Lettre à Konicho-bô

Par Nichiren
Cette lettre fut écrite en mars 1276 et envoyée du mont Minobu à Konichi-bô, une veuve qui vivait à Amatsu dans la province d'Awa. Son fils, Yashirô, s'était converti quelques année plus tôt au bouddhisme de Nichiren Daïshonin et, par son intermédiaire, elle s'étaient aussi convertie. Pendant que Nichiren Daïshonin était en exil sur l'île de Sado, elle lui envoya des kimonos et divers autres présents, et continua à lui faire des dons une fois qu'il se fut retiré au mont Minobu. Elle bénéficiait de la confiance de Nichiren Daïshonin qui lui adressa plusieurs lettres, au nombre desquels "Sur le comportement du Bouddha".Peu de temps après sa conversion, Yashirô mourut. Cette lettre est la réponse de Nichiren Daïshonin à une lettre de Konichi-bô exprimant son angoisse à l'idée que son file, un samouraï, avait causé mort d'hommes, et lui demandant ce qu'il adviendrait de lui dans la vie prochaine.
" Dans le neuvième mois de la huitième année de Bun'ei (1271), quand le marqueur inverse de Jupiter était au ciel sous le signe cyclique "kanoto-hitsuji", j'ai encouru la disgrâce des autorités et j'ai été envoyé en exil à Sado, une île dans la mer du nord. Lorsque je vivais à Kamakura, dans la province de Sagami, j'avais une certaine nostalgie de la province d'Awa, celle où je suis né. Mais bien que ce fût ma région natale, pour une raison ou pour une autre, j'avais du mal à me sentir proche des gens du pays et je m'y rendait donc rarement. Puis j'ai été arrêté et condamné à mort, mais au lieu d'être exécuté, j'ai été banni (de la province de Sagami). Puisque j'étais expulsé loin de ma région, il semblait peu probable, à moins d'événements extraordinaires, que je puisse retourner à Kamakura. Je ne pourrais donc jamais plus me rendre sur la tombe de mes parents. En pensant à cela, j'éprouvais des remords tardifs. Je me demandais, le coeur empli de regrets, pourquoi, avant de me trouver dans cette situation, même s'il avait fallu pour cela traverser mer et montagnes, je n'avais pas été, sinon chaque jour, au moins une fois par mois, prier sur la tombe de mes parents et m'enquérir de la santé de mon maître.Sou-wou fut prisonnier des barbares du Nord pendant dix-neuf ans, et chaque fois qu'il voyait passer un vol d'oies allant vers le sud, il les enviait. Nakamaro fut envoyé en Chine comme émissaire de l'empereur du Japon. Mais les années passèrent sans qu'il obtienne l'autorisation de retourner dans son pays. A chaque fois qu'il apercevait la lune à l'est, il se consolait en pensant que cette même lune devait briller au-dessus du mont Mikasa dans sa province natale, et que les gens de là-bas, au même moment, devait l'admirer.J'étais moi aussi en proie au même sentiment, lorsque, précisément, j'ai reçu de ma province natale le vêtement que vous m'avez fait parvenir par l'intermédiaire d'une personne qui se rendait à l'île de Sado. Une simple lettre attachée à la patte d'une oie sauvage suffit à Sou-wou le goût de la vie, alors que moi j'ai reçu ce vêtement ! Mes raisons de me réjouir sont incomparablement plus grandes que les siennes. Les habitants du Japon sont sans cesse abusés par les moines du Nembutsu ou par les écoles Zen, Ritsu ou Shingon. Ainsi, en apparence ils font comme s'ils vénéraient le Sûtra du Lotus, mais dans leur coeur, ils n'y croient pas. Si bien que, lorsque moi, Nichiren, qui n'est pourtant pas commis le moindre crime, je proclame la supériorité du Sûtra du Lotus, ils me haïssent tous, de la même manière que, dans les Derniers Jours de la Loi du bouddha Ionnô, les gens haïssaient le bodhisattva Fukyô (bouddha mentionné dans le chapitre "Fukyô" (20ème) du Sûtra du Lotus). Tous, des personnes les plus haut placées jusqu'aux plus modestes, détestent