Entretien avec Absurdity

Publié le 02 novembre 2011 par Guillaume Joubert

En mars dernier les strasbourgeois d'Absurdity sortaient leur premier album,  D:\Evolution sur le label Urban Death Records. On les retrouve aujourd'hui à 2 jours de la sortie de cet album sur le sol européen, mais aussi au Japon, pour un entretien, histoire d'en savoir un peu plus sur ce groupe, prêt à l'export.  

Bonjour Absurdity ! Après plusieurs changements de Line-up, vous voilà renforcé par une certaine stabilité, dont la conséquence est ce premier album sorti en mars 2011 après 10 ans de service. Pouvez vous nous résumer un peu ces 10 premières années du groupe ?

Salut Guillaume. Eh bien oui, je suis content de pouvoir dire que nous avons (enfin !) un line-up stable dans le groupe. Mais, s’il est vrai que sous le nom ABSURDITY les premières traces remontent en 2002, nous avons tendance à dire que cela ne fait que 4 ans que nous existons sous cette forme, depuis l’arrivée de Ric au chant en fait. Nous avons débuté comme tout le monde, par faire de petits concerts, en n’hésitant pas à aller loin parfois…puis on a eu des opportunités de plus en plus intéressantes, nous avons pu jouer sur certains festivals majeurs (MHM en Ukraine, LEZ’ARTS ou DIRTY8 FEST en France,…), et l’enregistrement de 2 EP, nous a permis de nous faire remarquer par Urban Death Records. Enfin cette année, un premier album, qui sortira dans toute l’Europe 6 mois après la France, chez Ultimhate Records. Voila pour le parcours !

Le nom du groupe est t-il une référence aux absurdités de notre monde ou à la complexité de votre musique ?

Haha, non, ce n’est pas en rapport avec la musique…nous n’avons d’ailleurs pas le sentiment de jouer une musique "complexe". C’est plutôt un état d’esprit, une constatation de l’Absurdité du comportement humain, si égoïste et autodestructeur, qui nous fait nous interroger sur les motivations profondes de nos frères humains. C’est cette conduite irresponsable et suicidaire qui nous pousse à continuer à écrire des textes sur ce sujet. Encore une fois, nous laissons le soin à d’autres groupes, qui le font très bien, de parler de gore, de politique ou de pipi-caca, ce n’est simplement pas notre crédo. Quand au nom, il est tiré de la phrase "The Absurd way of Life" du mythe de Sisyphe d’Albert Camus, histoire de dire qu’on n’est pas QUE des incultes.

Vous avez acquis une expérience scénique importante, et vous avez d'ailleurs toujours privilégié la scène. La sortie d'un premier album était t'elle obligatoire à ce stade du groupe ?

Notre motivation première à toujours été les concerts. Nous avons un beau paquet de dates à notre actif, et c’est toujours ce qui nous à le plus motivé…tracer la route, aller voir du pays, rencontrer des gens, et transpirer sur de nouvelles planches à chaque fois… Nous avons eu une année riche en concerts depuis la sortie de l’album en mars dernier, avec plusieurs tournées dans la foulée. C’est une expérience irremplaçable, mais en effet, à un moment ou à un autre, il à bien fallu coucher sur une galette toute la fougue qui nous anime en live. Comme le groupe ne disposait pas encore de "véritable" enregistrement, j’entends par là quelque chose de massif qui rend justice aux compos, nous avons pris cette décision d’aller enregistrer un album complet cette année. 

Quelques mots sur ce titre D/Evolution..? Qu'est ce qu'ilsignifie ?

D:\Evolution reste dans la lignée de ce thème qui nous est cher, mais tourné sur le rapport humain/Machine…Une sorte de constat : nous avons de plus en plus de technologies, de moyens de communication, d’ordinateurs…Malgré tout, l’humanité n’a jamais été autant divisée. C’est un peu cette peur de l’Intelligence Artificielle, des super-ordinateurs, des caméras de surveillance un peu partout, bref, cette accumulation de technologies qui nous fait flipper que nous avons essayé de retranscrire en musique. Par les textes et l’Artwork bien sûr, mais également par le côté indus de la musique. D:\Evolution parle de la lobotomisation de masse par les médias et la course à la consommation, et se pose en observateur de la société contemporaine, enfermée sur elle-même. Au lieu d’ "évoluer", nous avons le sentiment de régresser en tant qu’espèce, une sorte de Dé-evolution donc…

Comment avez-vous composé cet album ? Est ce le fruit d'un gros travail sur un court laps de temps ou le fruit d'une accumulation de morceaux composés sur vos 10 années d'expérience ?

