Difficile de coller une étiquette au Georges Clooney réalisateur qui enchaîne des films éclectiques, classiques dans la forme, piquants si l’on daigne s’y attarder. Ce classicisme, marque de fabrique d’un cinéaste dont personne aujourd’hui n’ignore l’engagement politique (côté démocrate), est présent à chaque image des Marches du pouvoir, son quatrième film (après Confessions d’un homme dangereux, Good night and good luck et Jeux de dupes), adapté d’une pièce de théâtre de Beau Willimon. Il y suit un jeune conseiller de campagne naïf mais ambitieux (Ryan Gosling, impeccable) pris dans des rouages qui le dépassent, entre un gouverneur démocrate pas si clean que ça (Clooney lui-même) et deux directeurs de campagne cyniques et prêts à tout (duel au sommet entre Philip Seymour Hoffman et Paul Giamatti) pour remporter les primaires américaines, prémisses aux futures élections présidentielles. La machine politique est en marche : écrasante, machiavélique, cruelle.
Clooney réalise un film politique ? Pas surprenant, dira-t-on. Sauf que le Monsieur fait preuve d’une vraie élégance (façon seventies) dans le traitement, et d’un point de vue ironique (et réjouissant) sur ses protagonistes. Et cela change tout. Car Clooney, pourtant pro démocrate jusqu’à l’os, ose taper sur son camp, dévoilant des hommes sans pitié, des figures froides tout aussi manipulées que manipulatrices, carnassières, calculatrices. Au-delà de la peinture sombre d’un monde de politiciens corrompus, il dégaine un constat de vie assez amer : pour accéder à la plus haute marche, il est nécessaire d’écraser ses concurrents, et de poser un mouchoir sur toute forme d’intégrité. Pas de place pour la naïveté si l’on veut le pouvoir, susurre son long-métrage. C’est d’ailleurs ce que montre tout du long le personnage sacrifié d’Evan Rachel Wood, jeune blonde virginale, symbole de la belle (et apparente) Amérique. Au final, en s’incrustant discrètement (et avec pertinence) dans un contexte politique contemporain qui présente pas mal de similitudes avec le fond de l’intrigue (l’affaire DSK en tête), Clooney réussit haut la main son thriller, offrant dans ce ballet de marionnettes, matière à penser. Sans lourdeur et droit au but.