le simple énoncé de mon nom et abhorrent la seule idée de me voir. Par conséquent, bien qu'innocent de tout crime, une fois exilé, il semblait peu probable que je fus pardonné. De plus, j'avais dénoncé le Nembutsu, que les habitants du Japon respectent plus que leurs propres père et mère, et placent plus haut que le soleil et la lune, comme la cause karmique qui conduit en enfer. J'avais attaqué le Zen en disant qu'il était l'oeuvre du démon, qualifié le Shingon d'hérésie qui provoquerait la destruction du pays, et (on rapportait que) j'avais incité à incendier les temples des écoles Nembutsu, Zen et Ritsu, et à décapiter les moines du Nembutsu. J'avais même été jusqu'à prétendre que (les deux nyudo de Saimyô-ji et Gokuraku-ji) Hôjô Tokyori et Hôjo Shigetoki étaient tombés dans l'enfer des souffrances incessantes. Telle était la gravité des accusations portées contre moi. Celui qui a proféré des paroles aussi infamantes à l'égard de personne de haut rang comme de basses conditions, même s'il reconnaissait son erreur, ne pourrait jamais plus retrouver un rang dans la société. Pire, je tenais des propos de ce genre du matin au soir et m'efforçais jour et nuit de prouver leur validité. J'avais aussi solennellement déclaré à Hei no Saemon, en présence de plusieurs centaines de ses hommes, que quelle que soit la punition encourue, je ne pourrais jamais cesser de réfuter ces écoles. C'est pourquoi on aurait plus facilement imaginé un énorme rocher tombé au fond de l'océan, trop pesant pour que mille personnes puissent le déplacer, remontant de lui-même à la surface de l'eau, ou la pluie tombant du ciel sans jamais toucher terre, que Nichiren ayant un jour la possibilité de revoir Kamakura.Pourtant, j'ai conservé courage en pensant : "Si l'enseignement du Sûtra du Lotus est véridique et si le soleil et la lune ne m'abandonnent pas, je retournerai à Kamakura et je me rendrai sur la tombe de mon père et de ma mère." Montant au sommet d'une colline, j'ai crié d'une voix sonore : "Qu'est-il advenu de vous, Bonten, Taïshaku, soleil, lune, et de vous, les quatre rois du ciel ? Tenshô Daïjin et Hachiman, avez-vous quitté le pays ? Voulez-vous donc trahir l'engagement que vous avez pris devant le Bouddha et abandonner le Pratiquant du Sûtra du Lotus ? Même si vous ne tenez pas votre promesse, sachez bien que quoi qu'il m'arrive, je n'aurai aucun regret. Mais vous avez prêté serment devant Shakyamuni, Tahô (Maint-Trésor) et les bouddhas des Dix Directions. Si vous ne me protégez pas, si vous abandonnez Nichiren, ne faites-vous pas du Sûtra du Lotus, dans lequel est dit qu'il faut "sincèrement rejeter les enseignements préparatoires" (Sûtra du Lotus chap 2), un épouvantable mensonge ? Vous aurez trompé tous les bouddhas des Dix Directions et des Trois Phases de la vie, commis un crime encore plus grave que les mensonges ehontés de Devadatta et plus condamnable que les fourberies de Kokalika. Certes, vous êtes le Grand Bonten, qui vit au sommet du monde de la forme, ou le Taïshaku appelé "Dieu aux mille regards" résidant au sommet du mont Sumeru. Mais si vous abandonnez Nichiren, vous deviendrez des bûches qui s'en iront nourrir les flammes de l'enfer Avichi, et vous resterez à jamais prisonniers de la grande citadelle des souffrances incessantes. Si vous redoutez de commettre un tel crime, hâtez-vous de manifester par un signe votre présence dans le pays indiquant que mes enseignements sont corrects afin qu'il me soit permis de retourner dans ma région natale !"Puis, au cours du onzième mois (de la même année), peu après mon arrestation, le douzième jours du neuvième mois, une rébellion éclata et le onzième jours du deuxième mois de l'année suivante, plusieurs généraux, puissants protecteurs du Japon, furent