Autre balade urbaine de ces dernières semaines: Sham Shui Po.
Situé au nord-ouest de Mongkok, ce quartier est réputé pour ses boutiques de boutons, tissus et autres rubans. J’aime beaucoup mais j’ai épargné ce supplice au reste de la famille
Une autre curiosité se trouve dans Apliu Street: un marché assez unique pour Hong Kong, principalement dédié aux produits électriques/électroniques d’occasion. Mais on peut aussi dégoter beaucoup d’autres choses: des casseroles, des lampes, des mousquetons…
Dans Yu Chau Street, parallèle à Apliu Street, un coiffeur s’est installé, coincé entre deux immeubles. Juste à côté, un brocanteur…
Plus loin dans la rue, nous faisons une petite halte dans le Sam Tai Tsz temple.
Construit par les Hakkas en 1898, il est dédié à Na Cha – c’est d’ailleurs le seul à Hong Kong – autrement appelé le Troisième Prince. Ce dieu est habituellement représenté par un petit garçon capable de se déplacer sur des roues de feu. Une épidémie de peste aurait pris fin après qu’une représentation de Na Cha ait été apportée à Sham Shui Po depuis le Guangdong voisin. Le temple a été érigé en guise de remerciement.
L’architecture du quartier est également liée aux épidémies de peste de la fin du 19ième siècle (comme c’est le cas dans d’autres quartiers de Hong Kong).
En effet, en 1903, suite à ces nombreuses épidémies, le gouvernement a décidé d’adopter un texte régulant l’architecture des constructions du territoire. Les conditions d’hygiène et par conséquent de vie au quotidien étant à l’origine de ces fléaux, l’objectif de ces nouvelles règles était d’assurer une meilleure aération des logements, de permettre à la lumière naturelle d’accéder dans les appartements et à l’air de circuler entre les constructions. Ainsi, pour faire simple, la hauteur des nouveaux édifices a été fixée à 4 étages maximum et la profondeur à 12 mètres sauf si de larges ouvertures permettaient à la lumière de pénétrer et à l’air de circuler dans chaque étage. Les architectes ont alors ajouté des balcons afin d’augmenter la surface, tout en procurant un abri au niveau de la rue.
On peut observer ce type d’architecture sur les vieux Tong Lau des années 20 mais aussi sur les immeubles plus récents des années 60 & 70.
Avec l’arrivée et la démocratisation de la climatisation, de nombreux balcons ont été transformés en vérandas et fermés. Cette histoire explique pourquoi dans certains buildings des balcons sont encore ouverts.
Dans Tai Nam Street, les commerces classiques du quartier laissent la place à des entreprises de recyclage en tout genre:
A l’intersection de Lai Chi Kok Road et de Yen Chow Street se dresse la station de police de Sham Shui Po, un édifice construit en 1924 sur des terres nouvellement conquises sur la mer, et toujours en activité aujourd’hui.
En face, une sorte de mini bidonville abrite un marché aux tissus:
Quelques dizaines de mètres plus loin, à l’emplacement de l’ancien camp militaire de Sham Shui Po, on peut se promener dans un large parc. Les enfants sont bien loin d’imaginer le lourd et terrible passé de l’endroit.
Après l’invasion japonaise, le camp a en effet été converti en prison pour les soldats alliés. Puis, rétrocédé aux britanniques, il a été utilisé pour héberger les boat people vietnamiens jusqu’au début des années 80. Un lieu chargé de mémoires donc… et dont il ne reste plus rien aujourd’hui.
Tonkin Street est une grande artère en pleine mutation. De véritables taudis côtoient des immeubles sociaux sans charme mais bien entretenus, mais également de nouveaux édifices en pleine construction:
Ici, comme souvent à Hong Kong, c’est chacun pour soi:
Ni le taxi ni l’ouvrier ne cèdera le passage – à quelques centimètres près, et sans ralentir, pas d’accrochage finalement…
A l’extrémité de Tonkin Street, au pied d’une colline, se dresse la résidence Lei Cheng Uk, des immeubles datant des années 1960.
Préalablement à ce chantier, une colline a été rasée en 1955 et les ouvriers ont découvert complètement par hasard des vestiges datant de la Dynastie Han (25-220 après Jésus Christ!)
Il s’agit d’une tombe en briques, à 4 chambres voutées, en forme de croix.
Un petit musée, comme toujours très bien fait, relate la découverte du site, son histoire…
… et expose les objets découverts à l’intérieur:
Dans Castle Peak Road, c’est à nouveau un festival de maisons en ruines:
Même les jeux dans la rue sont hors d’âge, laissant Maxime perplexe
Au bout de la rue, nous passons devant le siège et les ateliers de la plus grosse fabrique de biscuits de HK, la marque Garden:
Fin de notre promenade en face d’un autre emplacement chargé d’histoire: Mei Ho House.
Ce bâtiment est en réalité le seul survivant d’un ensemble gigantesque: la résidence Shek Kip Mei.
Dans la nuit de Noel 1953, un gigantesque incendie a complètement détruit le quartier de Shek Kip Mei. A l’époque il s’agissait d’un énorme bidonville où s’étaient installés les immigrants chinois arrivés à HK après la fin de la guerre.
En l’espace d’une nuit, ce sont 58 000 personnes qui se sont retrouvées sans abri. Le gouverneur de l’époque – Alexander Chatham – a décidé de reloger ces personnes le plus rapidement possible. Ce fut d’abord dans des bungalows provisoires de 2 étages. Puis, dès fin 1954, ce sont 8 blocs de 6 étages qui ont été livrés, suivis jusqu’en 1962 de 21 autres de 7 étages chacun. Dans une dernière phase, 7 blocs de 13 étages chacun ont encore été ajoutés.
Afin de loger le plus de personnes possible, le principe de la résidence était le suivant: environ 25m² pour 5 personnes ou plus, des cuisines, salles de bain et toilettes collectifs à l’étage, sur une sorte de pont entre deux buildings (donnant à l’ensemble la forme d’un H), et des écoles communales sur le toit des buildings.
Dans le courant des années 1970, les conditions de vie ont été sensiblement améliorées par l’agrandissement des appartements (rassemblés 2 par 2) et l’équipement en cuisines et cabinets de toilette privatifs.
Le photographe Michael Wolf a immortalisé des scènes de vie quotidienne dans les années 2000:
Des appartements qui tiennent plutôt de la cellule carcérale mais qui ont permis à plusieurs générations de hong kongais d’avoir un toit.
Shek Kip Mei est également l’origine d’un vaste programme de logements sociaux sur tout le territoire, faisant aujourd’hui du gouvernement de HK le plus important propriétaire de logements au monde. Ce sont plus de 2 millions de personnes qui bénéficient aujourd’hui d’un logement social à HK – soit presque le tiers de la population!
Depuis 2006 le quartier est en pleine rénovation et les vieux buildings ont aujourd’hui disparu. Seul un bloc, la Mei Ho House, a été conservé afin de se souvenir de cette épisode de l’histoire locale.Classé monument historique, le gouvernement a décidé de le convertir en auberge de jeunesse avec un espace musée.
Malheureusement, quand on regarde à quoi ressemblera le building après rénovation (voir photo plus haut), on se dit qu’être classé monument historique ne protège pas de grand chose. A part l’ossature et la forme initiale, que restera-t-il?!
C’est la fin de notre expédition à Sham Shui Po… La preuve qu’il n’y a pas que des boutons là-bas!