Puisque je n'ai pas beaucoup publié ces temps-ci et que j'ai du mal à écrire mon compte-rendu du passage de Dylan à Paris, je me suis mis au travail et je vous propose une liste. Elle est longue. Elle intéressera surtout les passionnés du Zim. Les non-initiés, je les renvoie d'abord à sa discographie officielle. Là, il s'agit de 200 bootlegs incontournables pour ceux voudrait se consacrer oreilles et âmes dans l'oeuvre de Robert Zimmerman, dont chaque note de musique a été enregistrée (ou presque).
Quoi, c'est pas très légal tout ça ? Je prends le risque. Certains sont disponibles sous le manteau lors de convention de disques, d'autres sont trouvables seulement sur le net. Et si vous fouillez bien, vous trouverez des liens pour télécharger tout ça, je les ai bien cachés tout au long de l'article. Histoire de pas vous étouffer direct avec trop d'informations, j'ai découpé cette article par périodes et la suite devrait paraître selon le rythme à lequel j'avance. D'abord, l'ère folk, acoustique, les débuts.
Alors bonne lecture et merci de m'avoir été fidèle 200 fois.
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Contenu : Pour commencer, un truc historique, le premier bootleg de l'histoire, paru à l'origine en 1969 sous le nom "Great White Wonder" et distribué sous le manteau. Il contient vingt-cinq morceaux enregistré par le jeune Bob Dylan, 20 ans, dans une chambre d'hôtel du Minnesota, alors que dehors il fait froid. On est en décembre 1961 et le répertoire du gamin de Duluth est principalement constitué de reprises de standards blues-folk, qu'il a sûrement ingurgité en volant les disques de ses copains ou en écoutant la radio tard dans la nuit. Bien entendu, on retrouve du Woody Guthrie ainsi que du Blind Lemon Jefferson, du Leroy Carr, du Big Joe Williams, on a les grands classiques avec "Man of Constant Sorrow" ou "Naomi Wise" (qui sera reprise en concert à la fin des années 80), quelques titres se retrouveront sur son premier album et d'autres, comme le sublime "I Was Young When I Left Home", seront publiés officiellement des décennies bien plus tard. La voix essaye d'imiter les anciens, l'harmonica est chevrotant et il s'agit d'un document indispensable pour qui s'intéresse aux débuts de Dylan, qui vient juste de trouver son surnom et s'apprête à quitter le Minnesota pour partir continuer son apprentissage dans les rues de New York.
Highlights : "I Was Young When I Left Home", "Cocaine Blues", "Man Of Constant Sorrow", "I Ain't Got No Home".
Son : 9/10.
Contenu : Organisé par Izzy Young, il s'agit du premier concert où Dylan est tête d'affiche. Faute de véritable promotion, seulement une cinquantaines de curieux se réunirent le 4 novembre 1961 pour applaudir timidement un gamin qui part dans de longues improvisations à la guitare et à l'harmonica, qui reprend des classiques du répertoire folk et propose deux compositions qu'on retrouvera sur son premier album, "Song to Woody" et "Talkin' New York". Le tout entrecoupé de blagues et de faux accords. Avec sa malice et un style unique, le gamin parvient presque à charmer son auditoire. Izzy Young se ruine mais participe à l'Histoire.
Highlights : "Song to Woody", "Talkin' New York", "In The Pines" et la longue récitation de "Black Cross", reprise de Lord Buckley, une fable sur le racisme qui fait froid dans le dos...
Son : 8/10.
3) The Gleason Tapes [1961-62]
Contenu : Lors d'une résidence à East Orange dans le New Jersey, Dylan rencontre les parrains de la scène folk et récite pendant une bonne demi-heure les classiques du genre. Cette compilation nous propose un enregistrement de sa performance, couplé à quelques vieilles cassettes datant de l'année précédente alors que Dylan avait abandonné ses études et squattait chez un couple d'amis à Minneapolis. Malgré le son archaïque, voilà de jolies embryons.
Highlights : "San Francisco Bay Blues", "Gypsy Davey", "Trail of the Buffalo", "Acne".
Son : 5/10.