Mmm. Un peu des deux, il y a 2 titres que nous avions "en stock", et qui semblaient parfaitement correspondre à l’esprit de l’album. Nous les avons donc enregistrés, puisqu’ils avaient également l’avantage d’avoir été joués bien des fois, ce qui est plus facile en studio après. Pour le reste, tout vient d’une seule traite, lorsque nous avons commencé à parler d’un album, du thème, etc.…donc 80% des titres ont été réalisés sur une relativement courte période, entre 2009 et 2011. Entrecoupé de nombreux concerts et projets parallèles, cela nous à semblé court en tout cas.

L'album sort sur un label dont vous êtes le seul représentant à ce jour. Comment s'est passé cette collaboration et pourquoi avoir fait confiance à Urban Death Records ?

C’est l’avantage d’avoir un management basé sur Strasbourg. Nous connaissions déjà Erik, qui bosse pour le label, c’est donc tout naturellement que nous avons décidé de signer avec eux quand il nous l’a proposé. Le fait de se connaitre et de se faire confiance à joué énormément. Et c’est vraiment une histoire de confiance, puisque nous sommes leur première signature : ils prennent donc des risques avec nous, au même titre que nous avec eux. Le fait d’être pour le moment, les seuls sous cette étiquette, plutôt que noyé dans un roster de 50 groupes permet au staff de bien nous chouchouter. Pour le moment, la collaboration se passe bien, nous avons grâce à eux, pu jouer sur de gros festivals, et nous avons pu salarier notre ingé son, nous nous sommes retrouvés dans la presse nationale, en radio, sur les webzines…et nous sommes ravis de notre Tourmanager également !

Vous vous présentez comme un groupe qui traite notamment de la pollution, de la pauvreté sociale ou simplement de la misère humaine, avec des paroles influencées par des auteurs comme Albert Camus, Franz Kafka et Georges Orwell. Dans le même temps, vous dites (je l'ai lu dans une interview), que vous êtes apolitiques. Pourquoi dénoncer des faits de société et dans le même temps dire que vous êtes apolitiques ? Etes-vous vraiment apolitiques ?

Héhé... La démarche du groupe se veut apolitique, puisque nous ne sommes ni de gauche, ni de droite, ni même au milieu de quoi que ce soit. Simplement, nous ne "dénonçons" pas les dérives du monde moderne, nous nous positionnons juste en tant qu’observateurs. Il ne nous appartient pas de faire la morale " ne faites pas ça, c’est mal", ou "faites plutôt comme ça", chacun est libre de ses actions et de son karma. Nous constatons : voilà le monde va mal, c’est un fait, on le raconte dans nos chansons. Faites en ce que vous voulez. Maintenant, tu n’as pas tort de dire que c’est une forme d’engagement politique, mais c’est involontaire….

L'album sort en Europe et au Japon. Qu'attendez vous de cette sortie ?

C’est un peu nouveau pour nous …Le fait de se dire que l’album va être distribué dans tous ces pays est un peu fou. Ce que nous en attendons ? Pouvoir rebondir sur le fait que le groupe soit disponible dans les bacs en Europe pour pouvoir tourner encore plus ! Je t’avoue que les ventes à proprement parler, ce n’est pas ce qui nous intéresse. En revanche, si cela permet aux gens de nous découvrir ailleurs, et de venir nous voir en concert quand nous sommes de passage, c’est gagné. Nous avons pour le moment d’excellents retours pour les quelques pays ou la promo a commencé, notamment en Allemagne, où la presse nous soutient beaucoup. Nous verrons bien !

Les pays de l'Est comme la République T'chèque et la Hongrie sont très ouverts et très dynamiques en matière de metal. Comment expliquez-vous cela ?