exécutés sans raison apparente. Il devint évident que c'était une punition du ciel. Probablement ébranlées par cet incident, les autorités shogunales ont libéré mes disciples emprisonnés.Pourtant je n'étais pas encore moi-même grâcié. J'ai donc continué à adresser au ciel des prières de plus en plus véhémentes. Puis, un jour, j'ai vu voler un corbeau à tête blanche. Le prince Tan, du pays de Yen avait été libéré après avoir vu une licorne et un corbeau à tête blanche. Je me suis souvenu du poème écrit par le moine Nichizô : "Même la tête du corbeau des montagnes / Est devenue blanche. / Le moment de rentrer chez moi / Doit être venu." J'étais donc convaincu que désormais je n'aurais plus à attendre ma libération très longtemps. En effet, une lettre de pardon, datée du quatorzième jour du deuxième mois de la onzième année de Bun'ei (14 février 1274), m'est parvenue le huitième jour du troisième mois sur l'île de Sado.Je quittai mon lieu de résidence (sur l'île de Sado) le 13 du même mois, et fis escale au port de Maura, le 14 ; le 15, j'aurais dû être à Teradomari, dans la province d'Echigo, mais un grand vent empêcha mon navire d'arriver au port. Mais heureusement, après deux jours en mer, nous sommes arrivés à Kashiwasaki. Le lendemain, je me trouvais au siège provincial d'Echigo. Ainsi au terme d'un voyage de douze jours, le vingt-sixième jour du troisième mois, je suis arrivé à Kamakura. Le huitième jour du quatrième mois de la même année, j'eu un entretien avec Hei no Saemon. Dans le seul but de sauver le Japon de la destruction, j'ai fait des remontrances aux autorités à trois reprises. Mais elles n'en n'ont tenu aucun compte. En me pliant à la tradition qui veut que celui dont les avis ont été par trois fois ignorés se retire dans la montagne, J'ai quitté Kamakura le douzième jour du cinquième mois de la même année (12 mai 1274).J'avais pensé alors à retourner dans mon pays natal pour me rendre de nouveau sur la tombe de mon père et de ma mère. Mais les enseignements, bouddhiques aussi bie que non bouddhiques, disent que, si l'on veut retourner dans son pays natal, ce doit être en costume d'apparat. Rentrer au pays natal sans avoir rien réalisé dont on puisse être fier, n'est-ce pas manquer à son devoir de piété filiale ? Et puisque j'avais surmonté un obstacle qui semblait infranchissable en ayant pu rentrer à Kamakura, j'ai pensé que, peut-être, un jour j'aurais l'occasion de rentrer chez moi de manière triomphale, et que j'attendrais cette occasion pour me rendre sur la tombe de mes parents. Parce que c'était là ma décision profonde, je ne suis toujours pas retourné dans mon pays natal. Mais j'ai tellement le mal du pays que si l'on me dit que le vent qui souffle vient de l'est, je me précipite hors de chez moi pour le palper. Si l'on me dit que les nuages dans le ciel s'en vont vers l'est, je sors dans le jardin pour les regarder passer. C'est un sentiment si fort qu'il m'amène à regretter même des personnes qui ne m'ont témoigné aucune sympathie particulière, simplement parce que nous sommes originaires de la même province. Imaginez alors mon émotion et ma joie en recevant votre lettre ! Je l'ai ouverte en toute hâte et j'ai lu : "Mon fils Yashiro nous a quitté, il y a deux ans, le huitième jours du sixième mois..." J'étais au comble de la joie avant d'ouvrir cette lettre, mais, après avoir lu ces mots, j'ai regretté de l'avoir ouverte avec tant de précipitation. J'ai compris quel regret dut éprouver Urashima no Ko en ouvrant son coffre. Je ne suis jamais indifférent au sort des personnes originaires de ma région et je me préoccupe toujours de ce qui leur advient, même si elles m'ont causé des tourments ou traité avec froideur. Mais votre fils Yashiro, par son allure, se