Quand je suis né, le Hot Club de Limoges va sur ses deux ans ! Rex Stewart (ex-trompettiste de Duke Ellington) a l’honneur de débuter ce qui aujourd’hui est une liste de près de 400 concerts. C’est le 14 janvier 1948 et c’est à la salle Berlioz, un peu le Carnegie Hall limougeaud. « Jazz à Limoges », la saga du Hot Club et de Swing FM de Claude-Alain Christophe, paru aux éditions L’Harmattan ces jours-ci retrace aussi la vie de Jean-Marie Masse, premier et actuel président de cette « institution ».
Quand je suis étudiant, j’écoute ses émissions sur Radio Limoges et tombe dans le chaudron même si j’ai déjà deux disques de Ray Charles et Louis Armstrong ! C’est avec le duo Milt Buckner à l’orgue, Jo Jones à la batterie, enregistré le 10 juin 1969 au Lido à Limoges que je franchis le pas. Le lendemain de la diffusion, je suis à la première heure chez Arpèges LE magasin de disques et j’achète les yeux fermés un 33T de Buckner, tellement fermés que je ne me rends pas compte qu’il est au piano et non au B3 Hammond. Depuis, j’ai assisté à une trentaine de concerts du Hot Club de 1973 à 1996 : Milt Buckner, Jo Jones bien sûr, revenus en 73, Earl Hines, « Wild » Bill Davis, Harry « Sweet » Edison, Jay McShann, Lionel Hampton, Bill Coleman, Sammy Price, Arnett Cobb, Bill Doggett … la fine fleur du swing, mais auusi du blues avec Buddy Guy, Junior Wells ou des negro spirituals et gospel songs avec The Sensational Nightingales, que de sensationnelles nuits de jazz.
Quand je deviens « auteur », je ne manque pas de rendre hommage à Jean-Marie Masse dans « Jazz à Souillac » en 1995 et de le remercier à nouveau en 2008 dans « Histoires d’éloges ». Bien sûr ma route a déswingué aux premiers virages parkérien ou coltranien mais sans rien jamais renier. Jazz pas swing, Swing pas jazz ? En tout cas, j’ai pris un immense plaisir à dévorer cette histoire narrée par Claude-Alain Christophe et illustrée par de nombreuses photos, me rappelant les beaux moments comme celui de la trompette aiguë de Johnny Letman faisant réagir ma fille dans le ventre de sa mère ou les interviews de Johnny Simmen ou le repas avec Illinois Jacquet ! Magnifique travail que je salue en connaissance de cause. Quant à l’aventure de Swing FM, le côté matériel nuit un peu à l’émotion dégagée par ailleurs par la saga du Hot Club et de ses acteurs ralliés au panache blanc présidentiel, mais chapeau à cette initiative d’une des rares radios diffusant du jazz pardon de la swing music 365 jours sur 365, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.
Le 15 décembre dernier, j’ai passé un grand moment avec Jean-Marie, cet homme de passions, accompagné deCéleste Day Moore, étudiante de Chicago préparant une thèse sur le jazz en France après la seconde guerre mondiale (cf blog décembre 2010). Il avait parlé de ce livre qu’il venait avec l’auteur de corriger, on sentait briller l’impatience dans ses yeux ! En 2012, nous célèbrerons à Souillac, le centenaire de Sim Copans, homme de jazz, de radio (Paris-Inter, France Inter, France Musique…). Nul doute qu’il sera aussi question de Jean-Marie Masse qui lui, avait débuté à Radio Limoges quelques temps après Sim en juin 48… ou 47, dit-il parfois, quand on aime, on ne compte pas !
Robert Peyrillou
Prochains rendez-vous tous les jours sur http://www.swingfm.asso.fr et le 10 décembre à 20h30 au centre culturel Jean Gagnant à Limoges pour The Brown Sisters, les cinq filles du pasteur Brown, rien à voir avec les quatre filles du docteur March qui ne chantaient pas si bien !
« Jazz à Limoges » de Claude-Alain Christophe aux éditions L’Harmattan 220 pages 22 euros