Je poursuis assidûment depuis une dizaine de jours la lecture d'un ouvrage passionnant : e-reputation d'Edouard Fillias et Alexandre Villeneuve. Un excellent manuel de gestion de son identité numérique et de sa réputation sur Internet.
L'ouvrage a une orientation clairement commerciale et entrepreneuriale en s'adressant prioritairement aux sociétés, même si, bien sûr, il existe de multiples applications politiques des conseils qui y sont prodigués.
Les auteurs consacrent la moitié du chapitre 4 aux situations de crise. Qu'est-ce qu'une situation de crise pour une marque ? Une inflation de contenus critiques sur un produit ou sur la société qui le commercialise. Billets, commentaires sur les forums spécialisés, sur facebook, sur twitter, sur les blogues sont autant d'avatars de cette inflation. Les auteurs établissent une typologie précise des différentes sortes de crises et de leur origine, puis proposent d'y répondre de manière adaptée.
Il y a quelques principes de base à respecter en situation de crise, et Edouard Fillias et Alexandre Villeneuve en dressent les contours :
empathie, réaction puis explication, voilà la Sainte-Trinité de la stratégie de crise. Triangle d'or que Cora a clairement ignoré.
Sur le fond de l'affaire, il y a déjà une erreur de ressources humaines : licencier une employée sous-payée pour un ticket trouvé, c'est une faute de management assez grave. Cora aurait pu réagir intelligemment si ses dirigeants avaient pris le temps d'écouter et d'analyser les avis qui s'exprimaient sur la Toile. En fait, Cora ne dispose pas de département qui s'occupe de son identité numérique, cela me paraît clair. Il y a des petites start-up qui sont de bon conseil dans ce domaine, Image & stratégie, dans laquelle oeuvre Edouard Fillias en est une. A défaut, se reporter au moins à son livre.
Cora mérite de figurer dans un addendum à l'ouvrage parce que sa réaction illustre à merveille tout ce que l'auteur déconseille de faire...
Au lieu de prendre acte de son erreur et de communiquer sur l'erreur de management de manière habile en tentant de démontrer qu'il s'agit d'un épiphénomène malheureux et regrettable, Cora a tenté une vulgaire opération de propagande. Conséquence, elle a généré un second buzz négatif sur son compte et elle s'est enfoncée encore davantage.
Comme l'observe Edouard Fillias, l'inconvénient d'Internet, pour une marque sujette à des buzz négatifs, c'est qu'on y conserve et archive tout. De ce fait, une polémique devient très facilement une marque au fer rouge dont la cicatrice se rouvre à intervalles réguliers.
L'identité numérique s'étale dans la longueur du temps et de la Toile, au contraire de l'identité réelle dans les médias traditionnels. Quand le mal est fait, il peut être corrigé, mais il est irrémédiable.
Gérer une e-réputation, c'est tout un métier...
Je me faisais d'ailleurs une remarque, en passant : certaines sociétés s'occupent de gérer l'e-reputation d'une marque, c'est à dire, finalement, assurent une sorte de veille préventive et défensive, tandis que d'autres, au contraire, sont profondément engagées dans la manipulation habile de l'opinion à coups de rumeurs propagées et de lobbying. En apparence, les deux métiers se recoupent, mais dans la pratique, ce sont deux activités assez différentes. Image et Stratégie appartient à la première catégorie, Edelman à la seconde.