distinguait des autres et j'avais été tout particulièrement frappé par son attitude où on ne décelait aucune forme d'entêtement. Il faisait parti d'un groupe auquel j'enseignais le Sûtra du Lotus (quand je l'ai vu pour la première fois). De nombreux inconnus étaient présents et je ne lui ai pas parlé. L'exposé fini, tous mes auditeurs sont partis et votre fils a quitté les lieux avec eux. Mais, un peu plus tard, il m'a envoyé un messager chargé de me dire en son nom : "Je suis originaire d'Amatsu, dans la province d'Awa. Depuis l'enfance, j'ai le plus grand respect pour votre dévouement. Ma mère aussi a pour vous la plus grande estime. Pardonnez la liberté que je prends en m'adressant à vous aussi familièrement, mais j'aimerais vous demander conseil en privé. Je sais que je devrais attendre que nous nous soyons vus plusieurs fois, et que nous nous connaissions mieux. Mais, comme je suis au service d'un samouraï, mon temps est limité, et il m'arrive quelque chose d'important. C'est pourquoi, tout en étant pleinement conscient de mon impolitesse, j'aimerais que vous acceptiez de me rencontrer."(C'est de cette manière courtoise qu'il a sollicité mon avis.) Et comme c'était un garçon de mon pays, je l'ai invité chez moi en lui disant qu'il était nul besoin de tant de cérémonies. Il m'a parlé longuement de ce qui s'était passé jusqu'au moment de notre rencontre, du passé et de l'avenir. Puis il m'a dit : "Rien n'est permanent en ce monde. Personne ne peut connaître le moment de sa mort. De plus, je mène la vie d'un samouraï et je dois relever un défi de me battre qui m'a été récemment lancé. Mais je redoute ce qui se passera après ma mort. Je vous supplie de m'aider."Je lui ai exposé des passages de sûtra. Alors, Yashiro m'a dit avec tristesse : "(Je ne peux rien faire pour) mon père (qui) est déjà décédé. Mais je pense que précéder dans la mort ma mère qui est veuve serait un grave manque à la piété filiale. Si quelque chose m'arrivait, demandez à l'un de vos disciples de se rendre auprès d'elle pour la réconforter." C'est ainsi qu'il m'a présenté cette requête avec politesse. Ai-je raison de supposer qu'à ce moment là rien de malencontreux ne s'est passé mais que par la suite un évènement lui a coûté la vie ?Aucun être né sous forme humaine, qu'il soit de condition sociale basse ou élevée, ne peut échapper à la tristesse et au malheur. Mais les troubles varient avec le temps et diffèrent selon les personnes. Quelle que soit la maladie dont on souffre, au fur et à mesure qu'elle s'aggrave, on pense qu'aucune maladie ne peut être pire que la sienne. On peut connaître la souffrance des séparations : souffrir d'être séparé de son maître, de ses parents, de son mari, de sa femme, et il est impossible de dire que l'une de ces formes de séparation est moins douloureuse que les autres. On peut trouver un nouveau maître, ou se consoler d'une rupture en se remariant. Mais la douleur pour des parents d'avoir perdu un enfant semble s'aggraver avec le temps. Même s'il est toujours douloureux pour des enfants de perdre leurs parents, que les parents meurent et que les enfants continuent à vivre, telle est la loi de la nature. Mais quelle tristesse lorsqu'une mère âgée est précédée dans la mort par son enfant ! Il y a de quoi reprocher leur injustice aux divinités et aux bouddhas. Pourquoi la mort ne vous a-t-elle pas pris à la place de votre enfant ? Pourquoi avez-vous dû lui survivre si c'est pour endurer une telle souffrance ? C'est véritablement insupportable.Même les animaux dont l'intelligence est limitée ne supportent pas d'être séparés de leurs petit. La faisane dorée du bois des bambous se jeta dans les flammes et mourut pour protéger ses oeufs. Le cerf du parc aux gazelles s'offrit lui-même au