Miscellannées de Monsieur H. : au fil des discussions avec les libraires, tendances et fiscalité

Par Hugues
Amis Bibliophiles bonjour,

Les chemins de la bibliophilie sont parfois tortueux: alors que j'achète de plus en plus chez nos amis libraires... et que je reçois paradoxalement de moins en moins de catalogues papier, je me suis trouvé deux fois en contact avec des libraires dans les dernières semaines. Dans les deux cas, c'était pour m'acheter un ouvrage, plutôt que de m'en vendre un. L'une des deux transactions s'est finalement concrétisée, l'autre est reportée, même si la pression du libraire reste très forte.Dans les deux situations, comme toujours ces discussions furent très intéressantes. Dans le premier cas, l'échange fût l'occasion de découvrir l'approche particulière de ce libraire sur le marché. En effet, celui-ci achète à contre-temps, c'est-à-dire les ouvrages de bibliophilie qui n'ont actuellement pas les faveurs de la mode, comptant logiquement sur une évolution des tendances et le retour en grâce de ces ouvrages achetés au plus bas. Démarche intéressante, qui suppose de bien sentir le marché. Démarche aussi qui pour moi distingue définitivement le libraire d'ancien du bibliophile: essayez toujours, en tant que bibliophile, d'acquérir des ouvrages qui ne vous intéressent pas, simplement parce qu'ils sont momentanément plus abordables. C'est vain...Il ne vous reste plus qu'à espérer être là au bon moment, intéressé par des types d'ouvrages qui ne sont pas à la mode.Je lui répondais que certains ouvrages me semblent être toujours recherchés, quelle que soit l'époque, ainsi les éditions originales de grands textes (de toutes époques), les grands ouvrages de référence, etc... mais il arguait que des niches subsistent toujours, et méritent que l'on s'y consacre. Difficile pour le bibliophile, nécessaire pour le libraire. Selon lui, les ouvrages qui sont actuellement intéressants, et vont le devenir encore plus pour qui n'a pas besoin de (re)vendre sur un cycle court sont les ouvrages anciens (imprimés avant 1789 à quelques années près), en particulier les éditions latines: en effet, les bibliophiles vieillissent et ceux qui ont fait de vraies humanités (parlant ou comprenant grec et latin par exemple) sont de plus en plus rares. De l'autre côté la nouvelle génération de bibliophiles est à la recherche d'ouvrages plus "faciles" d'approche, et lisibles, ce qui augmente la cote des ouvrages 19ème, en particulier les éditions originales. Si je prends mon exemple personnel, il est tout à fait vrai que même si j'ai étudié le latin (pas encore totalement perdu, mais cela ne saurait tarder), j'ai plus souvent croisé Balzac, Baudelaire, Zola, Flaubert ou Stendhal pendant mes études que Pline ou même Ovide. Personnellement, je suis incapable de saisir de telles tendances, étant déjà incapable de construire une bibliothèque autour d'un thème précis (ce qui à mon sens lui donne précisément sa valeur - non commerciale). Du reste, je n'achète jamais pour spéculer, et je crois que c'est finalement mieux, je perdrais assurément au change.Amis libraires, amis bibliophiles, amis bibliomanes... Sentez-vous de votre côté ces mêmes tendances? J'aimerais beaucoup avoir votre avis et savoir si vous aussi, et je parle principalement aux libraires, vous avez une logique d'achat à contre-temps.Autre type de libraire, autre type de livre, autre type de discussion pour le second livre, que je n'ai pas vendu. En passant, il est intéressant de la ténacité et l'amitié que vous démontre un libraire :) lorsqu'il est très intéressé par un de vos ouvrages. 


Dans ce cas précis, les appels téléphoniques sont réguliers, on s'enquiert avec grande courtoisie de votre santé, j'attends la boîte de chocolats à Noël (hélas Pibi est mort...)... et de celle de l'ouvrage en question. Situation agréable, même si je me sens toujours très inconfortable pour fixer le prix d'un livre, encore plus d'ailleurs lorsque je ne suis pas forcément vendeur. C'est ce que j'expliquais à ce libraire, bien connu sur la place et avec lequel j'avais déjà eu le plaisir de passer quelques heures dans sa caverne d'ali baba provinciale, dans le cadre d'une discussion sur son parcours en librairie. Libraire que j'apprécie beaucoup du reste, et qui à mon sens fait à sa façon beaucoup pour le livre. Comme il s'agit d'une proposition d'achat et non de vente, l'heure n'est plus à l'investissement que peut constituer le livre ancien, ou à la beauté stupéfiante et irrésistible d'un grand ouvrage, mais à un autre argument qui m'a lui aussi stupéfié.Alors que j'évoquais en effet la possibilité de confier un jour (lointain) l'ouvrage à une maison de ventes, notamment parce que je ne sais pas évaluer sa valeur, et pour donner aux acheteurs les meilleures chances (y compris au libraire en question d'ailleurs), celui-ci m'a informé d'une nouvelle étonnante: il semble qu'à partir du mois de février, les plus-values sur les livres anciens réalisées notamment lors des ventes aux enchères soient taxées de façon nettement plus importante (30% au moins), sauf si le vendeur peut prouver, sur facture, qu'il a acquis l'ouvrage il y a plus de 30 ans. Il y a 30 ans, je lisais Pif Gadget (achat à contre-temps dont j'espère qu'il portera bientôt ses fruits!)... et j'ai réalisé tous mes achats dans les 20 dernières années, me voici donc dans une situation peu enviable... La solution, vendre maintenant, ou en tout cas avant le mois de février. En avez-vous entendu parler?Ceci me laisse perplexe... D'un côté, je me dis que les ventes vont peut-être se multiplier d'ici février, ce qui est toujours une bonne nouvelle, de l'autre 30%..... Et d'ailleurs, entre nous, avez-vous une facture pour tous vos ouvrages, notamment ce petit chopin fait sur la brocante de Locquirec ou cet autre acheté à un particulier sur ebay? Moi non.HEn passant, mon problème reste entier, je ne sais pas évaluer la valeur de cet ouvrage. Si l'un de vous, expert ou libraire, veut se mesurer à un livre assez étonnant et me propose une expertise, qu'il n'hésite pas à me contacter.