 Eh bien, on ne sait pas vraiment…C’est vrai que nous avons toujours eu des accueils magnifiques à l’étranger, et en particulier dans les pays de l’Est, les gens se lâchent vraiment lors des concerts, il y a une ambiance particulière. Après, chaque territoire est différent, le public slovène par exemple ne réagit pas de la même façon que les allemands, etc….Maintenant, il ne faut pas dénigrer la France, même s’il est vrai que l’abondance des évènements, des groupes ou des concerts, a tendance à essouffler le public français, qui ne sait plus trop que choisir. Je pense que pour l’Europe de l’Est, c’est dû au fait qu’il y a moins de choix, localement j’entends. Et le fait qu’ils ont aussi vraiment des groupes de qualité, très professionnels dans leur démarche.

Vous êtes considéré aujourd'hui comme les portes paroles du Deathcore français. Comment gérez vous cette pression supplémentaire ?

Ravis de l’apprendre ! Mais même si tu as raison, il n’y a rien à gérer : nous jouons notre musique de la même façon que ce soit sur album, dans un petit club ou sur la scène d’un gros festival. Du coup, on ne ressent pas du tout cette forme de pression. Il est vrai que c’est un peu plus intimidant d’arriver dans une ville où les gens connaissent l’album, ou viennent avec les t-shirts du groupe, ça oblige à être un peu plus concentré, si les gens connaissent les morceaux, plus le droit aux approximations.

Votre nouveau clip vient de sortir. Aujourd'hui avec internet,  l'image semble avoir autant d'importance que la musique. Le

regrettez-vous ?

Notre premier clip ! Nous avions discuté avec la production d’avoir un support vidéo pour la sortie de l’album, et nous en sommes très satisfait, grâce notamment au travail formidable de Guillaume Beck, le réalisateur. Il est évidemment très important d’attacher une attention particulière à l’imagerie d’un artiste, je ne pense pas là qu’il y ait matière à regretter quoi que ce soit. L’image et le son sont deux choses complémentaires, et pas antinomiques, faites pour travailler ensemble pour véhiculer le message du groupe. Tant que ce n’est pas au détriment de la qualité des compositions, tout va bien !

Un mot sur le metal en France ?

Aha, la question obligatoire ! Je dirai que notre scène nationale se porte très bien, je ne m’étendrais pas sur nos héros GOJIRA qui en sont les porte-paroles dans le monde, mais encourage les gens à s’intéresser à leur scène locale : nous avons des groupes de qualité en France, allez les soutenir en concert ! Encore une fois, nous n’avons pas plus à rougir du metal français, quand on voit la qualité et le professionnalisme des groupes, citons bien sur, LOUDBLAST ou BLACK BOMB A, et profitons en pour faire un petit coucou aux copains de DAGOBA, BENIGHTED, DESTINITY, et tous les groupes avec qui nous avons pu partager l’affiche à l’occasion ! Sans oublier les tueurs de notre région, INHUMATE, S-CORE, ARKELION, et consorts !

Chanter en français....Est ce envisageable ?

Rien n’est impossible, mais uniquement le jour où cela signifiera quelque chose, et apportera un truc sur un titre.

Le groupe se distingue avec l'apport de sonorités electro. Y'a t'il pour ambition de créer un style propre à Absurdity ?

Oui, évidemment ! Nous avons toujours voulu nous éloigner des sentiers battus, et même si cela ne plaît pas à tout le monde, les parties électro, samples ou drum&bass sont parties intégrantes de notre son. De plus, cela renforce le côté martial et hyper-carré de la musique, c’est l’effet recherché. Ceci dit, nous ne sommes pas les seuls à utiliser ce genre de choses !

Absurdity dans 10 ans ? Vous le voyez comment ?

Toujours en galère ! Mais toujours pas lassé de faire des concerts, et de partager notre musique avec qui veut bien l’entendre ! Sans rire, nous ne nous attendons certainement pas à vivre uniquement de la musique, il faut savoir garder les pieds sur terre, il n’y a qu’un GOJIRA par décennie. On espère être toujours là, et avoir toujours du monde qui nous suit, simplement.

Je vous remercie et vous laisse le mot de la fin.

Merci infiniment à toi Guillaume pour cette interview, et pour le temps et le soutient que tu nous apporte. Longue vie à Contre-Culture !