Nous nous trouvons devant un nouveau et dramatique scandale d’État qui touche des milliers de collectivités.
Par Michel de Poncins
Depuis peu, des emprunts toxiques contractés par un grand nombre de collectivités ont fait irruption dans le paysage médiatique. Le département de la Seine-Saint-Denis, la ville d’Angoulême, celle d’Argenteuil et bien d’autres s’avouent gravement touchés. Pour favoriser leurs projets, souvent douteux, les élus se sont laissés aller à contracter ces emprunts très dangereux car à taux variable. Ils furent appâtés par des taux de départ anormalement bas, ce qui offrait l’occasion de faire passer des projets difficiles. Rien dans la finance n’étant gratuit, ces emprunts étaient indexés sur des indices parfois complexes et volatils : par exemple sur la parité dollar-yen ou même sur le franc suisse ! La sanction devait bien venir un jour ou l’autre par la majoration insupportable des remboursements et des charges d’intérêts. Cette triste affaire ne reflète pas seulement l’incompétence et la légèreté des élus. La négligence des autorités de tutelle, fort nombreuses dans un pays sur-administré, a aussi sa part ; comme à l’habitude tout le monde est responsable et personne n’est coupable !
L’une des raisons de cette situation détestable est la possibilité et le désir de s’endetter. La banque DEXIA, aujourd’hui en quasi-faillite, a joué un rôle majeur dans ce désastre, en poussant les collectivités à s’endetter par son intermédiaire ; ses dirigeants ont ainsi pu tirer profit du piège tendu aux collectivités locales. L’endettement de ces collectivités est passé de 93 milliards d’euros en 2005 à 138 milliards en 2010, sans que l’on sache si le chiffre cité dans les journaux est exact : en fait d’endettement les dettes cachées sont toujours à craindre. Quel que soit le vrai chiffre, il forme une partie importante de l’endettement global de la nation lui-même destructeur de richesse.
Nous nous trouvons devant un nouveau et dramatique scandale d’État qui touche des milliers de collectivités. Dans cette période où nous recevons les feuilles d’impôts locaux, voici l’occasion de remettre à plat le problème majeur des gaspillages de ces collectivités locales.
Une pyramide d’élus
La France compte à peu près 600 000 élus. Ils reflètent la pyramide abusive des collectivités locales elles-mêmes. Il existe en effet 36 000 communes. Mais, par-dessus les communes, s’empile une foule de collectivités : cantons, départements, régions et d’autres. S’ajoutent, en particulier, un nombre inconnu de collectivités supplémentaires sous forme par exemple des intercommunalités de formes diverses ou encore les « agglos ».
Parmi les 600 000, se trouvent de 5 à 10 000 super-privilégiés. Leur poids insupportable se traduit d’abord par des salaires accompagnés d’avantages informels excédants parfois largement les rémunérations et se renforçant par des cumuls indécents. Ces privilégiés du système exploitent le butin public en parfaite légalité ; ce sont eux ou leurs amis qui fabriquent les lois leur permettant de bénéficier de cette situation. Mais, en plus, l’effet négatif est amplifié par l’activité de ces élus qui veulent montrer qu’ils existent en prétendant rendre service.
Dans ce contexte, les gaspillages sont innombrables. Tout le monde a en ligne de mire les palais somptueux, chaque organisme rêvant de son palais, mais il y en a bien d’autres. À Clermont-Ferrand, un tramway a été mis en route pour une facture en accroissement constant et il n’a pas fonctionné. À Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône, un cube de béton a coûté plus de 15 millions d’euros et devait devenir un complexe sportif et culturel démesuré pour une ville de 28 000 habitants : il a finalement été fermé. À signaler aussi les « ambassades » : des régions créent des « ambassades » à l’étranger ; la ville de Lyon entretient des ambassades notamment à New York et à Tokyo. Des grandes mairies ont des collaborateurs de cabinet et des Vice Présidents.
Les mécanismes automatiques des gaspillages
Ce ne sont que des exemples ponctuels mais tous les citoyens en connaissent d’autres dans toutes les régions. Le plus grave est qu’il existe des mécanismes automatiques de gaspillage. Par exemple les aides aux industries, grandement inutiles par ailleurs, et auxquelles les collectivités locales participent largement aux côtés de l’État ; faire la fête est courant : nous connaissons un conseil général dont le président reçoit tous les jours à sa table une vingtaine de personnes. Quant aux dépenses de communication, dénoncées régulièrement, c’est l’explosion. Ne pas omettre la valse des subventions la plupart inutiles et souvent scandaleuses ; la ville de Lyon, pour sa part, subventionne la Casbah d’Alger !
L’État se vante de supprimer un fonctionnaire sur deux. Si c’est vrai cela devrait se traduire par la mutation de ces fonctionnaires dans les régions. Bien au contraire, le résultat des deux décentralisations fut de renforcer les compétences des régions avec un accroissement de leurs effectifs. Il s’est ajouté un double emploi avec les services des préfectures. N’oublions pas l’absentéisme du personnel composé parfois d’amis des élus et qui dépasse largement les niveaux du privé !
Enfin au titre des pertes d’argent, il faut souligner le freinage des activités des entreprises, pénalisées par des formalités absolument insupportables pour obtenir telle ou telle subvention : l’habitude détestable des financements croisés est un obstacle redoutable à la vitesse de réaction des entreprises censées en être les bénéficiaires.
Quel est le comportement du gouvernement face à cette situation ? Il agit dans un sens tout à fait opposé à l’intérêt national. Il prétend d’abord réduire le millefeuille administratif et se lance à cet effet dans une opération complexe et longue. Simultanément il agit dans l’autre sens en créant de nouvelles collectivités ; la plus désolante est le Grand Paris, rêve pharaonique dont les parisiens et d’autres n’ont nul besoin : l’effet de ruine est déjà en route par la création de nouvelles administrations et de postes prestigieux. S’ajoute l’idée de « métropoles », nouvelles collectivités autour de certaines grandes villes.
Comment arrêter le désastre ?
Compter sur l’élection de 2012 serait illusoire. Les hommes politiques les plus visibles ont, peu ou prou, le même programme, qui poursuivra les gaspillages et la ruine qui en découle.
Ne soyons pas toutefois pessimistes car toute situation historique est réversible.
Nous avions proposé, dans un article précédent, d’organiser des référendums privés qui pourraient arrêter les projets ruineux de certains maires. Il suffirait d’un succès quelque part, même dans une petite commune, pour que la méthode se répande.
Une autre formule serait de prendre en cible les luxueux voyages collectifs que font, sous un prétexte ou un autre, les conseils généraux en général vers de prestigieuses destinations. Des citoyens victimes pourraient par des moyens appropriés empêcher le départ. Une seule victoire dans un département serait significative.
S’il y a d’autres moyens, merci à nos lecteurs ne nous les signaler.