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Les parfums de Colette

Publié le 01 novembre 2011 par Cameline

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Je voudrais vous parler aujourd'hui de Colette.

Femme de lettres, journaliste, artiste de music-hall, saviez-vous qu'elle avait eu une boutique de produits de beauté.

Particulièrement sensible au domaine des parfums et de la beauté, elle écrivait merveilleusement les odeurs, offrant sous sa plume un monde de sensualité, de couleurs et de senteurs.

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La boutique de Colette

Grâce à l'appui financier de la Princesse de Polignac, elle donna corps à un projet qui lui tenait à coeur d'ouvrir une un institut de beauté en 1932, au 6 rue de Miromesnil à Paris. Elle y proposait ses propres cosmétiques et parfums, et maquillait elle-même ses clientes.

Malheureusement cette aventure n'eut pas le succès escompté et elle fut de courte durée.

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Mode et maquillage

Colette aimait le maquillage, dont elle apprit les ficelles dans les coulisses du music-hall, et qu'elle put appliquer par la suite dans son institut de beauté auprès de ses contemporaines.

Voici ce qu'elle écrivit en 1933, après l'ouverture de sa boutique.

Nous détenons des gammes à enivrer un peintre. L’art d’accommoder les visages, l’industrie qui fabrique les fards, remuent presque autant de millions que la cinématographie. Plus l’époque est dure à la femme, plus la femme, fièrement, s’obstine à cacher qu’elle en pâtit. Des métiers écrasants arrachent à son bref repos, avant le jour, celle qu’on nommait “frêle créature”.

 Je n’ai jamais donné autant d’estime à la femme, autant d’admiration que depuis que je la vois de tout près, depuis que je tiens, renversé sous le rayon bleu métallique, son visage sans secret, riche d’expression, varié sous ses rides agiles, ou nouveau et rafraîchi d’avoir quitté un moment sa couleur étrangère. Ô lutteuses ! c’est de lutter que vous restez jeunes. Je fais de mon mieux, mais comme vous m’aidez !”

Extrait de Maquillages, par Colette (dans Les Vrilles de la Vigne)

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"Colette fait partie de ces très rares écrivains que la mode a vivement intéressés au point qu'elle n'a pas, pour sa part, hésité à en faire matière de son oeuvre. A titre d'exemples, deux faits particulièrement mettent l'accent sur la curiosité avisée, amusée mais souvent critique dont elle a fait preuve dans le domaine sérieux des "frivolités" féminines, mode et maquillage : sa collaboration à partir des années vingt à des journaux pour des articles qui s'adressent aussi à un lectorat féminin, et sa tentative commerciale dans la cosmétologie avec l'ouverture d'un premier institut de beauté, 6 rue de Miromesnil en 1932. Sans préjugé, Colette acceptera d'ailleurs aussi de fournir sa collaboration pour des promotions publicitaires dont celles des Fourrures Max en 1926.

« La fascination de Colette pour ces milieux (de la mode) où se refabrique la femme, ne l'empêche pas dans ses articles du moins et de façon consciente, d'exercer son sens critique : "La beauté s'accommode d'être admirée, écrit-elle, et vous l'armez pour qu'on l'admire davantage. En appareil de guerre et d'amour, vous dites à la beauté : "Ceci est ton domaine, tu n'iras pas plus loin. (...) Prends garde que nous te voulons, cette année, dépourvue d'une chair douillette, et dure comme un champion (Le Voyage Egoïste)."

L'application pertinente que les femmes des récits de Colette mettent à s'habiller, nous la retrouvons dans leurs gestes de maquillage. Apprêter son visage constitue une activité familière de la femme, que l'écrivain accapare comme matière à narration. "Qu'elles sont adroites nos filles d'aujourd'hui. La joue ombrée, plus brune que rose ; un fard insaisissable, comblant, bleuâtre ou gris, ou vert sourd, l'orbite : les cils en épingle et la bouche éclatante, elles n'ont peur de rien. Elles sont beaucoup mieux maquillées que leurs aînées. (...) C'est l'âge des essais, des tâtonnements, des erreurs, et du désarroi qui jette les femmes d'un institut" à une "académie", du massage à la piqûre, de l'acide à l'onctueux, et de l'inquiétude au désespoir."note Colette dans "Maquillages", forte de son expérience neuve de cosméticienne. C'est avec sagesse et indulgence qu'elle analyse le plaisir de ses contemporaines venues tenter, dans son magasin, d'"accommoder" leurs visages : « Héroïquement dissimulée sous son fard mandarine, l’oeil agrandi, une petite bouche rouge peinte sur sa bouche pâle, la femme récupère, grâce à son mensonge quotidien, une quotidienne dose d’endurance, et la fierté de n’avouer jamais… »

Ce texte court donne l'occasion à Colette de souligner, sur le ton léger qui peut la caractériser même dans le traitement de sujets sérieux, la difficulté quotidienne qu'il y a à être femme et la contrainte où la femme se sent d'après elle, de dissimuler ses fragilités, sa souffrance, les atteintes dont témoigne son visage. Il s'agit là encore sous la futilité quotidienne des gestes féminins de discerner l'angoisse d'une toujours possible castration que le fard a pour charge de masquer. derrière le voile ou le masque de perfection savamment acquise grâce à l'artifice, pointe la défaillance à colmater. Le visage, parce que précisément c'est sur lui que se pose d'abord le regard d'autrui, est la partie corporelle qui retient tous les soins."(3)

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Parfums


Elle préférait pour la composition des parfums des ingrédients végétaux plutôt que minéraux ou artificiels.

