La saignée du cochon, à l’heure des directives européennes en matière d’hygiène et de respect des procédures, se fait encore de façon artisanale et familiale dans une ferme près de Montbrison dans la Loire. Une famille de paysan continue d’élever et de tuer le cochon. Les gestes, répétés depuis plusieurs générations, sont précis et justes.
Le montage du réalisateur, Ludovic Vieuille, est original : le film démarre alors que les saucissons sont en train d’être fait, puis remonte le temps jusqu’à la saignée du cochon.
Toutes les étapes, du salage des jambons et du lard, à la fabrication du boudin, en passant par le nettoyage des boyaux, le découpage de l’animal, le paillage (l’animal est recouvert d’un feu de paille pour éliminer les soies) pour arriver enfin au point d’orgue du film qui consiste à la mise à mort de l’animal.
Les personnages font leur travail sans se soucier de la caméra qui filme, évoquent le précédent cochon, tué quelques semaines auparavant, bien plus gros. Celui-ci aurait-il été stressé ? Ils ne sont pas loin de le penser.
La question de l’hygiène et des normes européennes est abordé au début du film et rapidement éludée : ici, c’est comme cela depuis des générations, aucune raison de changer. Le fils, médecin est là, à donner le coup de main. Dans son élément, grâce à sa formation, pour reconnaître les parties du corps, mais, rappelle-t-il « le travail du médecin est peut-être de découper, mais surtout de recoudre ensuite… ». Ce personnage fait le lien avec la modernité, raccroche ces personnes âgées dans l’actualité. Mais leur rituel, bien que très codifié, semble bien vivant, et correspond à une certaine forme d’harmonie qui dénote face à la déshumanisation de l’exploitation de la viande animale. Le cochon, nommé Mistigri, est mis à mort avec le sourire. Pourtant une certaine forme de respect se dégage notamment dans les gestes, certes éloignés des normes d’hygiène que l’on pourrait s’attendre en pareil cas (laboratoire, vêtements et ustensiles appropriés, atmosphère confinée…) mais profondément pensés. Cette forme de production alimentaire banni toute forme de surconsommation et de gaspillage. Chaque morceau du cochon a son utilité et chaque étape correspond à une finalité : recueillir le sang de la saignée pour le boudin, préparer les abats, nettoyer les boyaux pour faire boudins et saucissons, saler, sécher, bouillir…
Le jour qu’on saigne
Ludovic Vieuille – Pollux films et Girelle production, 2008 – 52 mn.