Les hommes politiques ont-ils tiré des leçons de la crise ? Apparemment pas tous, à en juger par la déconfiture de la société de courtage MF Global aux États-Unis. Que la société ait fait faillite suite à des positions spéculatives sur la dette des États membres de la zone euro ne mérite à mes yeux pas l'ombre d'une larme, mais a-t-on souvenir que son PDG, Jon Corzine, était coprésident de Goldman Sachs et gouverneur démocrate de l'État du New Jersey de 2006 à 2010 ?
La vraie question est alors de savoir comment la démocratie aux États-Unis a pu laisser les rênes d'un État à un banquier, qui affichait fièrement son intention de faire de sa société de courtage un "mini-Goldman Sachs", alors que la vraie Goldman Sachs est déjà le symbole d'un scandale perpétuel ? Les citoyens auraient-ils oublié ces quelques mots pleins de bon sens attribués (un doute subsite) à Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis de 1801 à 1809 : "je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d'abord par l'inflation, ensuite par la récession, jusqu'au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis"...
Dans un autre registre, je n'ai eu de cesse de dénoncer dans mes billets, par exemple ici ou encore là, le caractère antisocial et antidémocratique des décisions économiques prises pour enrayer la crise de la zone euro : plans d'austérité pour les uns mais niches fiscales conservées pour les plus riches, démantèlement de l'État-providence au nom d'une prétendue compétitivité à retrouver mais sauvetage massif du système bancaire, abandon des salariés à leur sort avec pour unique espoir une prime (s'il conserve encore son emploi...) qui tient plus du populisme électoral que du soutien au pouvoir d'achat, etc.
Or, quand enfin arrive une nouvelle positive du front économique, immédiatement elle est torpillée au nom de la sacro-sainte rigueur qui plaît tant aux marchés financiers. En effet, le premier ministre grec, Georges Papandréou, vient d'annoncer l'organisation d'un référendum sur l'accord européen qui a été trouvé mercredi... par la France et l'Allemagne ! Voilà enfin une décision démocratique, qui fait suite malheureusement à de nombreux heurts dans le pays. Lors de ma dernière conférence à l'UTL de Metz, j'avais justement expliqué que la Grèce en viendrait tôt ou tard à des décisions souveraines concernant son économie, aucun peuple n'étant prêt à accepter le démantèlement de son économie après sa mise sous tutelle par les bailleurs de fonds internationaux !
Évidemment, en entendant le mot référendum, les autres dirigeants européens ont joué pour la plupart les vierges effarouchées. Peu importe le calcul politique de Papandréou qui ne manquera pas d'être soulevé, le plus important est que suite aux manifestations des Indignés, le peuple puisse à nouveau devenir souverain.
Quant à ceux qui s'attriste de voir les places boursières dévisser, qu'ils se rassurent : les causes de cette baisse des cours sont à chercher également du côté de la crédibilité du plan de sauvetage de la troïka (dont j'avais dit qu'il ne résoudrait en rien les problèmes actuels de la zone euro) et du ralentissement de l'économie chinoise ! Et au reste, qui leur expliquera que la Bourse ne finance plus l'économie réelle depuis longtemps déjà, mais qu'a contrario ce sont les entreprises qui financent la Bourse au travers des dividendes et des rachats d'actions ?
Les intérêts du peuple sont définitivement antagoniques à ceux des marchés financiers !