En page couverture, Lucile, elle semble regarder quelqu’un ou quelque chose, mais probablement ne regarde rien, son sourire est d’une obscure douceur. Lucile, décédée, à 61 ans, troisième enfant d’une famille de neuf, elle-même, mère de deux filles, l’auteure et Manon.
« Je ne sais plus quand est venue l’idée d’écrire sur ma mère, autour d’elle, ou à partir d’elle, je sais combien j’ai refusé cette idée, je l’ai tenue à distance, le plus longtemps possible. Ma mère constituait un champ trop vaste, trop sombre, trop désespéré : trop casse-gueule en résumé. » C’est en partageant, d’un propos très intimiste, l’univers formé parfois de grand bonheur, d’autres de grande noirceur. Ce voyage dans le temps, celui de ses grands-parents, de ses oncles et tantes que l’auteure, également notre narratrice, explore le long périple douloureux de sa mère ; l’avant et l’après de la maladie de Lucile, mais y a t’il véritablement un avant ? Lucile, le 30 janvier 1980, est internée, hospitalisée, et sera emprisonnée en camisole de force chimique pendant 10 ans.
«Lucile est devenue cette femme fragile, d’une beauté singulière, drôle, silencieuse, souvent subversive, qui longtemps s’est tenue au bord du gouffre, sans jamais la quitter tout à fait des yeux, cette femme admirée, désirée, qui suscita les passions, cette femme meurtrie, blessée, humiliée, qui perdit tout en une journée et fit plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, cette femme inconsolable, coupable à perpétuité, murée dans sa solitude.»
Delphine de Vigan, 45 ans, d’une écriture très puissante, captivante, franche, sans artifice, nous revient avec ce récit autobiographique, son septième roman. Deux précédents basés également sur des expériences très personnelles, Les heures souterraines – 2009, (voir billet de septembre 2011) et Jour sans faim – 2001. «L’écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle de poser les questions et d’interroger la mémoire.»