Les dessous de la dette souveraine française

Publié le 02 novembre 2011 par Sia Conseil

La dette souveraine française représentait 1.591,2 milliards d’euros à fin 2010, soit 82,3 % du Produit Intérieur Brut (PIB). Le déficit public a quant à lui atteint des records avec 148,7 milliards en 2010 soit 7,7 % du PIB. Pour rappel, les niveaux de déficit public annuel et de

dette autorisés par le Traité de Maastricht étaient respectivement 3% et 60% du PIB.

Pourtant, la France parvient encore à résister à la crise de la dette, puisque sa signature reste attractive pour bon nombre d’investisseurs. Alors que François Fillon, déjà Premier ministre en 2007, avait déclaré à l’époque être à la tête d’un « Etat qui est en situation de faillite », le taux d’intérêt servi aux investisseurs reste bien en dessous des pays européen périphériques.

Comment la France emprunte-elle ? Qui sont ces investisseurs qui font confiance à la France ? Cette tendance se poursuivra-t-elle avec la mise en place de Bâle III ? Voyage au pays de la dette…

Origine et mécanisme de mise en marché de la dette d’état

La France emprunte pour compenser le déficit de son budget d’état. Contrairement aux acteurs privés, les finances publiques peuvent présenter un déficit budgétaire (les dépenses sont supérieures aux recettes) qui augmente mécaniquement la dette de l’Etat.

C’est l’Agence France Trésor (AFT) qui a pour rôle d’émettre la dette négociable sous forme de titres standardisés : les valeurs du trésor[1] afin de financer en partie le déficit budgétaire annoncé. Elle assure également le règlement des intérêts des dettes émises ou le remboursement de celles arrivées à maturité. L’AFT s’appuie sur des intermédiaires : les Spécialistes en Valeurs du Trésor (SVT). Les SVT sont sélectionnées parmi les Banques de Financement et d’Investissement de la place de Paris qui répondent selon des critères définis aux missions confiées par l’agence. Les SVT participent notamment à l’animation du marché secondaire des titres émis mais également dès l’origine du processus d’adjudication.

L’AFT procède en général à une adjudication « à prix demandé » qui se traduit par la mise en place d’une enchère à prix multiples et scellés. Ainsi, elle annonce vouloir placer un certain montant de dette. En réponse, chaque SVT propose d’acheter un certain nombre d’obligations à un certain prix. L’agence sert en priorité les SVT qui offrent les prix les plus élevés ; ces derniers peuvent ensuite placer cette dette auprès de leurs clients.

Il est possible par la suite de revendre et de racheter la dette négociable sur le marché dit « marché secondaire ». En effet, les titres de dette souveraine peuvent se vendre et s’acheter comme des actions sur les marchés financiers. Selon l’AFT, des dizaines de milliards d’euros de titres de dette française s’achètent et se vendent tous les jours sur ce «marché secondaire».

L’AFT publie chaque année un programme de refinancement pour estimer les émissions de dette pour l’année à venir. Selon le programme de refinancement 2012, la France émettra 179 milliards d’euros de dette à moyen et long terme contre 184 milliards d’euros l’année dernière. Quant aux émissions nettes de dette moyen long terme, elles reviendront à 80 milliards, contre 89 milliards cette année. Ce programme s’appuie sur l’hypothèse forte d’un déficit budgétaire de 81,8 milliards en 2012, correspondant à une prévision de croissance de 1,75%.

Structure et analyse de la dette

Environ 30% de la dette est détenue par des prêteurs français. Parmi eux, les sociétés d’assurances détiennent 21% des titres à long terme et les banques 14%, tandis que les particuliers en possèdent 4% sous forme de fonds d’investissement de type OPCVM. Ainsi, la dette française était détenue fin 2010 à environ 70% par des étrangers, dont plus de 30% par des « non -résidents » hors zone euro. Une grande partie de la dette est financée par des capitaux extérieurs. Selon l’AFT ceci permet d’obtenir les taux d’intérêts les plus bas d’Europe. Mais cette dépendance est à double tranchant, car les investisseurs étrangers pourraient être les premiers à revendre leurs titres si la note de la France était amenée à baisser. C’est notamment dans ce cadre que le maintien de la note maximale (AAA) attribuée à la France par les agences de notation constitue un objectif stratégique.