Contenu : Une émission de radio en compagnie de Cynthia Gooding, diffusé en mars 1962, alors que Dylan est la star montante de Greenwhich Village. Même recette que d'habitude : des reprises interprêté tour à tour avec un sérieux déconcertant ou beaucoup de malice. Et surtout, des entretiens où Dylan raconte des fables, des bobards, construit son personnage avec de l'humour et de la nonchalance, face à une animatrice visiblement conquise par son charme. L'émission sera édité de manière plus ou moins officielle en 2010 et est selon moi le témoignage le plus agréable à écouter de la période.
Highlights : "Lonesome Whistle Blues" (reprise d'Hank Williams), "Death of Emmett Till", "Hard Times in New York".
Son : 9/10.
5) The Gaslight Tapes [1962]
Contenu : New York. 1962. Le Gaslight. Un café-concert, au beau milieu des rues froides du Village. Le rendez-vous des amateurs de folk. On y voit de la lumière, on y entre pour se réchauffer. Sur la scène, un gringalet s'acharne sur sa pauvre guitare, et chante de sa voix nasillarde, des airs hérités de Woody Guthrie et des traditionnels folk ("The Cuckoo Is A Pretty Bird"). Pas impressionant pour un sou, ce gamin, avec son accent de chèvre et son air timide, renfermé. Pourtant, dans ce café, l'histoire de la musique est en marche, et ne va pas tarder à se réinventer à travers ce jeune gringalet... En plus des tradionnelles folk-songs, il compose le Dylan. De la pure poésie, ces textes, évoquant l'actualité avec ironie et lyrisme ("A Hard Rain's A-Gonna Fall"). On se laisse porter par la pure beauté de "Moonshiner", par la douce mélodie injectée de venin qu'est "Don't Think Twice (It's Alright)". On retrouve la même magie que sur son premier album, sorti la même année, et on se dit que ce type a un sacré potentiel, mine de rien... Là aussi, on a eu le droit à une sortie officielle à édition limitée en 2005 et là aussi, c'est indispensable.
Highlights : "Moonshiner", "Cocaine", "John Brown", "A Hard Rain's A-Gonna Fall".
Son : 9/10.
Contenu : Comme son nom l'indique, cette compilation réunit toutes les prises qui ne figureront pas sur le deuxième album de Dylan, "The Freewheelin' Bob Dylan". Il faut dire qu'il avait apporté en studio de quoi remplir dix faces, que ce soit avec d'éternels reprises (d'Elvis à Guthrie en passant par Hank Williams, la sainte trinité) ou bien des compositions qui varient entre boutades légères ("Baby, I'm in the Mood for You", Mixed-Up Confusion", qui prouve que l'électricité fut branché bien avant 1965) et protest-song apocalyptiques ("Let Me Die in My Footsteps", "Death of Emmett Till"). On retrouve également des prises alternatives de morceaux retenus sur l'album, ce qui permet d'admirer les superbes accords de "Corrina, Corrina" ou la genèse de la "Ballad Of Hollis Brown", qui sera pourtant remisé au placard en attendant l'album suivant. Comme chaque collection d'outtakes de Dylan, c'est à découvrir les yeux fermés.
Highlights : "Corrina, Corrina", "That's Alright Mama, "Mixed-Up Confusion", "Talkin' John Birch Paranoid Blues".
Son : 8/10.
7) Broadside Sessions [1962-63]
Contenu : "Broadside", c'est à l'époque l'émission folk incontournable et comme la star du moment était Dylan, il a dû s'y coller et aller y chanter son lot habituel de compos et de reprises. D'abord en mai 1962, puis en mars et août 1963. Cette compilation est donc l'occasion de voir l'évolution des compositions folk du jeune Dylan, mélangeant les perles de "Freewheelin" (l'hymne "Blowin' in the Wind", "Masters of War", "Oxford Town"), celles de "The Times They Are A-Changin'" ("Only a Pawn in Their Game") et des inédits inspirés ("Paths of Victory", "Only A Hobo", "Farewell"). Tout ça sera plus tard au programme du premier volume des "Bootleg Series" officielles.
Highlights : "Paths of Victory", "Oxford Town", "Masters of War".
Son : 6/10.
8) Stolen Moments - Live at Town Hall, NY [Avril 1963]
Contenu : Un superbe coffret au packaging parfait et au son impeccable, témoignage d'un concert au Town Hall, à New York, le 12 avril 1963. Sûr de lui et accompagné d'une setlist qui est le condensé du meilleur de son répertoire folk, Dylan livre une performance sans fausses notes et devant un public enthousiaste. Qu'il termine en lisant un long poème consacré à son idole Woody Guthrie. Personne ne se doute alors que l'élève a déjà dépassé le maître... Si affectionnez cette période et que vous tombez sur "Stolen Moments" lors d'une convention de disques, n'hésitez pas une seule seconde.
