Les querelles internes au Front de gauche sont montées d’un cran. La liste de 88 élus appelant Serge De Carli à se présenter aux législatives a fait l’effet d’une bombe. Philippe Marx, candidat officiel, ne se laissera pas faire.
La liste des 88 (lire RL de dimanche) a provoqué une énorme agitation au sein du Front de Gauche local. 88 signatures ont été recueillies pour pousser Serge De Carli, maire et conseiller général de Mont-Saint-Martin, à se présenter aux législatives sur la 3e circonscription… alors que le candidat élu en juin dernier aux primaires Front de Gauche-PCF est Philippe Marx.
Autant dire que la guerre des clans est ouvertement déclarée depuis quelques jours et rien ne présage une accalmie. Lundi soir, Philippe Marx a rassemblé une partie de ses soutiens à la permanence communiste de Villerupt, son fief de campagne. Sans surprise, les déclarations cinglantes ont fusé dénonçant une stratégie de division de la part des élus signataires de l’appel. Morceaux choisis.
Le Front de gauche. « Etre candidat du Front de gauche et communiste demande à rester modeste et humble, a lancé Philippe Marx. Etre candidat du Front de gauche, c’est respecter le choix démocratique de tous les partenaires politiques qui forment le Front de gauche. Etre candidat du Front de gauche, ce n’est pas utiliser le sigle pour se faire élire, mais utiliser ce sigle pour démontrer notre réelle volonté à voir dans notre pays une politique de gauche plus
radicale s’installer. »
Le candidat, c’est Philippe Marx. « Depuis le début, on nous attaque, souligne Philippe Marx. Un conseiller général (Michel MARRUZZIO) qui fait un recours, Maryvonne Musset qui est juge et partie lance un recours au national… Et maintenant cette liste ! » Patrice Zolfo abonde dans le même sens en prenant pour témoin la décision du comité départemental : « Il a validé l’élection de Philippe Marx. Ce choix est remonté au national, le Parti de gauche 54 a également fait remonter ce choix, tout comme la Gauche unitaire. Le candidat a été désigné, c’est Philippe Marx, alors arrêtons les tergiversations, les palabres, les rumeurs et les ragots. »
Permanence de campagne. « On me reproche d’avoir choisi cette permanence PC pour y faire mon QG de campagne, relève Philippe Marx avec stupéfaction.
Mais moi, cette maison m’a tout appris. On me dit que ce n’est pas un lieu de rassemblement. Mais le rassemblement, c’est dans la rue qu’il devra se faire. Je rappelle juste à Alain Casoni (NDRL, maire de Villerupt) que cela ne le gênait pas de venir ici pour nous demander de distribuer ses tracts et coller ses affiches de campagne. »
Absence de suppléance. Philippe Marx l’avait annoncé avant le vote des militants à la primaire : il choisirait une femme suppléante pour respecter la parité. Mais à ce jour, aucune femme n’a été désignée : « Nous avons rencontré plusieurs femmes sur le coin de Briey, mais certaines ne pouvaient pas, à cause de leur vie de famille, et d’autres nous ont glissé des savonnettes, il faut le dire aussi. On ne va plus traîner pour trouver cette suppléante, si on n’y arrive pas, ce sera un homme, tant pis. »
Attaques. « Je le dis et je le répète, nous n’avons rien contre les élus, martèle Patrice Zolfo. Toutes les attaques verbales, frontales ne sont jamais venues de notre côté. Il suffit de reprendre tous les articles de presse. Les attaques sont venues du camp de la division. »
La Présidentielle en ligne de mire. « L’avenir des élections législatives et de la Présidentielle se joue maintenant, s’époumone Philippe Marx. Le plus important est de faire passer les idées du Front de gauche pour la Présidentielle d’abord. » Pour Patrice Zolfo, « les résultats de Mélenchon conditionneront les législatives. »
Une candidature de division. « Il ne faut pas le cacher, on sait que si un deuxième candidat se déclare, cela fera le jeu du député actuel (NDLR, Christian Eckert, PS). Il n’est pas notre adversaire principal, mais on peut dire qu’il est déjà sûr d’être réélu. La candidature de division de Serge De Carli sera défavorable au Front de gauche. »
Le truc en plus ? Patrice Zolfo met en avant le travail accompli par les militants depuis quelques semaines. « La campagne est lancée. Nous avons rencontré beaucoup de monde sur les marchés, le contact passe bien avec les gens. On sent que quelque chose se passe avec Philippe Marx, peut-être à cause du nom… »
Textes : Sandra Nonnenbruck.
