A la fois vibrant hommage à son modèle et réappropriation du mythe, Les aventures de Tintin version Spielberg est une réussite totale. D’abord parce qu’il est une évocation fidèle de l’univers de Hergé en forme de réminiscences, mais aussi parce qu’il emmène l’oeuvre au delà, tant formellement que scénaristiquement. Plutôt que d’offrir un mausolée au héros et à son auteur, Steven Spielberg leur érige un Totem vivant. Habilement, le film retourne à la source en adoptant un style réaliste rappelant les illustrations de Norman Rockwell, un artiste américain contemporain de Hergé, dont celui-ci a vraissemblablement connu le travail.
Certaines critiques négatives, qui semblent parfois pouvant être fondées, ne prennent pas en compte la mise en abîme que représente une adaptation, qui passe toujours par le prisme de son auteur. Si Hergé souhaitait déjà Steven Spielberg à la barre de l’entreprise au début des années 80, c’est sans doute qu’il percevait le bénéfice et l’extension que cela offrirait à son monde de papier. Car il s’agit bien de ça: le film propose pêle-mêle les souvenirs réinventés d’un Tintinophile. Tout, depuis les postures des personnages, la façon dont les plis des vêtements tournent sur le corps, à la fluidité du mouvement si propre à l’oeuvre de Hergé, sont restitués avec une exactitude presque émouvante, étoffée par la 3D. Alors bien-sûr, il faudra autoriser au réalisateur le plaisir égoiste d’organiser un combat de grues grandeur nature ou de se laisser aller à une interprétation très personnelle et upgradées des scènes d’action. A défaut de quoi, il reste aussi la possibilité pour les mécontents de revoir Le mystère de la chambre Jaune avec Denis Podalydès.