Highlights : "Last Thoughts on Woody Guthrie", "Boots of Spanish Leather", "With God On Our Side", "Seven Curses"...
Son : 9/10.
Contenu : Même s'il est introuvable dans un coffret de la même qualité, ce concert à Chicago est une belle performance datant de la même époque du live à Town Hall. La setlist est plutôt similaire mais Dylan semble plus concerné que jamais par ses récits et il y a un souffle permanent sur la bande qui, pour une fois, est une bonne chose puisqu'il donne une ambiance sépia approprié. On dirait presque qu'il pleut pour de vrai sur "Hard Rain" et l'écho sur "With God On Our Side" donne des frissons dans le dos...
Highlights : "Hard Rain", "With God On Our Side", "Bob Dylan's Dream".
Son : 7/10 (même si le souffle et l'écho sont chouettes).
10) "The Times They Are A-Changin'" Sessions [1963]
Contenu : Parsemé sur différentes compilations, ces outtakes sont également disponibles pour la plupart sur le "Bootleg Series Vol.1". En plus de prises alternatives, il y a des perles, des chansons plus personnelles et romantiques qui n'auraient pas vraiment eu leur place sur l'album mais annoncent déjà un nouveau tournant pour Dylan.
Highlights : "Percy's Song", "Eternal Circle", "Mama You've Been On My Mind".
Son : 8/10.
11) Studs Terkel's Wax Museum [Mai 1963]
Contenu : Une émission de radio diffusée le 1er mai 1963, où l'on retrouve les morceaux du nouvel album et des interviews, le tout compilé dans un coffret au packaging et au son impeccable. Un must pour appréhender le cru 63.
Highlights : "Who Killed Davey Moore ?", "A Hard Rain's A-Gonna Fall".
Son : 9/10.
Contenu : Le plus beau concert de 1963. Deux ans après son premier passage au Carnegie Hall, Dylan est devenu le petit roi de la scène folk, plus seulement connu dans les rues de New York, mais par le pays tout entier, notamment grâce au succès de "Blowin' in the Wind", l'aide de Joan Baez et son passage au festival de Newport durant l'été. Seul avec sa guitare et son harmonica, il livre une performance courte mais intense, en mélangeant des protest-songs qui claquent dans l'air et des ballades qui font trembler. On a l'impression d'y être et c'est peut-être l'ultime témoignage d'un Dylan concerné par des chansons comme "Davey Moore" ou "With God On Our Side". C'est souvent beau à pleurer et c'est à posséder et à écouter seul, un soir d'automne, avec une bougie allumé.
Highlights : "North Country Blues", "Boots of Spanish Leather", "Lay Down Your Weary Tune".
Son : 9/10.
Contenu : Et les temps ont changés. Tournant le dos à une scène folk dont il ne veut plus être le porte-parole ou le pantin, Dylan s'épanouit dans un univers plus personnelle et poétique avec ce nouvel album, dont les sessions ont été conservés. On y trouve un "Mr. Tambourine Man" sublimé par la guitare de Bruce Langhorne, un "All I Really Want To Do" avec un vers supplémentaire, un Ramblin' Jack Elliot qui fredonne ça et là, et deux outtakes, "Denise" et "California" qui, même si elles sont indéniablements plus faibles, valent le coup d'oreille.
Highlights : "All I Really Want To Do", "Mr. Tambourine Man" et "I Shall Be Free #10".
Son : 8/10.
14) Philarmonic Hall, 1964 [Octobre 1964]
Contenu : Halloween, c'est demain. Et que faisait Dylan le soir d'Halloween, en 1964 ? Il donnait au Philamornic Hall une prestation enjouée et inoubliable en compagnie de Joan Baez et prouvait définitivement qu'il était en pleine mutation. Le mieux pour écouter ce concert culte, c'est encore de se procurer le "Bootleg Series Vol.6" qui lui est consacré et dont je faisais une chronique ici.
Highlights : "All I Really Want To Do", "Don't Think Twice (It's Alright)", "If You Gotta Go", "Gates of Eden".
Son : 10/10.
Dès que possible, la suite avec la période électrique, de 1965 à 1966...