À la découverte de l’autre …
Ce récit de Richard Marazano (Cuervos, « Genetiks », « Le complexe du chimpanzé », « Chaabi ») et Camille Le Gendre (« La Colère d’Achille ») s’inspire de l’histoire de Gonzalo Guerrero. Ce Castillan est un des seuls survivants d’une expédition ayant fait naufrage en 1511 près de la péninsule du Yucatan. Capturés par les Mayas, Gonzalo Guerrero et le frère franciscain Gerónimo de Aguilar, sont les deux seuls espagnols à survivre à ce périple.
Cette première partie de diptyque montre la capture et la survie en captivité de Guerrero au sein d’une tribu amérindienne. Cet homme bercé par la civilisation européenne se retrouve face aux horreurs des coutumes de ce peuple qui sacrifie les siens en l’honneur des dieux mayas. Mais, au fil des pages, le captif va également entrevoir le quotidien et l’organisation de ces mayas et découvrir une tribu qui vie en totale harmonie. Lentement il va parvenir à regarder au-delà de ses origines et s’intéresser aux valeurs de ce peuple qui n’est pas encore le sien. Il est ainsi partagé entre ses sentiments envers ces autochtones dont il est devenu l’esclave et ses origines. Des origines qui sont ici brillamment représentées par des duègnes de noir vêtues, qui lui avaient prédit un avenir magnifique à sa naissance et qui finissent par se résigner au fil des événements et de l’acclimatation et l’indianisation progressive de Guerrero. La peur vis-à-vis de ce qu’il ne connaît pas finit par faire place à la compréhension et le respect de l’autre. Une réflexion qu’il est toujours bon d’avoir, qu’il s’agisse d’une autre culture, d’une autre période, d’une autre religion ou d’une autre personne, même si elle est ici le fruit d’une situation extrême et dépourvue de liberté.
Le graphisme de Camille Le Gendre est de toute beauté. Elle plonge le lecteur dans un choc de cultures qui baigne dans un mélange de couleurs ocres chatoyantes. Des peintures splendides qui ouvrent les yeux sur les coutumes locales et le quotidien des mayas. Une colorisation chaleureuse à l’image de ces perroquets et de ces habits de plumes aux couleurs vives et chatoyantes, qui est alterné avec les couleurs plus grisâtres de ces planches qui lient Guerrero à son passé et ses origines. Le contraste est frappant et parfaitement à l’image de la dualité qui traverse Guerrero. Quelques planches muettes viennent d’ailleurs parfaitement capturer les sentiments qui traversent notre héros, tout en accélérant le rythme du récit.
Dépaysant et splendide !