roi pour protéger les faons qu'une biche portait encore dans son ventre. Combien plus fort encore l'amour pour leurs enfants doit-il être chez les êtres humains dotés d'une conscience ! Ainsi, la mère de Wang Ling s'est brisée le crâne pour éviter le désonheur à son fils. L'épouse de l'empereur Chen Yao s'est ouvert le ventre pour le bien d'un prince qui n'était pas encore né. En pensant à tout cela, j'imagine que vous n'hésiteriez pas à plonger dans les flammes ou à vous briser le crâne si cela vous permettait de revoir le visage de votre enfant. En imaginant votre douleur, je ne peux retenir mes larmes.Dans votre lettre, vous dites : "Parce que mon fils a tué d'autres êtres humains, j'aimerais que vous me disiez en quel sorte de lieu il renaîtra dans sa vie prochaine." Une aiguille, posée sur l'eau, coule au fond ; et la pluie ne peut pas rester suspendue au ciel. Ceux qui tuent même une fourmi tomberont en enfer, et même ceux qui ne font que découper des corps morts ne peuvent éviter de tomber dans les mauvaises voies. Comment les conséquences d'avoir tué un être humain pourraient-elles ne pas être encore plus graves ? Pourtant, même un énorme rocher, si on le place sur un bateau, peut flotter sur la mer ; et l'eau ne peut-elle pas éteindre même un grand incendie ? Une faute, même légère, entraînera dans les mauvaises voies ceux qui ne s'en repentent pas. Mais, même un crime grave, si l'on s'en repent avec sincérité, peut être expié.(Les exemples abondent). Un moine qui avait volé du millet renaquit sous forme de boeuf pendant cinq cents vies consécutives. Une personne, pour avoir volé de l'avoine, est tombée dans les Trois Mauvaises Voies. Plus de quatre-vingt mille rois, y compris Rama, Batsudai, Birushin, Nagosa, Katei, Bishakya, Gakkô, Kômyô, Nikkô, Ai et Jitanin, accédèrent tous au trône en assassinant leur père. Parce qu'ils ne parvinrent pas à rencontrer de bon amis bouddhiques, ils ne purent pas expier leurs crimes et tombèrent dans l'enfer des souffrances sans intermittence. Dans la cité de Bénarès, vécut un homme extrêmement mauvais du nom d'Ajita. Il était tombé amoureux de sa propre mère et, pour faire d'elle sa femme, il avait tué son père. Quand un arhat, qui avait été le maître de son père, lui fit des remontrances, il tua cet arhat, et quand sa mère voulut prendre un aute homme pour mari, il tua cet homme et sa mère aussi. Ainsi, il avait commis trois des Cinq Fautes capitales. Honni par tous ceux qui l'entouraient, il n'avait plus nulle part où aller. Il se rendit donc au monastère de Jetavana et demanda à être admis dans l'Ordre, mais les moines ne voulurent pas de lui. Le mal, dans son coeur, devint encore plus envahissant, et il mit le feu à de nombreux monastères. Mais, pour finir, il rencontra le bouddha Shakyamuni qui l'autorisa à devenir moine.Il y avait dans le nord de l'Inde une citée appelée Saiseki, gouvernée par un roi du nom de Ryûin. Ryûin tua son père, mais plus tard, horrifié par son acte, il quitta son pays pour se rendre auprès du Bouddha. Il exprima son repentir devant lui et le Bouddha lui accorda son pardon.Le roi Ajatashatru était depuis sa naissance dominé par les Trois Poisons (Avidité, Colère, Ignorance) et commettaient sans cesse l'une ou l'autre des Dix Mauvaises Actions. De plus, il tua son père, tenta d'ôter aussi la vie à sa mère, et, prenant Devadatta pour maître, tua de nombreux disciples du Bouddha. Parce qu'il avait accumulé de mauvaises actions, un quinzième jour du deuxième mois, le même jour que celui de la disparition du Bouddha, des boutons purulents apparurent sur sept parties de de son auguste personne, présageant qu'il tomberait dans l'enfer des souffrances incessantes. Le roi connut des souffrances épouvantables. Il éprouvait