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Grèce : le défaut de paiement se rapproche

Publié le 02 novembre 2011 par Lecriducontribuable
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Avec une dette publique de 350 milliards d’euros, soit 165 % de son PIB, la Grèce n’est pas capable de rembourser ses créanciers. Elle doit 200 milliards à des banques et assurances privées et 150 milliards aux autres gouvernements européens, au FMI et à la Banque centrale européenne.

D’autres pays plus endettés comme le Japon sont toujours solvables parce que leurs impôts rentrent normalement et que l’épargne nationale finance largement leur dette publique. Ces conditions ne sont pas remplies en Grèce.

Devant l’insolvabilité de la Grèce, deux solutions étaient possibles :

1) Le défaut de paiement

C’est-à-dire une déclaration du gouvernement grec annonçant qu’il ne pourrait honorer ses dettes et qu’il demande l’ouverture de négociations avec ses créanciers pour fixer  un pourcentage de remboursement des dettes.

Après son défaut de paiement de 2001, l’Argentine a accepté de rembourser ses créanciers à 35 % du montant de leur créance. Un accord semblable pour la Grèce ramènerait ses dettes publiques à 58 % de son PIB, un niveau « soutenable », inférieur aux 85 % de la France.

Pour que les entreprises grecques redeviennent compétitives, ce défaut de paiement devrait être accompagné d’une sortie de l’euro et d’une dévaluation de la drachme. Limitant les importations grecques et rendant le tourisme plus attractif, cette dévaluation permettrait à la Grèce de retrouver la croissance, comme l’a fait l’Argentine.

Afin d’éviter que les pertes des créanciers privés, principalement les banques, n’entraînent des perturbations trop grandes dans les autres pays de la zone euro, en particulier l’Espagne et l’Italie, ces autres pays devraient réduire leurs déficits et bénéficier d’une éventuelle et temporaire aide extérieure rassurant leurs créanciers sur le risque de leur défaut de paiement. Leurs banques devraient augmenter leurs fonds propres pour compenser les pertes dues au défaut de paiement grec. Cette solution était préconisée par l’Allemagne.

2) Le maintien de la Grèce dans la zone euro et le maintien de la fiction de sa solvabilité.

Pour cela des prêts publics supplémentaires devaient lui être accordés pour financer ses échéances et déficits publics à venir. Cette solution était celle de la France, du FMI et de la Banque centrale européenne.

Elle présentait pour eux un avantage important : elle leur évitait, au moins pour quelque temps, d’enregistrer les pertes sur leurs créances sur la Grèce. Ainsi la France pouvait-elle espérer maintenir la notation AAA de sa dette.

Pour rendre cette solution plus crédible en réduisant la dette publique de la Grèce, les dirigeants politiques européens ont fait pression sur les créanciers privés pour qu’ils consentent une réduction « volontaire » de 50 % de leurs créances. Cette réduction n’était évidemment pas volontaire. Mais les moyens de pression des gouvernements sur leurs banquiers sont suffisants pour obtenir cette apparence de sacrifice « volontaire ».

Les Allemands ont accepté cette solution de « défaut sélectif » car leurs banques ont  peu prêté à la Grèce. Elles n’ont besoin pour compenser leurs pertes que d’une faible recapitalisation (5,2 milliards d’euros), moins que les françaises (8,8) et surtout les espagnoles (26) et les italiennes (14,7).

Pour fournir des crédits supplémentaires à la Grèce et aux autres pays risquant de ne plus pouvoir emprunter pour financer leurs dettes, le Fonds européen de stabilité financière (FESF), qui dispose actuellement de 250 milliards d’euros de possibilités d’emprunts avec la garantie des Etats européens, devait voir ses capacités de prêts augmentées. Mais les Allemands, qui garantissent 27 % de ses emprunts, ne voulaient pas augmenter leurs engagements. Comme l’a dit Axel Weber, président de la Bundesbank (banque centrale allemande) l’Allemagne n’a pas à « aider un autre pays pour qu’il puisse s’épargner les douloureux efforts d’adaptation qu’on a soi-même endurés ».

La Banque centrale européenne et les Allemands ne voulaient pas non plus, comme le demandait la France, que le FESF soit transformé en banque et puisse ainsi se refinancer sans limite auprès de la Banque centrale européenne. C’était ouvrir la porte à des financements par la planche à billets européenne, c’est-à-dire l’inflation, et violer une fois de plus le traité de Maastricht.

On a donc imaginé que le FESF garantirait des emprunts souscrits par les autres pays européens auprès de prêteurs privés. On suppose ainsi que cet « effet de levier » multipliera ses possibilités d’emprunt.

Le communiqué final de la réunion des 26 et 27 octobre était prudent à cet égard : « L’effet de levier variera, mais pourrait atteindre quatre à cinq ». C’est-à-dire que les prêts consentis à des Etats grâce à la garantie du FESF pourraient être de quatre à cinq fois supérieurs aux 250 milliards qu’il peut actuellement prêter.

En réalité personne n’en sait rien, mais pour noyer encore plus le poisson, on avait prévu que des sociétés créées spécialement, toujours garanties par le FESF, emprunteraient à la Chine, au Brésil ou à d’autres pour prêter à des Etats européens en difficulté.

Par ailleurs il était demandé aux créanciers privés voyant fondre de 50 % leurs créances sur la Grèce de compenser cette perte en faisant appel à leurs actionnaires. On demandait en outre à ces actionnaires de renoncer à toute rémunération tant que les banques n’auraient pas un capital au moins égal à 9 % de leurs engagements. Il était probable que les banques auraient du mal, dans ces conditions, à trouver de nouveaux actionnaires et préféreraient réduire leurs engagements. La croissance de l’économie européenne en aurait été affectée.

Cette solution bricolée de la crise grecque s’apparentait au « soutien abusif » au nom duquel  la justice condamne des banquiers coupables d’un soutien exagéré à une entreprise en difficulté.

Cette solution – favorable aux intérêts des créanciers publics de la Grèce, dont la France-  a été adoptée le 27 octobre par les dirigeants européens. Elle est fortement compromise par la décision du Premier ministre grec de faire appel à un référendum. Il est vraisemblable en effet que les Grecs refuseront les sacrifices et la tutelle exigés par leurs prêteurs publics étrangers et n’approuveront pas l’accord européen.

L’Europe ne peut évidemment pas accorder des prêts supplémentaires à la Grèce tant que les résultats du référendum ne sont pas connus. En l’absence de ces prêts, la Grèce sera obligée de déclarer rapidement son défaut de paiement.

C’est donc finalement la solution n° 1 qui a le plus de chances d’être mise en place.

Alain Mathieu, président de Contribuables Associés.

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