« Leur vie est en danger »

Le Fata Research Center, un centre recherche basé à Islamabad, a diffusé deux vidéos de Daniela Widmer et David Och, les touristes bernois enlevés en juillet au Baloutchistan. Interview de Mansur Khan Mahsud, chercheur de l’institut qui travaille sur cette affaire.

Paru dans la Tribune de Genève et 24 heures le 1er novembre

Avez-vous des nouvelles des otages ?

Mansur Khan Mahsud : D’après notre correspondant au Waziristan, la région où ils sont détenus, ils vont bien. Nos informations datent d’il y a moins d’une semaine. Ils les déplacent d’un lieu à l’autre pour ne pas être localisés. Ils sont bien nourris, ils sont ensemble et les talibans leur autorisent une promenade hors de leur cellule de temps à autres. Je les crois. David Och et Daniela Widmer ne sont pas mariés. C’est contraire à la loi islamique de laisser un couple non-marié vivre ensemble. Pourtant ils ne les séparent pas.

Comment avez-vous obtenu les vidéos ?

Notre source est en relation avec les talibans. Il y a quelques semaines, les ravisseurs l’ont contacté. Ils cherchaient à vendre les vidéos 120 000 dollars. Peu à peu, ils ont baissé le prix parce que personne ne voulait les acheter. Finalement, notre correspondant les a eues gratuitement sur une clé USB.

Comment David Och et Daniela Widmer ont été enlevés ?

Les talibans affirment n’avoir rien prémédité. Cinq d’entre eux les ont aperçus dans le district de Loralai alors qu’ils roulaient à bord de leur camping-car. Les talibans ont vu leur véhicule immatriculé en Suisse et ont compris qu’ils étaient étrangers. Ils les ont suivis. Quand David Och et Daniela Widmer se sont arrêtés pour faire une pause, ils les ont kidnappés.

Pourquoi les talibans ont-ils réalisé deux vidéos avec deux revendications différentes ?

Dans la première vidéo, tournée peu après le 13 août, David Och demande la libération d’Afia Siddiqi, une Pakistanaise condamnée à la prison à vie aux États-Unis pour terrorisme. Puis dans le second film, il demande la libération de talibans. Pour moi, Afia Siddiqi n’est pas importante. Les ravisseurs savent que l’opinion publique est sensible à cette affaire. Ils veulent gagner la sympathie de la population. L’essentiel est ailleurs. Des rumeurs circulent au Waziristan : les talibans demanderaient 3 millions de dollars et la libération de 100 combattants par l’armée. Ils n’ont pas confirmé ces revendications.

Ces exigences sont crédibles ?

Oui. Les offensives de l’armée pakistanaise ont beaucoup éprouvé les talibans. Ils ont besoin d’argent pour se procurer des munitions, des armes… Ensuite, ils ont perdu beaucoup d’hommes. Obtenir la libération de 100 des leurs, c’est récupérer des combattants expérimentés. A mon avis, les deux demandes sont aussi importantes l’une et l’autre pour Wali Ur Rehman, le chef qui les détient.

Qui est Wali Ur Rehman ?

C’est un important chef du mouvement des talibans pakistanais. Il a la réputation d’être un homme posé et réfléchi. Il n’est pas impulsif. Néanmoins, il ne décide pas seul. C’est une shura, une assemblée de douze commandants talibans du Waziristan, qui tranchera. Wali Ur Rehman en fait partie.

Le gouvernement pakistanais va t-il libérer les prisonniers ?

L’armée pakistanaise a capturé ces hommes après de dures combats. Elle n’acceptera pas de les relâcher parce qu’elle sait qu’ils reprendront les armes aussitôt libres. Ensuite, céder à cette exigence, c’est encourager les talibans à enlever d’autres étrangers.

La vie des otages est en danger ?

Si la Suisse et le Pakistan refusent de céder et si aucun accord n’est trouvée, je pense que oui.

Qui négocie avec les ravisseurs ?

Les autorités suisses sont en contact avec eux par l’intermédiaire des services de renseignement militaires pakistanais. Les talibans nous l’ont confirmé.

Sur la seconde vidéo, David Och parle en suisse-allemand. Qu’en déduisez-vous ?

Parmi les ravisseurs, il y en a un qui comprend l’allemand et qui peut contrôler ce qu’il dit. Nos informations indiquent qu’il y a deux Allemands qui combattent avec les talibans au Waziristan. L’un d’eux aide sans doute les ravisseurs.

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