Comme le souligne fort justement l'article paru dans le dernier numéro de Capital " Jusqu'où ira le nouveau Big Brother ", les réseaux sociaux sont en train de passer à la vitesse supérieure et viennent peut-être même de franchir une ligne qui pousse chacun à s'interroger sur les conséquences de sa présence sur internet.
1. Facebook prend le relais de Google, et va encore plus loin !
Facebook continue sa progression fulgurante avec 500.000 nouveaux utilisateurs par jour et a déjà atteint plus de 600 millions de membres, ce qui le place loin devant ses poursuivants directs, avec notamment une pénétration de plus de 90% chez les jeunes1. Devenu incontournable, le réseau social a toutefois pris une tournure plus inquiétante ces derniers mois2.
En mettant notamment à la disposition de tous des fonctions comme le " like " (j'aime), " places " (je signale où je suis) et, depuis quelques jours, le partage de documents via sa messagerie qui a déjà supplanté le mail aux États-Unis. En quelques mois il a ainsi tissé un gigantesque " graphe social " qui relie tous ses membres entre eux par le contenu sur internet, au point que ses algorithmes seraient bientôt capables de proposer un moteur de recherche entièrement personnalisé qui trie et filtre les résultats sur " nos goûts et ceux de nos amis ". En quelque sorte la fonction " vos amis ont aussi aimé " d'Amazon, mais à l'échelle de Google.
Au delà du choc que ceci promet de provoquer avec l'autre géant américain, qui ne parvient pas à imposer ses propres fonctions sociales (buzz, orkut) et se voit maintenant attaqué sur son coeur de métier, le moteur de recherche et la messagerie, cette évolution a d'autres répercussions pour chacun de nous et qu'il faut bien mesurer.
En effet, nous laissons non seulement de plus en plus de traces indélébiles au travers de ces fonctions sociales omniprésentes mais un nouveau pas est maintenant franchi : d'autres personnes fournissent des informations sur nous sans qu'il soit possible pour un tiers d'authentifier la source de l'information. Ainsi, n'importe lequel de vos " amis " peut vous désigner sur une photo, indiquer à quel endroit vous vous trouvez. Il peut ainsi influencer votre image qui se construit sur internet, sans qu'un tiers ne puisse savoir si l'information est authentique ou pas.
On ne peut plus se contenter de faire attention aux informations qu'on émet volontairement, il faut aussi contrôler celles qui émergent spontanément !
2. Qu'est ce que cela change pour nous tous ?
Dans un contexte personnel, cela peut ne pas gêner. Pourvu qu'on prenne le temps de régler avec soin les paramètres de ses profils et de ne pas poster soi-même ce qu'on ne souhaite pas voir circuler
http://www.linformaticien.com/actualites/id/20499/friendster-jette-l-eponge.aspx http://www.linformaticien.com/actualites/id/20427/un-fonctionnaire-suspendu-pour-des-propos- facebook-diffamatoires.aspx
sur internet, les éventuels dégâts peuvent encore être limités. Dans un contexte professionnel les choses sont beaucoup moins anodines.
Déjà, Google avait brouillé les pistes. En donnant la priorité dans ses algorithmes de recherche à la " popularité ", il était impossible de maitriser l'ordre d'apparition des résultats lorsqu'on tape son propre nom dans le moteur de recherche. L'information qui est visible dépend davantage de l'endroit où elle est présente que son contenu ou même sa fraicheur. Ainsi un article de vous ou vous citant, même vieux de plusieurs années, peut arriver devant votre dernière actualité ou votre propre site d'entreprise. Il y a tellement d'informations indexées par Google qu'au delà de la première page, on n'est déjà plus visible.
Avec les réseaux sociaux comme Facebook et même les réseaux professionnels comme LinkedIn et Viadeo, ce n'est plus l'information brute qui a de l'importance mais la liste des contacts avec lesquels vous êtes en relation qui définissent votre visibilité et votre influence sur la toile. Car ce n'est pas seulement l'information que vous avez diffusé sur vous qui est mise en avant et lisible par quelqu'un qui cherche à vous connaitre, mais également votre réseau et votre "mur " (c'est à dire l'agrégation de tous les contenus émis par tous vos contacts à un instant " t "), qui constituent votre image instantanée. Le paroxysme étant atteint avec twitter où c'est le nombre de gens qui vous suivent qui mesure votre influence, presqueindépendamment des informations que vous émettez, vous entrainant à toujours plus émettre et relayer et à terme, déformer votre image.
3. Comment tirer parti des ces réseaux et construire son image plutôt que la subir
Tous ces éléments ont une conséquence dangereuse pour votre e-reputation et la situation devient difficilement maitrisable. De nombreux outils et de nouveaux métiers émergent pour établir un diagnostic instantané de votre image sur la toile. Lorsqu'on est sa propre marque - profession libérale, conseil, entrepreneur, célébrité, expert et même chacun de nous cherchantpar exemple à changer d'emploi - mesurer et vérifier la manière dont on est perçu sur le web est un enjeu majeur.
Or, si l'on parvient peu ou prou à établir ce diagnostic, il est encore extrêmement compliqué de rectifier une image personnelle et cela tient à la nature atomisée et non hierarchisée du web. L'effaceur n'existe pas sur internet, les traces sont indélébiles, et ce d'autant plus que l'information est répliquée, relayée et éparpillée via les réseaux sociaux.
Pour maitriser son "écho numérique", il n'y a donc pas d'autre solution que d'être son propre producteur de contenu et le rendre plus visible que l'information spontanément générée sur vous. Il est nécessaire de rassembler les informations autour de soi, les mettre en avant et les diffuser soi- même à ses contacts. Après l'agrégation pour les autres (netvibes et les plateformes récentes de curation), on vient ainsi d'inventer le concept de " self curation " : la sélection et l'organisation des informations et des contenus sur une personne par elle même, pour préserver son image et la promouvoir. C'est peut- être aussi cela, la prochaine génération du web. Après le .com, vive le .me !
Par Xavier Paulik, CEO de Tiki'Labs