Il y a quelques jours, à l'Espace Ouest France de Rennes, c'était rencontre avec Frédéric Beigbeder, à l'initiative de la librairie Le Failler.
Frédéric Beigbder est : auteur, éditeur, critique littéraire, chroniqueur radio, TV, presse écrite, animateur TV, dandy, people, (ex ?) noceur, trublion et (ex ?) provocateur. Il laisse rarement indifférent, on aime ou on déteste. Moi, j'aime.
Cette rencontre fut sous le signe de la détente. C'est un auteur détendu, souriant, accessible, drôle, volubile qui est apparu. Ce fut vraiment un chouette moment dans la lus pure tradition Beigbedienne, ponctué par les rires d'un public en délire. La salle débordait !!! Je me suis régalée !
D'ailleurs, en s'asseyant tout en regardant la salle, s'est exclamé :
"c'est cool, ce serait tellement flippant si la salle était vide !"
Voici donc mon compte rendu de cette rencontre qui, sous le signe de la bonne humeur, était pour l'auteur l'occasion de présenter son nouveau livre : "Premier bilan après l'apocalypse", dans lequel il dresse la liste de SES cent romans incontournables !
FB : Cela fait 20 ans, même un peu plus malheureusement, que j'écris. Mon premier roman est paru en 1990. Ce ne nous rajeunit pas.
Le journaliste : Votre oeuvre est un cri d'amour pour une centaine de livres...
FB : Qui suis-je ? Je ne suis qu'amour, je suis Jésus, je suis là pour toi, mon corps livré pour toi, complètement mégalo !
En fait, pour moi, ce livre est une reconnaissance de dette envers les écrivains qui m'ont formé et sans qui je n'écrirais pas. Comme en critique avec le "Je", je m'engage personnellement. C'est donc un livre profondément narcissique, égoïste et intime. C'est ainsi que je l'ai voulu ! "
Le journaliste : Quel est l'origine de l'idée de cette bibliothèque idéale ?
FB : Il y a dix ans, suite à un sondage, est paru la liste des 50 livres du siècle. Dix ans plus tard, j'ai voulu faire ma propre liste, plus personnelle, avec des livres peut-être moins essentiels. Même si cette fameuse première liste des 50 était bonne, ce n'était pas la mienne.
Le journaliste : Vivons nous la mort du livre ?
FB : J'en ai bien l'impression. J'espère me tromper dans mes propos paranoïaques. Je suis un passéiste, j'aime les choses très démodées, je suis passé dans le camps des anciens combattants, même si j'ai été un progressiste !
Croire que la littérature peut être dématérialisée en passant au livre numérique, (téléchargeable.... copiable....), c'est lui faire du mal, c'est faire disparaître notre histoire, notre humanité. Aux USA, les livres numériques représentent déjà 25% du marché. On prend le chemin de la musique, de la disparition d'une industrie. Regardez la taille minuscule du rayon disques à la Fnac... Je ne suis pas un prophète, mais je ne veux pas voir disparaître les librairies, les bibliothèques, les éditeurs, même si ces derniers sont insupportables !!!
Un certain nombre des livres de ma liste n'est déjà plus disponible sur papier.
Le journaliste : Comment s'est fait le choix des 100 titres ?
FB : Ce fut un casse tête très douloureux pour choisir. Je suis du signe de la vierge, et les vierges font beaucoup de listes ! On m'a reproché d'avoir mis des copains dans ma liste. Mais ce sont des gens que j'ai rencontrer d'abord comme auteur avant de devenir pote avec eux.
Mais trop d'auteurs sont absents de ma liste. D'ailleurs, j'aimerais déjà la modifier et j'envisage de devenir le guide Michelin de la littérature ! Avec une édition chaque année sur la nourriture spirituelle !
Il est urgent de dire que la littérature est d'abord un plaisir. On peut lire un auteur parce qu'on le trouve beau ! Ça peut être plus excitant de lire un auteur beau que de compter les pieds et les allitérations dans un autre livre.
Il y a beaucoup d'auteurs vivants dans ma liste. Car il faut défendre ceux qui travaillent aujourd'hui et présentent une littérature qui est parfois insolente. Les auteurs vivants, on peut les rencontrer, les aimer, les interroger, les détester, coucher avec, ce qui est impossible avec Sagan ou Colette !
Le journaliste : Etes vous plus amoureux des auteurs que des livres ?
FB : Je ne dissocie pas le livre de l'auteur.
Le journaliste : Vous êtes attirés par des auteurs qui ont des failures fortes, plutôt trash ? Est-ce une fascination ?
FB : " Les gens heureux me font chier" (citation de... Je ne sais plus, ça c'est moi, géraldine qui le dit !). j'ai un goût pour les gens à problème, les drogués, les alcooliques, les malades mentaux... On écrit mieux quand on va mal.
J'ai commencé à lire des auteurs comme Bukowski pour des mauvaises raisons, par ce qu'il y a là dedans de la désobéissance..
Maintenant, on est pas obligé de lire mon livre en entier !
Le journaliste : Vous transmettez le goût que vous avez des livres ?
FB : J'essaie d'agir par contagion, alors je n'y vais pas par le dos de la cuillère.
Le journaliste : Plus le livre est connu, plus vous êtes sobre... Comme avec Hemingway par exemple...
FB : Sobre avec Hemingway, pas évident vu tout ce qu'il a bu !
Mais par exemple, la place de San Antonio n'est pas un hasard. Sa place logique était la 69 ème !
Avec l'humour, on désacralise et on peut partager un goût pour un écrivain sérieux. Si cette approche ludique peut nous guérir de notre timidité envers les grands chefs d'oeuvre, ce serait bien. Les classiques, les chefs d'oeuvre, il faut les traiter comme s'ils étaient sortis hier matin !
Le journaliste : L'auteur est il toujours aussi libre qu'avant ?
FB : J'ai toujours eu des problèmes quand j'ai publié des livres : censure, licenciement, problèmes avec des proches...
Dans les années 60, la liberté croissait, maintenant, elle a tendance à diminuer. C'est en tous cas mon impression. On ne peut plus lire et vivre aussi librement qu'avant.
Le journaliste : Votre prochain roman ?
FB : J'ai tourné un film que je suis en train de monter (L'amour dure 3 ans, de son roman éponyme, sortie prévue en janvier NDLR). C'est une autre langue, c'est comme ci j'avais écrit en Japonnais. D'un seul coup, je n'étais plus seul, j'avais une équipe autour de moi ! Au niveau livre, pas la moindre idée pour l'instant. D'ailleurs, toute idée est la bienvenue !
Question du public : Préférez vous lire ou écrire ?
FB : Lire ! Je n'aime pas trop écrire ! Je suis tellement fainéant ! Je me mets à écrire quand j'en ai marre de lire les livres des autres ou quand je ne trouve pas le livre que je veux en me disant : "il faut encore que je fasse le boulot "!
Ma question : Combien de livres lisez vous par mois ou par an ?
FB : Je lis déjà un livre par semaine pour ma chronique au figaro par "obligation". j'ai le luxe d'être payé pour lire. Mais je dirais entre 80 et 100 livres par ans.
Je continue ici ma collection de photos "effets de mains d'auteurs"...