Manque de moyens. Manque de personnel. Réduction des effectifs. Non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Pas de doute, la fonction publique disparaît sous le coup de coupes claires méthodiques, répétées et acharnées. C’est horrible. À moins que …
À moins qu’on nous bourre gentiment le mou. Ou que, plus simplement, on nous raconte une belle histoire en insistant sur ce qu’on voit et en oubliant, de l’autre côté, tout ce qu’on ne veut pas voir.
Il y a quelques jours est sorti, fort discrètement, le rapport annuel de la fonction publique. On y apprend pas mal de choses, et surtout que, contre toute attente, le nombre de fonctionnaire … augmente. Pourtant, si l’on s’en tient au discours officiel des syndicats, ponctués de petites larmes aussi calibrées que médiatiques, la situation, dans le pays, devrait alarmer tous les citoyens puisqu’à les écouter, des pans entiers de nos services publics sont menacés de fermer purement et simplement, suite à auto-dissolution active et rapide de leurs personnels…
En fait, il n’en est rien, et le rapport est assez clair, pour une fois : le nombre total de personnel émergeant, d’une façon ou d’une autre, aux frais de l’Etat, local ou national, augmente de plusieurs milliers par an.
La crise a, semble-t-il, érodé légèrement le rythme d’accroissement de la fonction territoriale et hospitalière, qui compense toutefois encore très bien la diminution du nombre d’agents de la fonction nationale. Youpi. A ce rythme, le nombre de fonctionnaires dans le pays repassera sous la barre des 10% d’actifs en 2100 ou quelque chose comme ça.
On notera d’ailleurs sans mal qu’à cette augmentation constante du nombre d’employés de la fonction publique sur les trente dernières années correspond une augmentation constante de la dépense publique, une augmentation encore plus rapide du poids des prélèvements fiscaux, taxatoires et vexatoires, et une indestructibilité du chômage de masse (avec des records réguliers).
Attention cependant : tout lien de l’un à l’autre n’est que le fruit des esprits pervers turbo-libéraux qui remplissent les esprits laborieux de pensées séditieuses et de propos malsains dont la portée contre-révolutionnaire et petite-bourgeoise ne laisse aucun doute. Ne vous laissez pas avoir !
En réalité, il n’y a guère qu’une toute petite partie de la population qui peut encore croire que les services publics de notre pays sont en voie de disparition ou dans la menace d’une évaporation par manque de personnel ; tout le monde comprend bien qu’il y a, maintenant, trop de personnel dans une administration qui entend maintenant gérer des domaines toujours plus vastes, depuis la nourriture pour bébé jusqu’aux réacteurs nucléaires en passant par l’agencement des platanes sur une route départementale ou la façon dont les particuliers doivent se chauffer, s’habiller ou s’accommoder les uns les autres (et ça ira jusqu’au choix de la sauce lorsqu’on en sera arrivé là). Et tout le monde comprend, même si parfois confusément, qu’une telle pléthore de ressources humaines employée à de si médiocres résultats (la queue aux urgences, devant les guichets d’administrations, des classes surpeuplées, etc…) ne peut s’expliquer que si l’on admet, enfin, qu’une proportion non nulle d’employés ne fait tout simplement pas son travail.
Mais le plus incroyable est que l’Etat, ce faisant, a signé sa propre perte.
D’un côté, il a augmenté sa masse salariale dans des proportions qui ne sont plus, de facto, soutenable ; les dettes sont tous les ans creusées parce que les frais de fonctionnement ne sont plus couverts avec ce que rapportent les ponctions, pourtant démentielles. Le clientélisme, la fausse solution de l’emploi public contre le chômage, et la couillemollisation massive et habituelle du corps politique auront abondé à la tendance lourde d’accroissement de personnel.
De l’autre côté, lorsqu’il va s’agir de sauver ses miches, l’Etat (et, plus précisément, les politiciens qui sucent à ses mamelles) devra arbitrer entre augmenter encore les impôts et diminuer ses dépenses. On comprend qu’il choisira avant tout d’augmenter les ponctions, y compris sur ses salariés, reprenant ainsi d’une main ce qu’il leur aura donné de l’autre. Eh oui : si les gens sont prêts à sortir dans la rue lorsqu’on leur sucre leur salaire, leur pension, leur indemnité, ils ne bougent qu’assez peu lorsqu’on les leur donne quitte à les reprendre ensuite…
Autrement dit, l’Etat a créé une classe moyenne captive, assujettie à ses largesses, qui chérit cette entité marâtre qui, de l’autre côté, va lui retirer à peu près toute dignité à mesure que la situation deviendra intenable. Pire : en introduisant de fait des traitements plus favorables à ses salariés qu’aux salariés du privé, il crée à terme une situation plus que délicate voire insurrectionnelle lorsque les seconds vont se rendre compte qu’ils sont les dindons de la farce des premiers, sans espoir d’amélioration.
Parce qu’une chose est certaine : plus de 20% de personnes travaillent avec l’argent pris sur les 80% restant, et sans que cet argent suffise ! Ce qui est arrivé à la Grèce, ce qui se passe du côté d’Athènes actuellement va mathématiquement se produire, le temps venu, en France et du côté de Paris.
La question n’est donc plus « si », mais « quand ».