Après l’excellent Lupus, Frederik Peeters revient à la SF avec ce voyage initiatique mêlant action, complot et mystère. Pourquoi la SF ? Parce que ce genre permet d’aborder nombre de sujets très contemporains sans en avoir l’air. Dans Aâma, Peeters décrit à la fois une société marchande très inégalitaire et la prédominance de l’ultratechnologie synonyme de bonheur pour tous. Son héros semble s’être trompé d’époque. Amoureux des livres papiers depuis longtemps disparus, sa technophobie le pousse à refuser les implants et autres « saloperies » qui, s’ils permettent de rester en bonne santé, ôtent toute liberté à celui qui les porte. Utilisant de nombreux flashbacks, le récit donne l'impression au lecteur de recoller lentement les différents morceaux du puzzle, même si nombre de questions ne trouvent aucune réponse dans ce premier tome.
Graphiquement, Peeters avoue avoir été fortement influencé par Moebius. Avec son trait reconnaissable au premier coup d’œil, il se révèle aussi à l’aise dans les étendues désertiques d’Ona(ji) que dans les ruelles sordides d’une ville futuriste. Pour cette dernière, il s’est inspiré du Caire et des mégalopoles indiennes, ces cités où la grande pauvreté côtoie de luxurieux gratte-ciel.
Aâma s’annonce comme une saga au long cours ambotieuse et aux multiples portes d’entrée. Ce premier volume d’introduction met l’eau à bouche. Espérons juste que la suite ne se fera pas attendre trop longtemps.
Aâma T1 : L’odeur de la poussière chaude de Frederik Peeters, Gallimard, 2011. 86 pages. 17 euros.