Photos : Etienne Jaminet
«Opération de division »
Roger Corbellotti, maire de Longlaville, n’a pas mâché ses mots lorsqu’il a découvert l’appel des 88. « Je condamne cette opération de division.
Bien que ce soit Halloween, il ne faut pas avancer masqué et la Comedia dell’arte, ça suffit ! J’ai affirmé haut et fort que je soutiendrai le candidat élu. L’heure est au rassemblement et à l’action. Serge De Carli revendique sa candidature depuis un bout de temps, les choses étaient déjà préparées, tout le monde le sait […]
Qui peut définir qui a le droit d’être candidat ou de ne pas l’être ? Je n’ai jamais trahi qui que ce soit, et je ne vais pas faire le tour de mon conseil municipal pour savoir qui veut signer pour Serge De Carli, parce que je respecte la démocratie. »
«Du déni complet »
Adrien Zolfo, maire de Saulnes, a également réagi avec vigueur pendant la réunion, lundi soir. « Je ne suis pas communiste, je suis de gauche et je l’ai toujours été. Et je suis choqué de la tournure des événements. Les gens ont voté, il faut savoir respecter leur choix. Serge De Carli n’a pas été choisi, ce n’est pas de sa faute, il n’a peut-être pas bien présenté son projet… Mais quand on est battu, on l’accepte. C’est scandaleux de voir que des gens sont dans le déni complet. Rien que pour cela, j’appuierai la candidature de Philippe Marx. »
« Le trio infernal ! »
« Je suis directement concerné par cette élection interne, étant donné que je suis adhérent PC depuis quarante ans, a tempêté Denis Salvi, l’un des proches adjoints d’Alain Casoni, maire et conseiller général de Villerupt. Je suis atterré par les déclarations du trio infernal (NDLR, A. Casoni, L. Righi, M. Musset) !
Il fallait le faire. C’est déplorable de jouer dans cette petite cour, je me demande ce qui a motivé ces élus à aller jusque-là.
Au sein du conseil municipal de Villerupt, beaucoup se sont abstenus, d’autres ont signé cet appel en faveur de Serge De Carli, ils ne sont pas nombreux.
Et d’autres, comme moi, ont choisi de soutenir Philippe Marx. Les conseillers généraux n’ont fait que tirer les élus des conseils municipaux. »
Ils ont dit
• Christian Tabaglio, Adjoint au Maire de Joudreville, membre du comité national et départemental PCF, a dénoncé « un deal entre le secrétaire fédéral, Patrick Hatzig, et Serge De Carli. Il lui a dit : "Tu n’iras pas aux régionales, mais tu iras aux législatives ! »
• « Le Front de gauche est une étape historique, a affirmé Philippe Spillmann, syndicaliste. Cela a permis aux gens de se rassembler. Il n’y a aucune volonté de flinguer les élus, le Front de Gauche met en place des rapports directs avec les militants et certains ne l’ont pas compris. J’ai rencontré plein de gens qui mettent leurs espoirs dans le Front de gauche. Si Serge De Carli se présente, ce sera une candidature de division irresponsable. Comment on expliquera ces deux candidatures ? »
• « J’ai fait campagne pour Alain Casoni et je ne le regrette pas, assure Michel Vescovi, militant. Je ne comprends pas pourquoi les trois conseillers généraux s’acharnent. Si c’est notre local qui ne leur plaît pas, on peut se réunir ailleurs ! »
• « On veut faire de la politique autrement, mais ils ne veulent pas, s’est indigné Martine Etienne, du Parti de gauche. Les maires et les conseillers généraux peuvent briguer le poste de député, mais nous, les militants, on nous convoque seulement pour aller tracter. On n’est bons qu’à ça, parce qu’on n’est pas capables ! »