan en 1994. Trente millions de francs, rien que ça, dont le juge van Ruymbeke soupçonne qu'une partie, 10 millions de francs (1,5 millions d'euros), soit retournée ensuite alimentée le compte de campagne du candidat Balladur. Mercredi, Takieddine nie encore.
Qui croire ?
Takieddine a aussi récusé toute rétro-commission (c'est-à-dire tout retour de commission occulte du Pakistan vers la France): « Il n'y a pas eu d'arrêt de commissions, il n'y a pas eu retrocommissions. Il y a eu un détournement de destinataires de ces commissions, non contractuels, cachés de tout le monde ».
D'après Europe1 et le Monde, il a ainsi transmis une note détaillant les noms, les numéros de compte en banque « un système de corruption très étendu » versées à l'occasion des contrats de vente d'armes Agosta (avec le Pakistan) et Sawari II (avec l'Arabie Saoudite) par le gouvernement Balladur. Takieddine a précisé au Monde qu'il n'avait « jamais touché un euro venant de l'argent des citoyens français ». D'après les journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, l'intermédiaire s'expose ainsi car (1) il a enfin accès au dossier depuis sa mise en examen l'été dernier et (2) il n'a plus grand chose à perdre depuis la disqualification des deux régimes dont il était proches, le libyen Kadhafi et le Syrien Assad. Takieddine comprend qu'il ne sert plus à rien, sauf s'il disparaissait.
Autant parler, et se venger.
220 millions d'euros pour Chirac ?
« Aujourd'hui, le juge a des éléments assez pertinents pour savoir qui a touché quoi, comment et pourquoi », a-t-il déclaré à Europe 1 mercredi soir. « J'ai donné tous les détails d'un système, je l'ai écrit ».
Pour bien faire, l'homme d'affaire a choisi de mouiller le clan Chirac: «Je découvre aujourd’hui que les accords n’ont pas été respectés. 1 milliard 400 millions s’est envolé dans la nature » avait-il expliqué au Monde. A Europe 1, il complète encore: « Il n'y a pas eu d'arrêt des commissions, les contrats n'ont pas été arrêtés mais substitués et tous les montants ont été encaissés par la France ». Il accuse Dominique de Villepin « qui se tenait derrière ».
Cette somme de 1,4 milliard de francs aurait donc été détournée, via une filiale d'une « grande banque française », à Genève, au profit d'un « système bis » pour le clan Chirac. Le tout « aucun contrat » précise Takieddine. En d'autres termes, Chirac a interrompu les contrats « justifiant » le versement de commissions mais ces dernières ont été versées jusqu'à leur terme....
Ou pour Alexandre Djouhri ?
Il est même précis, Monsieur Takieddine, il dénonce à nouveau son grand rival Alexandre Djouhri, toujours ami de Dominique de Villepin mais intermédiaire désormais bien introduit à l'Elysée version Sarkoland. C'est un autre intermédiaire - on s'y perd - proche de Djourhi, un certain Wahib Nacer, qui « aurait joué un rôle essentiel dans ce nouveau dispositif, à travers deux sociétés, Parinvest et Issham », dixit Le Monde.
Sur son site, Parinvest déclare de nombreuses compétences, des fusions/acquisitions au conseil stratégique.
Dimanche dernier, on apprenait déjà que, d'après des extraits de procès verbal d'audition de Ziad Takieddine cités par le JDD « en remplacement des sociétés Rabor et Estar dont les contrats ont été détruits, il y a eu trois destinataires, (...) une partie a bénéficié à une société qui représente M. Chirac. Une autre partie a bénéficié à une société qui représente M. Villepin. La troisième société est celle de M. Djouhri qui chapeaute les trois sociétés ».
Ces confessions, dont nous n'avons qu'un extrait, risquent d'être explosives. Takieddine joue au fauve blessé, il balance, et parfois trop loin, accusant, ce mercredi 2 novembre, un système « qui a existé dans le passé, qui existe aujourd'hui, existera toujours quand il ne sera pas arrêté ». Il n'aime pas qu'on pense qu'il a touché des commissions: « j'ai touché des honoraires, pas des commissions » s'est-il exclamé sur Europe1 ce mercredi.
« je tiens à préciser que les commissions n'ont pas été arrêtées ».
Villepin reçu chez Sarkozy
Ce weekend, Dominique de Villepin a été reçu au Château de la Lanterne par Nicolas Sarkozy ce weekend, en toute discrétion. L'ancien premier ministre avait été facilement « débranché ». On a voulu nous faire croire qu'il discutait de sa dernière annonce, réclamant 20 milliards d'euros de nouvelles économies pour le plan de rigueur français.
Claude Guéant, ancien comparse de négociation de Ziad Takieddine puis Alexandre Djouhri, était présent. Et l'info est sortie du Figaro, quelques heures avant l'audition de Ziad Takieddine par le juge van Ruymbeke.
La coïncidence était troublante.
Bazire, encore chez le juge
L'ami et témoin de mariage de Nicolas Sarkozy était encore chez le juge ce même mercredi.
Coïncidence ?
"Je mets en cause un système de corruption étendu" par Europe1fr