Par ailleurs, le ratio entre la dette extérieure et le patrimoine net (12 115 milliards d’euros fin 2009) est de 2% ; cette analyse simple de type actif/passif (dette sur patrimoine) démontre en partie la qualité de la dette de la France qui se traduit par une note AAA. Le cas grec est différent ; en effet, Athènes a vu sa dette grimper à 120 % du PIB et son déficit budgétaire dépasser les 13 % du PIB en 2010. La crise financière de 2007-2009 et le manque de transparence de la Grèce sur l’état exact de son endettement, ont précipité le pays dans la première crise de dette souveraine de la zone euro. Le scénario suivant s’est alors déroulé : la notation du pays est abaissée par les agences, la panique s’installe, les marchés s’affolent, et il faut se résoudre à aller demander de l’aide au FMI et à l’Europe.

Pour éviter de reproduire un scénario analogue, l’Espagne et le Portugal ont envoyé des signaux forts vers le marché en lançant des politiques de rigueur. Mais la dette souveraine est-elle toujours un bon investissement ? Les banques – détenant pour rappel 14% de la dette – vont-elle continuer à financer la dette ? Quelles sont les mesures à venir concernant la dette souveraine?

Impacts de la crise de la dette souveraine sur les réglementations financières

La reforme Bâle III  met en avant deux aspects : le risque de liquidité et le rôle central des stress tests dans la mesure des risques au sens général. Le ratio de liquidité Bâle III (Liquidity Coverage Ratio, LCR) représente une partie des mesures concernant la gestion de la liquidité. Ce ratio représente le calcul des besoins de couverture de liquidité sur 30 jours sous conditions de stress aigu. De plus, il doit être couvert par une réserve d’actifs liquides. Si nous regardons de plus près le calibrage du ratio de liquidité LCR tel que proposé aujourd’hui, nous constatons qu’il impose aux banques de détenir une réserve de liquidité qui ne sera constituée, a priori, que de cash et de dettes souveraines bien notées. Ces dettes sont considérées comme les seuls actifs sans risque n’exigeant pas de fonds propres. Alors qu’au contraire, les évènements récents nous montrent qu’il faudrait au moins exclure les titres souverains des PIGS[2]. Il devient clair que le calibrage des ratios de liquidité doit être revu pour prendre en compte les aléas de la dette souveraine.

Avec une période d’observation des indicateurs BIII qui doivent être mis en place dès 2012, les acteurs bancaires se doivent d’anticiper au plus tôt les impacts de ces ratios pour rassurer les marchés. De fait, les banques sont amenées à renforcer au pire moment leur exposition sur la dette souveraine. En effet, tenues d’appliquer la réforme de Bâle III, les banques risquent de se tourner de plus en plus vers l’acquisition des titres souverains et de se trouver ainsi en difficulté si des crises semblables à celle de la Grèce se déclenchent dans d’autres pays. En théorie, la période d’observation des nouveaux ratios de liquidité doit permettre de déterminer si le calibrage actuel correspond à une réalité économique et de lisser les ajustements des banques pour se plier aux ratios mais dans les faits les marchés sont demandeurs d’un respect stricto sensu dans les meilleurs délais.

Sia Conseil


[1]Les valeurs du trésor sont de plusieurs types : OAT (Obligations Assimilables au Trésor), BTAN (Bons du Trésor à intérêts Annuels) et BTF (Bons du Trésor à taux Fixe et à intérêt précompté). Ils sont négociables sur le marché secondaire et représentent la Dette Publique Négociable.
[2]PIGS : acronyme utilisé pour désigner les pays dont les finances publiques connaissent de sérieuses difficultés. Il s’agit du Portugal, de l’Irlande, de la Grèce et de l’Espagne.


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