Le nombre d’interventions reste stable- 220.00 par an. Mais chez les médecins et les patients, l’inquiétude gronde.
Dans certaines chambres, il n’y a même pas de WC. La maternité des Lilas, construite en 1964, à l’avant-garde des luttes historiques pour les droits des femmes, a pris un coup de vieux. Le 24 septembre, ils étaient des centaines à manifester, aux côtés d’Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon et Harlem Désir, pour réclamer des travaux de reconstruction et d’agrandissement. L’avenir de l’établissement serait menacé, selon eux, par la vague de restructurations qui touche l’ensemble du secteur hospitalier. Chaque année 1.700 accouchements y sont pratiqués, mais aussi 1.300 interruptions volontaires de grossesse (IVG). Derrière le combat pour sauvegarder la maternité, c’est aussi une crainte sur la pratique de l’IVG qui s’exprime. Un acquis « extrêmement fragile », selon Danièle Jourdain Menninger, inspectrice générale des Affaires sociales, co-auteur, en 2009, d’un rapport sur le sujet. « En cas de réorganisations hospitalières, c’est le premier service menacé, la variable d’ajustement ». Entre 2000 et 2006, une centaine de centres d’IVG ont fermé en France.
Le nombre d’interventions, lui, reste stable : 220.000 par an. Pourtant, sur le terrain, les professionnels sont souvent dépassés. Michel Teboul, chef de l’unité d’orthogénie de l’hôpital Saint-Vincent-de- Paul, à Paris, reconnaît que l’absorption, en 2009, du service IVG de l’hôpital Broussais « avait un sens ». Mais il déplore une baisse dans les effectifs. « Un médecin est parti, il n’a pas été remplacé, tout comme la conseillère conjugale, partie en retraite depuis un an » . En région parisienne, où trois centres ont fermé depuis 2009, « il y a moins de places, moins de consultations, les délais pour prendre rendez-vous s’allongent », dénonce Brigitte Letombe, présidente d’honneur de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale. Même problème en province. » Rien qu’hier, j’ai reçu un appel d’une femme qui vit à Rouen et qui n’a pas pu être prise en charge dans sa région « , raconte une chargée d’écoute du Planning familial d’Ile-de-France. Sur le blog de témoignages « IVG, je vais bien, merci« , Emilie parle de « parcours du combattant » pour obtenir une consultation, Myriam évoque « une liste d’attente longue comme la muraille de Chine ».
Autre difficulté : la relève des gynécologues militantes, qui formaient le gros des troupes pratiquant les IVG, est loin d’être assurée. » Cela n’a jamais été une activité valorisante, ni valorisée, dans la carrière d’un médecin », regrette Danièle Jourdain Menninger. Qui plaide pour que les internes en médecine fassent un stage dans un centre IVG, comme ils le font en pédiatrie ou en cardiologie.
Quant au discours culpabilisant, il est toujours présent, même si ses relents intégristes sont étouffés. « Aujourd’hui, il prend plutôt cette forme :‘Mais quand même, avec tous ces moyens de contraceptions, comment cela peut-il encore arriver ?’ », note le Dr Teboul. A l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, les anti-avortements ont arraché les lettres « IVG » des panneaux.
Bérénice Rocfort-Giovanni et Lisa Vaturi – Le Nouvel Observateur
Rapport sur les politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des IVG