la même douleur que s'il avait été précipité dans un grand feu ou plongé dans de l'eau bouillante. Ses six ministres proposèrent de faire appel aux six maîtres non bouddhistes pour le guérir de ses pustules. C'est tout à fait comparable aux habitants du Japon, de nos jours, qui considèrent les maîtres Zen et Ritsu, les moines du Nembutsu et du Shingon comme de bons amis bouddhiques et leur demandent de prier pour vaincre l'empire mongol et pour leur bonheur dans la vie prochaine. De plus, le premier maître du roi Ajatashatru, Devadatta, avait mémorisé les soixante mille enseignements non bouddhiques et les quatre-vingt mille enseignements bouddhiques. Sa compréhension du monde profane et du bouddhisme était aussi brillante que le soleil et la lune, aussi limpide qu'un miroir. Il était comparables aux savants de l'école Tendaï de nos jours qui connaissent par coeur tous les enseignements exotériques et ésotériques, et tous les sûtras. Parce que Ajatashatru était conseillé par de tels maîtres non bouddhistes et par ces ministres, il rejeta le bouddhisme. Et pour cette raison, dans le royaume de Magadha, des phénomènes étranges apparurent dans le ciel et des calamités sévirent sur la terre, typhons, sécheresse, famines et épidémies se succédant sans cesse. De plus, ce royaume fut attaqué par un pays étranger. Et à tout cela vint s'ajouter cette maladie qui couvrait le corps du roi de boutons purulents. Alors que son royaume semblait bien près de disparaître, le roi décida soudain de se rendre auprès du Bouddha, se repentit (de ses mauvaises actions) et il effaça ainsi les conséquences de ses crimes.Quoiqu'il en soit, même si ses parents commettent le mal, lorsqu'une personne commet le bien, on pardonne leurs fautes à ses parents. Même si les enfants commettent le mal, lorsque leurs parents commettent le bien, on pardonne leurs fautes aux enfants. Par conséquent, même si votre fils défunt Yashirô commit de mauvaises actions, si vous, sa mère, vous en désolez pour lui et offrez jour et nuit des prières pour son repos au bouddha Shakyamuni, comment pourrait-il ne pas être sauvé ? Et puisqu'il avait foi dans le Sûtra du Lotus, ce sera plutôt lui qui servira de guide à ses parents.Ceux qui croient au Sûtra du Lotus devraient se méfier des ennemis du Sûtra du Lotus et se protéger d'eux. Sachez bien que les adeptes du Nembutsu, ceux qui observent les préceptes, et les maîtres du Shingon, en fait tous ceux qui refusent de réciter Nam Myôhô Rengué Kyô, doivent être considérés comme des ennemis du Sûtra du Lotus, si attentivement qu'ils lisent le Sûtra. Lorsque l'on ne connaît pas son ennemi, on se laisse tromper par lui. J'aimerais parler de tout cela en détail avec vous de vive voix. Chaque fois que vous verrez Sammi-bô ou Sado-kô, demandez-leur de vous lire cette lettre. Confiez la à Myôe-bô. Ceux qui manquent de sagesse se moqueront sans doute de moi et critiqueront cette lettre en n'y voyant qu'une habile arguentation, ou ils me compareront à d'autres en disant : "Ce moine ne peut pas être l'égal du grand maître Kôbô ou supérieur au Grand Maître Jikaku !" Considérez ceux qui tiennent de tels propos comme des personnes qui ne comprennent pas le bouddhisme.
Nichiren,
Ecrit le troisième mois de la deuxième année de Kenji (1276), signe cyclique "hinoe-ne", dans les montagnes du domaine d'Hakiri dans la partie sud de la province de Kai.
Dix Actions Mauvaises : mauvaises actions énumérées dans le Kusha Ron. Ce sont les trois mauvaises actions physiques de tuer, voler et avoir des relations sexuelles illégitimes ; les quatre actions verbales de mentir, flatter (ou tenir des propos irresponsables) calomnier et tromper ; et les trois mauvaises actions mentales que sont l'avidité, la colère et l'ignorance.