La hausse du niveau des compétences requises par la société civile, l’exigence accrue exprimée par les bénévoles : tout incite le monde associatif et les pouvoirs publics à revisiter les cadres du bénévolat. Le Centre d’analyse stratégique propose quelques pistes.
Le Centre d’analyse stratégique (CAS) a publié en septembre 2011 une note sur la nature et les évolutions du bénévolat. Dans son second volet, cette étude liste un certain nombre de préconisations pour développer l’engagement des citoyens dans l’action sociale et d’utilité publique.
Susciter les vocations
Le bénévolat doit tout d’abord susciter les vocations. Plusieurs champs d’actions peuvent ici être exploités. Première piste : la communication. Celle des associations, bien sûr, qui sont les mieux placées pour valoriser leurs actions. Mais aussi celle d’organismes et de représentations impliquées dans le développement du modèle associatif. A l’image de France Bénévolat, qui édite un portail précieux (www.francebenevolat.org), du Haut Conseil à la vie associative (HCVA), qui remplace depuis juillet 2011 le Conseil national de la vie associative., ou encore des multiples dispositifs locaux.
Deuxième piste : l’adaptation aux contraintes de temps auxquelles sont soumis les bénévoles. Des associations ont mis en place des modes d’organisation et des actions spécifiques dans ce sens. La Croix Rouge a imaginé des projets ponctuels, sur quelques semaines ou quelques mois, et mis en place un “corps de réserve de l’urgence” regroupant des citoyens peu disponibles mais prêts à fournir une aide en situation d’exception.
Troisième piste : les contreparties matérielles. Aujourd’hui, les pouvoirs publics concentrent leurs efforts sur les avantages fiscaux octroyés pour les dons aux organismes d’utilité publique ou d’intérêt général. Aux yeux du législateur, l’octroi d’avantages matériels serait susceptible de pervertir l’esprit du bénévolat, qui doit demeurer un choix individuel et spontané. Certaines initiatives se développent néanmoins, comme celle de la Ville de Paris et de l’association “PariSolidaire”, qui offre à certains étudiants la possibilité de louer un logement à très bas prix, en échange de visites à des personnes âgées isolées quelques heures par semaine.
Diversifier les profils
Le développement du bénévolat est également conditionné à une diversification des profils. La donnée démographique constitue un terrain majeur de réflexion et d’initiatives. Le vieillissement de la population est en effet un facteur de d’impact pour les bénévoles comme pour les bénéficiaires de leur action. Il semble donc impératif d’adapter les missions de bénévolat associatif à ces nouveaux publics plus âgés. Aux Etats-Unis, les retraités font l’objet de programmes publics spécifiques d’incitation à l’engagement bénévole. Pourquoi ne pas développer cette approche en France ? Aujourd’hui, l’indemnité associée au statut de volontaire n’est pas cumulable avec une pension de retraite. Pourquoi ne pas réfléchir à une compatibilité des deux indemnités ?
La diversification des profils doit également reposer sur des actions d’incitation menées auprès des publics les plus jeunes. Les adolescents pourraient être sensibilisés dès le lycée au bénévolat. Certaines associations s’organisent pour favoriser l’engagement des étudiants. L’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV), au sein de laquelle l’aide aux enfants défavorisés est prise en charge par des étudiants bénévoles, a établi des conditions de participation très souples, adaptées à l’emploi du temps des étudiants, à raison de deux heures par semaine.
Côté demandeurs d’emploi, pour lesquels le bénévolat constitue un élément avéré d’enrichissement du CV, on pourrait envisager des passerelles entre les têtes de réseaux associatifs, les partenaires sociaux et Pôle emploi. En veillant, rappelle le CAS, à ce que le bénévolat ne génère pas du “travail gratuit”.
Valoriser les compétences acquises
S’il est nécessaire de susciter des vocations, il s’agit également de fidéliser les bénévoles en activité. Notamment an favorisant la valorisation des compétences acquises. L’octroi d’avantages matériels étant susceptible de dénaturer le bénévolat, les dispositifs existant actionnent plutôt des mécanismes de reconnaissance immatérielle, comme la facilitation des mobilités professionnelles.
Selon le Baromètre opinion des bénévoles 2010, 19 % des bénévoles (surtout les plus jeunes) privilégient comme levier de reconnaissance la prise en compte des compétences professionnelles acquises dans le cadre de leur action bénévole. Près de 40% des moins de 25 ans se disent favorables à une valorisation de leur engagement dans le cadre de leurs études. Là encore, les initiatives existent. L’engagement associatif au sein de certaines grandes écoles donne droit à des crédits European Credits Transfer System (ECTS). Pourquoi ne pas systématiser ce dispositif ?
