Des empreintes ça reste. Enfin, normalement ça reste. On retrouve régulièrement celles, fossilisées, des terribles sauriens du Jurassique. Attend ! Trois cents millions d'années c'est pas rien et c'est arrivé jusqu'à chez nous. Alors il me plaît à penser que trois empreintes imprimées ces jours-ci passeront un peu de temps en compagnie de la mémoire des hommes.
Elles sont à mon avis fondamentales dans l'évolution joyeusement culturelle et indispensable de la Terre et de l'humanité. Ce sont tout d'abord celles des santiags de Mickey Rourke, conformes à la tradition, depuis hier lundi 31 octobre 2011, sur un morceau de béton frais du célèbre Hollywood boulevard. Mickey, pour moi un des plus grands comédiens de l'histoire de l'humanité.
Il y a celles ensuite des 107 pays qui ont voté pour l'entrée de la Palestine comme 195ième membre de l'UNESCO, vous savez ce machin fondamental pour les peuples que l'on galvaude trop souvent, où certains gouvernements, caricatures libérales & réactionnaires s'essuient les pieds dessus, comme sur un paillasson. Ce machin, ce bébé de l'ONU, qui est une organisation pour l'éducation, la science et la culture. C'est pas rien ça l'éducation, la science et la culture, un peu en réduisant la différence qu'il y a entre un vélociraptor et nous. Ouais, un peu de culture, un zeste de science et un soupçon d'éducation et hop... vous avez un homme vrai, construit et debout !!! Et bien, y'a 14 pays membres qui ont voté contre cette entrée. Des pays qui ont des mentalités de vélociraptor ou de diplodocus comme les USA, le Canada, Israël et l'Allemagne. Des pays qui dénient tout droit au peuple (parce qu'il n'est pas encore peuple est la raison du "refus")palestinien... La faute à ma tante s'il n'est pas peuple ? Trop facile de parler de paix quand on la conjugue au quotidien avec les fracas des buldozers et des F16. Quand on n'en veut tout simplement pas pour des raisons obscures, géostratégiques, politiques, économiques, religieuses, de maîtrise de l'eau, ché pas moi... Quand depuis la fondation de l'Etat hébreu on pratique au quotidien le "si vis pacem para bellum". Si seulement le gouvernement israélien savait que c'est tout d'abord avec du respect, ensuite de l'éducation, de la science et de la culture qu'un peuple accède à la "conscience", que ses enfants sortiront enfin de la nuit et lâcheront obligatoirement la kalach, la roquette ou la pierre de l'intifada qu'ils tiennent dans leurs mains !
La troisième empreinte est celle imprimée par le génial et courageux metteur en scène Roméo Castellucci. En ces sombres jours de Toussaint des crétins obscurs revêtus pour certains des soutanes obscènes de Saint Nicolas du Chardonnet, soutanes d'un autre temps ô combien terrible, révolu et rétrograde, des crétins et des cons jettent l'anathème sur une pièce de théâtre jouée en ce moment (*) au Théâtre de la Ville à Paris : "Sul concetto di volto nel Figlio di Dio"( Sur le concept du visage du Fils de Dieu). Le théâtre, par les temps qui courent est un vrai rempart contre les fanatismes. Il est un des rares lieux indépendants où l'homme peut s'exprimer en toute liberté. Il est un lieu de préservation et de sauvegarde de l'indépendance (oui, mot formidable) de l'homme, de "l'idéal" humain. Des connards fanatisés, jettent donc en ces jours, en vrac, de la haine, des insultes, des imprécations fanatisées, de l'huile de vidange et des oeufs pourris sur les spectateurs qui veulent assister au spectacle. C'est inquiétant et pitoyable, car c'est en France que ça se passe. J'ai pas de mots pour exprimer mon dégoût. Quand je pense que nous sommes en train de monter avec notre joyeuse Cie De But en Blanc une pièce religieusement mais joyeusement incorrecte qui suscitera peut-être l'année prochaine l'ire de ces mêmes cons, de ces mêmes censeurs !!! Y'a du boulot encore pour chasser la connerie-crasse du monde.
Le principal cependant c'est de faire, envers et contre tous s'il le faut, le principal, c'est les empreintes "libres" laissées.
Mickey a apporté -imposé- dans ses films la marque d'un homme libre, l'UNESCO a apporté -imposé- la marque de sa détermination, de sa formidable et indispensable indépendance, Castellucci lui, a apporté la preuve que le théâtre est le lieu de tous les lieux libres et indépendants, depuis Epidaure, jusqu'aux heures les plus sombres des dictatures qui ont essayé en vain de le museler, de le baîllonner, il est une des formes les plus vivantes de l'expression humaine.
Moi, qui n'aime pas trop les "traces inutiles", j'aime en ces jours sombres de début novembre, ce début novembre que je n'aime pas, oui, j'aime ces trois empreintes-là...
(*) http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Sul-concetto-di-volto-nel-Figlio-di-Dio/ensavoirplus/idcontent/24649