La santé est devenue un luxe pour un tiers des Français. Nicolas Sarkozy est en déplacement aujourd'hui à Carcassonne pour parler aux Français de santé et de l'hôpital. Les politiques de santé publique devront en effet être placées au coeur de la prochaine campagne présidentielle. Mais le bilan de la majorité présidentielle dans ce domaine est peu reluisant. Le Président n'a pas de quoi se glorifier, et devrait plutôt écouter les attentes des Français, et prêter enfin attention au tiers de nos concitoyens pour qui la santé est devenue un luxe.
Les dernières études publiées sont en effet très alarmantes : les Français sont de plus en plus nombreux à rencontrer des difficultés pour se soigner, pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, à renoncer à des soins pour raisons financières... La part de la population déclarant avoir dû renoncer à se soigner ou reporter des soins faute de moyens au cours de l'année 2011 s'élève à 29%. C'est presque trois fois plus qu'en 2009.
La France est aujourd'hui placée à l'avant-dernier rang au niveau européen, devant la Pologne. Plus d'un Français sur deux estime que notre système de santé ne garantit plus l'égalité d'accès aux soins médicaux pour tous les citoyens. Or, la justice sociale exige que chaque citoyen ait accès à des soins abordables et de qualité. Il s'agit d'abord de garantir les conditions financières de l'accès aux soins pour tous.
De fait, une grande partie de la population fait face à un reste à charge important, qui retarde la consultation de médecins et entraîne des surcoûts importants à moyen terme. Il est donc essentiel de redéfinir des objectifs clairs de prise en charge intégrale des soins, fondée sur une évaluation micro-économique des exonérations ciblées existantes. Cela suppose aussi de redonner à la médecine de proximité et de premier recours toute sa place dans le système de prise en charge des maladies.
Il est également nécessaire de donner aux régimes complémentaires toute la place qui leur revient dans notre système de soin. Contrairement aux convictions de la majorité présidentielle, ils ne sauraient pallier le désengagement de l'assurance maladie sans que soit remis en cause l'ensemble du socle de solidarité nationale. La question se pose plutôt de les rendre aujourd'hui généralisés, comme ce fut le cas pour les retraites il y a près de 40 ans.
Il faut ensuite mettre un terme à la multiplication des dépassements d'honoraires, qui créent des barrières à l'accès aux soins et sont source d'inégalités majeures. Il faudra donc engager des discussions avec le corps médical dans son ensemble et les organismes complémentaires, de manière à encadrer les dépassements d'honoraires en les soumettant à des contreparties négociées.
Les problèmes d'accès aux soins ne se posent pas seulement en termes financiers : la répartition des professionnels de santé sur le territoire et entre les différentes spécialités constitue également un obstacle majeur. Il faudra donc agir pour résorber les déséquilibres démographiques et territoriaux en matière de répartition du personnel de santé, notamment des médecins généralistes qui sont souvent la porte d'entrée de notre système de prise en charge des malades. Les incitations financières ont montré leurs limites. Le développement de maisons de santé, associant soins et services médico-sociaux, où les médecins et infirmières pourraient au besoin être salariés par les Conseils généraux semble plus prometteur. Cette mesure devrait s'accompagner d'une délégation de tâches administratives et médicales des médecins vers d'autres professions, notamment les infirmières.
Enfin, il faut réorienter notre politique de santé vers la prévention. Seul un Français sur trois a effectué spontanément un bilan de santé au cours des 5 dernières années, alors que nous sommes parmi les mieux informés au monde sur les programmes de surveillance de la santé... Le problème ne vient donc pas d'un déficit d'information, mais bien d'un manque de volontarisme politique et d'investissement dans des programmes préventifs ciblés. Qu'il s'agisse de la prévention et du traitement des facteurs de risques les plus courants comme l'hypertension artérielle, de politiques de dépistage systématique pour certains cancers ou maladies, de la lutte contre le tabagisme ou l'alcoolisme, de l'éducation au "bien manger"... Notre pays est très en retard sur l'ensemble des dispositifs de prévention qui devraient être déployés. Il est temps d'adopter une loi quinquennale de santé publique comportant un volet de prévention obligatoirement intégré dans les lois de financement de la sécurité sociale. Rappelons que la prévention n'est pas simplement un enjeu de santé publique : elle permettra de mieux maîtriser les coûts associés au traitement de maladies, y compris chroniques, en les dépistant et en les traitant de façon précoce, avant qu'elles ne se développent et s'aggravent.
Écrit par Pascal Terrasse
Blog de Pascal Terrasse