Le “passeport bénévole”, créé en 2007 par France Bénévolat, permet aux étudiants, aux hommes ou femmes au foyer et aux salariés de faire valider par un responsable associatif leur expérience bénévole. Sous certaines conditions, la validation des acquis de l’expérience (VAE) permet de faire valoir une expérience bénévole pour obtenir des équivalences de diplômes d’État ou de titres ou certificats de qualification professionnelle. Les activités exercées.
« On pourrait aussi s’appuyer sur la liste de huit “compétences clés” dans la formation tout au long de la vie définie par l’Union européenne, et sur les certifications et habilitations correspondant à des compétences transférables que le législateur français a établies », ajoute le CAS.
Les leçons à tirer de quelques expériences étrangères
Pour illustrer le poids de la délégation d’activités de service public à des organisations impliquant des bénévoles, le CAS cite un certain nombre d’initiatives relevées dans les pays anglo-saxons, où l’implication de la société civile se double généralement d’un discours sur sa complémentarité (et non sa substitution) aux aides publiques traditionnelles. Quelques exemples : le Citizen Corps, créé en 2002 qui propose des postes de volontaires de sécurité intérieure ; le programme Volunteer in Service to America (VISTA) qui vise à combattre la pauvreté en incitant des individus à rejoindre des associations ou des communautés locales défavorisées ; la Corporation for National and Community Service, qui déploie des actions dans le domaine de la santé, de l’enseignement, de l’énergie verte, du soutien aux vétérans de guerre et du développement économique.
Autre exemple, à Londres : les Volunteer Police Cadets, des jeunes de 14 à 19 ans qui participent à des activités sans risques de la police. Celle-ci cherchant à identifier des “talents cachés” dans toutes les communautés de la ville, y compris parmi les populations les plus vulnérables en termes de délinquance. À l’issue d’une formation, les adolescents se voient confier des missions précises, leur permettant d’acquérir des compétences transférables au monde du travail et de consolider leur identité de citoyen.
Toujours en Grande-Bretagne, la Big Society, mise en œuvre en 2010, vise à réformer des services publics pour réduire les coûts, en confiant des missions de service public à la société civile, dont les associations et les entrepreneurs sociaux. Le projet devant également, à la faveur d’un processus de décentralisation, donner aux citoyens davantage de choix et un droit de regard sur ces services. Cofinancé par des fonds privés, le dispositif encourage le bénévolat de masse. « Au-delà des interrogations sur la faisabilité de ce dispositif, et à la lumière des événements de l’été 2011, la Big Society s’est vue reprocher de masquer des coupes budgétaires derrière un discours affiché de transfert de compétences de l’État aux communautés et aux pouvoirs publics locaux », rappelle le CAS.
Constitution de dossiers de subventions, réponse à des appels à projets concurrentiels, évaluation de plus en plus drastique de l’utilité sociale des associations, contraintes légales accrues en matière d’administration, d’assurance et de management… Pour les dirigeants bénévoles, les exigences requises s’apparentent de plus en plus à celles relevant du monde de l’entreprise. Quant aux bénévoles non dirigeants, ils doivent également acquérir des compétences de plus en plus spécifiques et pointues. C’est le cas pour le soutien aux personnes âgées dépendantes. La valorisation de certains bénévoles alimente les réflexions, l’aide à domicile étant perçue comme un véritable métier avec des qualifications précises et certifiées. La possibilité d’une VAE est d’ailleurs débattue.
Ces évolutions se traduisent par une porosité des frontières entre salariés et bénévoles au sein des associations. Certains organismes, comme la Fondation des apprentis d’Auteuil, cherchent à éviter la confusion en établissant un partage clair des missions des salariés et des bénévoles, via des fiches de postes clairement définies.
Les responsables associatifs sont clairs : la gratuité du temps accordé aux autres par les bénévoles ne doit pas disparaître. Pour concilier la professionnalisation de certaines activités et l’esprit désintéressé du bénévolat, plusieurs pistes peuvent être examinées, comme le statut de volontaire, qui permet de bénéficier d’une indemnité financière et/ou d’une couverture sociale. C’est le statut des quelque 200 000 pompiers volontaires, qui fédèrent à eux seuls 80 % des pompiers. Autre formule intéressante : le service civique, créé en 2010, dans lequel 11 000 jeunes de 16 à 25 ans se sont déjà engagés. En juin 2011, la Commission européenne, avec le “corps volontaire européen d’aide humanitaire”, a amorcé une réflexion sur l’extension du volontariat et lancé des projets pilotes.
source : http://www.place-publique.fr/spip.php?article6391