Ses propres parfums étaient fabriqués essentiellement de fleurs blanches, qu'elle adorait : jasmin, tubéreuse, gardénia.

"Le couturier est mieux à même que quiconque de savoir ce dont les femmes ont besoin, ce qui doit leur convenir... Entre leurs mains, le parfum devient un complément de la toilette, un impondérable et nécessaire panache, le plus indispensable des superflus ... Le parfum doit représenter le thème mélodique, la claire, la directe expression des tendances et des goûts de notre époque". Colette

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Ses faveurs allaient aux parfums naturels, senteurs de la nature et du corps.

"Les héroïnes de Colette ouvrent les fenêtres et respirent l'air pur car elles méprisent les lieux fermés et les parfums artificiels. De la même manière, elles demandent des bains, elles plongent dans la mer.

"Quand il s'agit d'un être humain, les parfums naturels l'emportent sur les odeurs artificielles, les odeurs qui émanent du corps, des cheveux. Pour les héroïnes de Colette une odeur naturelle a plus de prix qu'un parfum artificiel."(1)

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Pour Colette, "l'odeur, parfois sublimée ou esthétisée en parfum, est comme une extension impalpable du corps, et partage avec lui la spatialité : l'isolement de Chéri lui fait entraîner "hors de portée" sa "zone" de parfum (Chéri) ; semblablement le corps d'Alice est "baigné dans sa zone de parfum faible" (Duo), et une vedette de music-hall "imprégnait d'un parfum fort à miracle" une "zone d'air" (Bella Vista). Cette "zone" est parfois le moyen d'un repli égotiste, et de créer un territoire pour son propre corps dans un lieu qu'il faut s'approprier, en respirant " son propre parfum" dans une chambre d'hôtel (L'Entrave). Elle permet surtout de perpétuer une présence dans l'absence même du corps, permet une approche de l'être, soit qu'il signifie et anticipe sa venue (Le Blé en herbe), soit qu'il en évoque rétrospectivement la présence, comme ce parfum de Mme Dalleray, exquisément évasif et insistant, "qui s'envolait quand il le voulait fixer sous ses narines, mais qui vibrait alentour" (Le blé en Herbe), soit enfin qu'il soit la seule chose accessible, métonymiquement, d'un corps encore interdit, comme celui d'Alain pour Camille : "elle cherchait dans l'air, sauvagement, la fragrance d'un corps blond, à peine couvert « (La Chatte). Observons enfin que Colette paraît réticente devant la façon brutale, toute d'immédiateté naïve, dont un parfum "trop proche" peut voiler ou adultérer l'odeur du corps - "Car le chaud et véritable épiderme humain, trop riche en effluves, fait chanceler, dénature l'équilibre du parfum" (Paysages et portraits) - , et semble prôner des alliances plus complexes et plus délicates : "le parfum imprègne mieux le vêtement, le linge et la fourrure qu'il ne sert l'épiderme" : "Autrefois les sachets, dormant entre les plis du linge, suspendus dans les armoires, amendaient délicatement l'odeur corporelle. En se dévêtant, fruit qui rejetait une à une ses écorces parfumées, la femme n'en retient que le souvenir atténué et divers" (A portée de la main). Ainsi naissait une complexité olfactive mariant merveilleusement l'activité présente du corps, son actualité immédiate et naturelle, avec la temporalité différée et artificieuse d'un bouquet de parfums voué à se superposer au corps sans en nier les émissions originaires, et comme principielles."(2)

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En 1947, Colette a 74 ans et elle est encore coquette. Truman Capote, alors jeune écrivain, nous conte sa rencontre avec la vieille dame.

"Des yeux de chat des faubourgs, obliques et bordés de khôl : un visage tout de finesse, mobile comme l'eau. Les joues fardées de rouge. Les lèvres, d'une minceur et d'une ductilité de fil d'acier, mais rehaussées d'écarlate comme celles d'une vraie fille des rues.

"La chambre renvoyait au luxueux confinement de ses romans les plus profanes, avec des rideaux de velours, dressés contre la lumière de juin. On s'apercevait bientôt que les murs étaient tendus de soie : que la lumière, rosâtre et chaude, filtrait de lampes drapées dans des foulards rose pâle. Un parfum - quelque mélange de roses et d'oranges, de tilleul et de musc - se balançait dans l'air comme une buée : comme une brume légère.

"Ainsi elle était là, calée par des couches d'oreillers à bordures de dentelles, les yeux liquides de vie et de gentillesse et de malice. En travers de ses jambes, un chat d'un gris singulier était étendu, plutôt comme un couvre-pied supplémentaire."(4)

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Sources :

(1) Force indestructible de la femme, de Graciela Conte-Stirling, Ed. L'Harmattan, 2002

(2) Physique de Colette, de Jacques Dupont, Presses Univ. du Mirail, 2003

(3) Colette ou le désir entravé, essai de Josette Rico, Editions L'Harmattan, 2004

(4)Truman Capote : La rose blanche, dans Les chiens aboient (Liratouva)

Annick Goutal : Mon Parfum Chéri par Camille (The Scented Salamender)

Colette et la Mode, textes de Colette et dessins de Sonia Rikiel (Doucement le matin)

Ça fleure bon : Colette, the olfactory novelist and goddess of the senses

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