Le texte se présente comme une autobiographie. Willy Mouele y retrace son parcours, celui qui l'a conduit à quitter Brazzaville par tous les moyens, puisque la menace de la mort l'a recouverte d'un manteau rouge sang. Brazzaville, qualifiée autrefois de "la verte", prend en 1997 et en 1998, le visage d'un masque mortuaire grimaçant pour peu qu'on appartienne à telle ou telle autre région du Congo. Au départ, il s'agit simplement de changer de quartier, mais très vite on se rend compte qu'il faut partir vraiment. Un long voyage commence alors, qui va conduire le narrateur à travers différentes villes du Congo parmi lesquelles Dolisie et Pointe-Noire. Puis il gagne d'autres cieux, accompagné de celle qui prend de plus en plus de place dans sa vie : Darline. C'est d'abord la Côte d'Ivoire qui l'accueille, mais il ne s'arrête pas là. Il parcourt d'autres pays d'Afrique avant d'atterir en France.
Durant ce périple, les épreuves sont nombreuses, les dangers, surtout celui de la mort, embusqués sournoisement. Mais Willy semble marqué d'un "sceau" : soit un ami le secourt au moment où il s'y attend le moins, soit il pressent à travers des rêves, que l'on pourrait qualifier de "prémonitoires", ce qu'il faut faire. Ces amis providentiels étaient souvent des amis appartenant à la région ou à la tribu adverse. Les tribus ne sont devenues adverses que par la volonté des politiques, mais on peut voir à travers ce livre que les amitiés forgées dans le domaine artistique ont parfois résisté aux épreuves de la guerre. Willy était à la tête d'un mouvement rassemblant de jeunes artistes et à ce titre il était connu et même populaire parmi eux, d'autant plus qu'il avait aidé un certain nombre à sa manière. C'est ainsi que certains le lui rendront bien, comme ce jeune homme, dont il ne se rappelle même plus le nom, ni le visage d'ailleurs, qui, en sa qualité de chef "ninja", l'aidera à passer des barrages où il était certain qu'il y aurait laissé sa vie. Curieusement, c'est lorsqu'il arrive sur le territoire "nibolek", autrement dit là où il est censé se sentir en sécurité, que les choses se gâtent, le sort se rie souvent de nous !
Le Sceau de l'Ange, c'est donc le témoignage de Willy Mouele sur la guerre civile au Congo-Brazzaville, laquelle a poussé de nombreux jeunes gens comme lui à s'installer ailleurs. C'est un texte qui est rythmé par une expression commune : "un ange passa", mais à laquelle l'auteur donne une coloration particulière, en fonction du contexte, et j'ai trouvé cela amusant. Tenez, par exemple les plus cocasses :
Arrivé en Côte d'Ivoire, la réceptionniste de l'hôtel où Willy descend avec sa compagne n'hésite pas à lui demander la nature de ses relations avec celle-ci, "Sinon, je suis là, hein ! Si vous avez besoin de moi quoi !" déclare-t-elle. Et le récit de se poursuivre ainsi : "Un ange passa, une capote anglaise sur son auréolé" (p. 159). Plus loin, il est encore tenté, mais cette fois d'une manière vraiment provocatrice, par Kody, la meilleure amie sa compagne, Darline, qui se trouve au Sénégal pour quelques temps. Kody s'offre dans son plus simple appareil : "Sans prendre la peine de se couvrir, Kody ferma les yeux, me laissant seul avec ma conscience. Un ange passa, l'air de rien, absorbé qu'il était par la lecture du Kâma Sûtra." (p. 243)
Cet "ange qui passe" fait, d'une manière ludique, le lien avec le titre.
Si vous voulez avoir un bel aperçu de la vie, de l'entourage de l'auteur, dessinateur de talent, créateur de BD, alors lisez Le Sceau de l'Ange. L'auteur crache là sa vérité, même si on aurait souhaité qu'elle se présente sous une meilleur forme, mais quand la priorité est de "dire", cela se fait souvent au détriment de la forme.
Un extrait :
"J'ignore totalement de quoi sera fait demain, c'est vrai. Mais ici j'ai retrouvé, en quelques secondes à peine, cette chose fondamentale que j'avais perdue dans mon pays et qui s'appelle l'Espoir.
Là-bas, l'avenir me semblait gris, obscur. Ici, fort de cette assurance que permet parfois l'inconscience, tous les rêves me sont permis. Nous sommes à Abidjan, et toute la ville semble s'être jointe à la voix du chauffeur de taxi pour nous souhaiter Akwaba... La bienvenue !"
(Le Sceau de l'Ange, p. 151)
Willy Mouele, Le Sceau de l'Ange, The Book Edition, Collection Plume au bout des doigts.